Kaïdara : récit initiatique peul Texte présenté par une S Réunion du CDK du Sam

Kaïdara : récit initiatique peul Texte présenté par une S Réunion du CDK du Sam edi 26 mai 2007 Kaïdara est le titre d’un conte ou récit initiatique peul. Il fait partie de la littérature orale traditionnelle des Peuls du Ferlo sénégalais, une zone qui s’étend sur la rive sud du fleu- ve Sénégal, et ceux du Macina, une région située au Mali dans la boucle du fleuve Ni- ger. Les Peuls se répartissent dans l’ensemble des pays sahéliens. Ce sont des pasteurs nomades qui élèvent des bovins. Qui est Kaïdara ? Dans le panthéon peul, il y a tout d’abord Guéno qui est l’Eternel, le Tout-Puissant, le Créateur. Conservateur et destructeur, il donne la vie et l’arrache. Mais Guéno n’est pas en contact direct avec les humains. Entre lui et les hommes, il y a des sortes de génies, des esprits surnaturels qui sont son émanation. Kaïdara est l’un de ces génies. C’est l’initiateur par excellence. Au sens étymologique, Kaïdara viendrait du verbe peul daraade. Dara, qui en est la for- me impérative, signifie arrête-toi. Kaïdara pourrait donc vouloir dire « arrête ici ». Il sous entend un chemin à parcourir et un but à atteindre. Ce but est Kaïdara. Or Kaïdara est le Dieu de l’or et de la connaissance. En Afrique de l’ouest, l’or est toujours associé à la connaissance. Métal royal, il est le métal ésotérique par excellence, car il ne s’altè- re pas. « Il ne se rouille ni ne se souille ». D’après le mythe, on le trouve sous 11 cou- ches de terres et minéraux différents. »L’or est considéré comme le socle du savoir. Mais si l’on confond le savoir et le socle, il tombe sur vous et vous écrase ». Dans cette maxime apparaît clairement l’association or/connaissance, telle qu’elle est réunie dans Kaïdara. Kaïdara est donc le récit d’une initiation qui a pour objectif la quête de l’or/ connais- sance, la quête du savoir. Cette initiation prend la forme d’un voyage au mystérieux pays des génies-nains de Kaïdara. Elle met en scène trois jeunes gens. L’itinéraire que suit le voyage comporte trois phases. La première est un aller parsemé de signes énig- matiques, de symboles et d’épreuves. Cet aller est suivi d’un retour, lui même riche en épreuves et en périls divers. Enfin, l’initiation se termine par une troisième phase où la lumière, c’est-à-dire la connaissance est donnée à l’initié. C’est au cours de cette phase que la signification des symboles est révélée. Le conte débute ainsi. « Conte conté, à raconter Seras-tu véridique ? Pour les bambins qui s’amusent au clair de lune, la nuit Mon conte est une histoire fantastique. Quand les nuits de la saison froide s’étirent et s’allongent, A l’heure tardive où les fileuses sont lasses, Mon récit est un conte agréable à écouter. Pour les mentons-velus et les talons rugueux, c’est une histoire véridique qui instruit. Ainsi je suis futile, utile, instructif. 1 Déroule-la qu’elle vienne. » Un beau matin, au lever du soleil, dénommé Roi borgne, car son oeil unique suffit à voir tout ce qui se passe sur la terre, à la réchauffer et à l’éclairer, trois jeunes hommes, trois néophytes, Hammadi, Hamtoudo et Dembourou se retrouvent à un carrefour, une croi- sée de trois routes. Ils sont tous les trois si émerveillés, voire ensorcelés par la beauté du soleil levant, qu’aucun d’entre eux n’entend l’autre arriver. Les trois disciples sont dis- posés d’une manière très particulière. Le conte précise en effet qu’ « ils se trouvèrent comme les pierres disposées en triangle dans le foyer domestique ». Cette analogie avec les trois pierres qui constituent le foyer de la cuisine africaine traditionnelle renvoit au symbole du foyer où se mijote la cuisine du savoir. Les trois jeunes hommes entendent une voix mystérieuse qui les encourage à « pénétrer dans le bois-ancêtre, à chasser et à offrir en holocauste le premier gibier rencontré ». Poussés par une force irrésistible, les trois personnages s’exécutent. Au cours de leur chasse, il tuent un fourmilier, c’est-à-dire un animal mystérieux, chargé de puissance occulte et d’effluves dangereuses qui se nourrit de fourmis et de termites. Puis ils brû- lent le fourmilier. La voix leur demande ensuite de nettoyer la place où se trouve le foyer éteint. Le fourmilier représente l’impétrant. Avant d’être initié, celui-ci doit subir une transmu- tation qui lui permettra d’accéder à un autre plan de perception. La transmutation s’opè- re par une alchimie symbolique signalée ici par le sacrifice du fourmilier sur un grand feu et par la