LES BARRICADES MYSTERIEUSES 1946 Gelée blanche A Jean-Pierre Neiges de deux hiv
LES BARRICADES MYSTERIEUSES 1946 Gelée blanche A Jean-Pierre Neiges de deux hivers ne se reconnaîtraient Ni vous ne figerez les plis de mon eau froide, Gel du poème, Ou son fouillis ne ferez roide. — Plus que de l'épervier les demeures m'effraient, Quand l'aurore me donne à sa serre féline, Plus l'indiscret oiseau dont je suis la volière : Mésange — cœur de fraise — aux tortures encline Qui me met en morceaux comme on casse les œufs. * Je me dispute avec le soir fragile et casse, Casse comme une vitre et j’ai plusieurs cadavres. On me recueille, on me recolle, et on se lasse : Je couche avec un coin de mur que mon air navre. La femme en mouvement a l’air d’une tenture : La plier, la ranger, puisqu’elle me dérange, Puisqu’elle me déplie ! me débarrasser d’anges Geôliers, qui défont et refont mes pliures ! La pluie montre ses dents, exige la lumière Mon envie de crier, comme un doigt qu’on déplie, Tire, tire les fils du nez de la mercière Qui maigrit, mais qui tourne, embobinant la pluie. * PERCHOIR Tes pieds gelés déforment mon image s'use ma bouche à tes pieds de statue Y nidifient ceux qu'oubliera la mer Les dénichez, miroirs aux coquillages. Chagrins d’un coquillage. La marine Salive abuse une étrange acoustique Jusqu’à mousser pour embellir la ruche Du parasite (aussi crèche des perles). (Neige, tes seins la proie de) mes coquilles, Tu comptais bien les captiver coquette En travesti d’un arbrisseau marin. Ces pendentifs ont une autre musique, La bouche morte ailleurs se posera. * DE CERTAIN BÛCHERON Encor que ses soupirs n’enfleraient qu’un mouchoir ; Mieux sait-il écorcher et de mort émouvoir Cette échine rebelle, où décevoir vos forces Vents qui vous essoufflez à la rompre d’entorses. * Le vent qui touche à tout, jeune fille sans aile, Touche à toi, demoiselle où veut poser sa bouche L'équilibriste qui tient sur un baiser d'elle Et tourne sous son fard, dès que le vent le touche. Sur tes genoux moins durs que les genoux du bois, Votre baiser savant penche comme une fleur, Penche vers une fleur : c'est la fleur qui vous boit, Chavirés sous vos fards, comme boit un voleur. * SOIGNER SES ROSES A Jean Cocteau Son incroyable armure a dégradé la rose, Au reste jamais nue. Dénouer la ceinture A cette fleur serait vanité. Qu’on l’arrose De diamants. La beauté comme un voile de nue S’étend, comme une main travaillant par derrière (Les objets souriants ont ainsi leur mystère) N’abandonnant ici ce que rose l’on nomme Que pour faire agiter ses ailes une fleur. Nous laisserait-on voir plutôt qu’un miroir vide Ces objets malheureux qu’une beauté transforme. Je crains moins les barreaux que la cage de l’ombre, Que les dentelles d’ombre, écriture et langage Des anges dissipés. Cette tache suspecte Entre toutes – forcé de lui donner en gage Mon cœur comme un cœur d’arbre aux ombres familier – Me zèbre, me flétrit et me prend mes trésors Utiles. De chez moi balaie ce décombre, Beau soleil ! Je sais mal dans l’ombre qui m’encage Me servir de mon corps épineux : ce tangage Le montre assez, cette démarche de centaure. Je voudrais y frotter, ce tronc de mousse ombreux Le mien d’ombre moussu, mettre dans tes pieds nus Mes pieds d’ombre chaussés, moins bien entretenus. Tête en bas, tête en l’air dans ma cage interlope, Arbre, je veux tenir sur mes pieds tachés d’ombre. Peau-rouge ta beauté tes membres enveloppe, Portique de muse aux accessoires nombreux, La muse y fait un jeu de ma flexible peine. Rose n’est jamais nue, cher ami vieillissant, N’abandonnons la route où les roses reviennent. Poète jalousant, jeune rose établie, Cette tige, sans voir l’aurore surprenante - Sa main de blanchisseuse à vous nouer s’attarde – Mes yeux sont mal pliés, par contre, au saut du lit, Votre service est fait. Si la beauté se noue, Quel nœud vous faites ! Fleur, mettez-vous à la place D’un poète noué : pleurez vos sœurs coupées. Pour être déchaîné, c’est, douloureuse grâce, Mal plié, mal frisé, bien cher, je voudrais prendre Tige, peut-être l’aube aurait pour moi des soins. Ce rire différent dans ce peignoir de nue, Pourquoi m’en étonner, fausse fleur demi-nue Sous l’orage – Abruti, tu nous montres ta tête Rose, orange tête-roses ! – Soignez vos roses Congestionnées : la rose en cas de rage mord ! Incroyable destin d’un garçon de Paris, Flétrissant, qu’en penser cornu soleil sans tige, Ce garçon écorché, d’arbre et rose chéri. Sur