purification des lieux. Tandis qu’ils nettoient la place, les jeunes gens découvrent une pierre triangulaire, « de neuf coudées de pourtour » dont l’une des faces est peinte en noir et l’autre en blanc. Au moment où ils sont invités par la voix mystérieuse à commencer leur voyage et à pren- dre un bâton, qui leur servira d’appui et à pousser l’animal porteur, « telle une main in- visible, une force retourna sur elle-même la pierre triangulaire. Elle cacha sa face peinte en noir et découvrit son côté enduit de blanc ». Le bâton symbolise le tuteur, le maître indispensable sur lequel l’élève devra accepter de s’appuyer. Quant à la pierre plate triangulaire, elle symbolise la porte de la voie ini- tiatique. Elle est la limite entre le pays des vivants, le monde exotérique et celui des nains de Kaïdara, le monde ésotérique. Elle constitue une sorte de frontière qui marque le passage d’un état dans un autre. Le triangle rappelle la triade peule de base. Pour les Peuls, il y a trois pays, celui de la clarté où vivent les êtres visibles, celui de la pénom- bre où vivent les êtres invisibles et le pays des morts. Les deux faces de la pierre repré- sentent les deux sciences. La face blanche symbolise la science exotérique et la face noire l’esotérique. Les neuf coudées renvoient aux neuf ouvertures physiques de l’hom- me averti mais qui n’a pas encore donné la vie. Trois est le chiffre de la manifestation et neuf trois fois cette manifestation. Une fois la porte symbolique franchie, les trois disciples commencent leur voyage ini- tiatique. Ce voyage est souterrain car Kaïdara, Dieu de l’or, se trouve, comme l’or, sous terre, en zone ésotérique. Pour pénétrer au fond de la terre, les trois disciples descendent un escalier de neuf marches qui les conduit sur une place où ils trouvent trois boeufs- porteurs, chargés d’eau et de vivres pour la route. L’escalier symbolise la progression vers la science. S’il monte vers le ciel, il s’agit de la connaissance du monde apparent, exotérique. S’il descend, il s’agit du savoir ésotérique, occulte. Bien que les trois voyageurs se trouvent sous terre, donc en zone ésotérique, la signifi- cation des symboles qu’ils vont rencontrer ne leur sera pas dévoilée. Tel est le sens de la face blanche de la pierre. 2 Dès leur arrivée sous terre, la voix mystérieuse encourage les trois disciples à garder le silence et à reconnaître leur ignorance. « Tu sauras où quand tu sauras que tu ne sais pas. Quand tu pourras attendre pour sa- voir, tu sauras », répond la voix mystérieuse à une question d’Hammadi. L’une des ca- ractéristiques de l’initiation est en effet la lente progression dans la connaissance et l’ajournement des réponses aux questions trop empressées. Au cours de leur voyage souterrain, les trois disciples vont faire des rencontres insoli- tes, douze exactement, qui vont se manifester sous la forme d’animaux, de plantes, de choses ou de situations qui sont chargés d’une signification qui leur échappe. Ces ren- contres/symboles sont un caméléon, une chauve-souris, un scorpion, une mare remplie de serpents, une empreinte de gazelle gorgée d’eau, une outarde, un bouc ludique, deux arbres jumeaux, un animal dévastateur qui prend successivement la forme d’un coq, d’un bélier et d’un taureau, trois puits, un vieil homme qui ramasse du bois mort et en- fin, une case nauséabonde qui est le douzième symbole. Chaque symbole se décrit et se présente ainsi : « je suis le Xème symbole du pays des génies nains et mon secret appartient à Kaïdara, le lointain, le bien proche Kaïdara. Quant à toi, fils d’Adam, va ton chemin ». Cette formule est comme un refrain qui ryth- me le récit et ponctue chaque degré franchi. En effet, ces symboles représentent autant de degrés dans l’initiation que chaque adepte doit gravir. Le parcours initiatique est un sentier jalonné d’épreuves. Dès le début, les corps des trois disciples sont mis à rude épreuve.Les trois postulants sont tout d’abord confrontés à l’espace et au temps. « Ils se mirent à marcher, marchèrent longtemps, marchèrent pour de bon, s’il y eût jamais une marche, vraiment c’en était une ! Ils dépassèrent les contrées qu’habitaient les fils d’Adam. Ils traversèrent d’épaisses forêts vierges. Ils dé- bouchèrent sur une plaine sèche aride et cette plaine s’étendait à perte de vue. Nulle ver- dure ; dans cette plaine on ne voyait rien hormis le soleil solitaire amusant son enfant ». Les trois adeptes sont également uploads/Geographie/ kaidara.pdf

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