le cou du soir nu qui essaie des pauses, Il tue les courants d’air et les drapeaux qui luttent. * Que n'osent-ils goûter la langue bleue du ciel ? La bouche en cœur, à chatouiller des clairs de lune, Va siroter le lait des aubes, gare, gare, Des sphinx tête de mort sont issus de l'écume De leurs regards, La nuit portée sur les épaules de leurs ombres , Aux bovines fadeurs, dont les pas sont des âges (Serpents, sonnez le vide à leurs gestes qui sombrent). Aux branchages sèches ressemblent les sauvages, Seuls, qui dans la détresse des vents se décrassent Et dans les fumants sacrilèges débandés (Serpents, sonnez le vide !) et sous leurs carapaces, Les morts, méditatifs comme des scarabées, Que n'osent-ils goûter la langue bleue du ciel ! * BÊTES DE PEUR Fioritures : l’espoir qui des jours s’encombre, Pour faire chanter l’eau, souffle dans ton verre, Verse l’eau par terre Où n’a pas soif l’ombre. Caressez-moi, chats de la peur (Mes cruels orteils mangent du sable) Qu’on vous laisse avec moi ; que je change de couleur : Certaines personnes sont une fable. Sage, bêtes alléchantes ! Pour vous chaque cœur est un sucre Et vous soufflez dans l’eau qui chante Car j’ai mis mon cœur bien haut qui chante. Un mur De vitre vos yeux ont. Ne me remplissez pas d’eau froide, Que je devienne les maisons Aux vitres roides. Eau ! Je bascule autour d’une Bille dans mon talon droit. Oh ! les parquets, les droites prennent le droit De faire semblant d’être des dunes. Quelque chose de dur vous bat, vous fait partir, Chats léchants de la peur. Langue de savon, mains de beurre Rance : voilà ce que font ces hétaïres. Transpercé, coq, de mes regards, Si ta langue, feuille choisie, Chante, la crête remercie. L’ombre nous met sous son mouchoir. Que de feuilles, printemps, de plumes Se perdent ! Soyons économe : N’ajoute oreiller que d’écume Au narcisse que le coq nomme. * A Jean-François Le doigt du plaisir file ainsi qu’un jeu de cartes Mais le plaisir est myope, il avale sa queue Et meurt en dévidant ce fatal tour de cartes : L’inceste de la chatte oblique avec sa queue. * VENDANGES La fleur déclose me prive de tout comme elle abandonne un fruit. Mon sang charrie des glaçons, fleurs de la récolte quand le cortège de ce soir m'ouvrira les veines. Meuniers, ramoneurs et ceux que le sel a déteints, mes démons se laissent apparaître, vêtus de soufre et plus près encore des papillons pour cette race légère que saura fixer une pointe dans l’aile. A des fleurs les papillons font l’amour, eux vont au baiser des fruits. Délaissant ces bouches entr’ouvertes qui pendent aux branches, d’un galop les vendangeurs passeront fouler mon corps : une grappe de leur vigne. * ARBRE ET HOUX Un arbre du jardin me fait faire le beau, Grave, il se déshabille et donne sa vêture Aux oiseaux. Sur mon cou, trésors de la nature, J’en prive les oiseaux, je vous porte, fardeau D’ingénieux chasseur. L’arbre est un grand oiseau, D’un appareil de rame en ses mains costumé, Je me tiens aussi mal qu’un arbre ou qu’une almée. Et cette fausse vie comme des fleurs dans l’eau, De l’arbre je la tiens : l’arbre m’a tout donné. Tout le monde peut voir cet arbre changer d’âge, Dans ses touffes cacher des pots de maquillage, Des bandelettes de son ombre enrubanné. D’épingles tapissé, ainsi souffre le houx : Son costume le perce et de même vous pique Les mains. Quelle étrange fleur de houx, fleur de pique Suis-je, à l’arbre épinglé par l’œil de son genou ? Les ores de la mer font de tels barbelés Qu’un arbre, s’il les lèche, a langues en dentelle. Les vagues, chars de roses bleues, on y attelle Vos baigneuses, tritons qui les vagues moulez. Aussi feuilles d’écume et bonnets à grelot Coiffez leur – qu’un plongeon les servant à l’envers, Ces provinciales nues attirées par la mer, Sur des langues d’arbre présentées, mange l’eau. Des langues de pêcheurs en mouettes fécondes (En crevettes aussi tes chignons d’algue amers, Baigneuse casquée d’eau qui les vagues émonde) S’envolent quelquefois les roses de la mer. * Pour André Beaurepaire. La colonne amoureuse est le dégel du marbre. Que plusieurs enlacées fassent des cols de cygne : Hennissant aux échos le temple fou se cabre, Se dévisage au ciel où l’éclair le uploads/Geographie/ larronde-olivier-les-barricades-mysterieuses.pdf
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- Publié le Oct 13, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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