1 Le colonialisme est un système par Sartre En 1956, Jean Paul Sartre prononça
1 Le colonialisme est un système par Sartre En 1956, Jean Paul Sartre prononça un discours dans un meeting pour la paix en Algérie (1) dont le titre était « le colonialisme est un système ». En voici l’intégralité que j’ai transcrite. Dussé- je passer pour une « radoteuse » je voudrais contextualiser ce texte : 1956, c’est l’invasion de la Hongrie ; 1956, c’est le vote des pleins pouvoirs à Guy Mollet par les communistes pour qu’il fasse la paix en Algérie, le dit Guy Mollet, après un voyage en Algérie où il se fait chahuter, envoie le contingent faire la guerre. Sartre le reproche aux communistes. Paradoxalement encore aujourd’hui on en veut aux communistes de ce vote mais peu de gens reprochent leur acte aux socialistes ou reprochent l’exécution d’Yveton au ministre de la justice de l’époque François Mitterrand (2). Les mêmes qui ont crié non sans raison contre les communistes en 1956, se sont souvent retrouvés membres du PS et derrière François Mitterrand. Pourtant 1956 c’est l’opération de Suez, toujours dans le contexte colonialiste, c’est-à-dire le choix colonialiste d’Israël, la livraison de la bombe atomique, que l’on ne me parle pas de mauvaise conscience face à l’holocauste, s’il y a eu et s’il y a chez une partie de la gauche française choix d’Israël c’est un pacte colonial contre le nationalisme arabe. (3). 1956, j’adhère au parti communiste, je suis une jeune fille de seize ans. J’adhère à cause de la guerre d’Algérie mais aussi quand je vois en Hongrie les communistes pendus à des crocs de boucher dans Paris Match, la Hongrie était fasciste, les juifs y étaient traqués, déportés et les communistes m’avaient sauvée, les chars soviétiques étaient ma liberté. J’étais plus communiste que juive puisque quand Israël, la France et la grande Bretagne attaquent Nasser, je suis avec ce dernier, à cause de l’Algérie et du refus du colonialisme. Il m’est difficile avec cette mémoire encombrée de faits d’avoir la même vision que d’autres dont la fraîcheur n’a d’égale que l’inculture politique. La racine, le moment où tout se noue entre l’occident et Israël est justement au cœur de cette tentative de libération du colonialisme, et même comme le veut Nasser de faire que les peuples arabes soient maîtres de leur destin, ce qui n’arrangera ni les puissances occidentales, ni la plupart des dirigeants arabes marionnettes de l’occident. Donc voici des extraits du texte de Sartre, veuillez m’excuser de vous infliger ces « vieilles lunes » au lieu d’aller répétant la doxa que vous prenez pour la modernité. Celui qui oublie le passé est condamné à le répéter. Et je vous conseille de lire ce qui se passe en Palestine à la lumière de cette vision de Sartre sur ce qu’est un système colonial, simplement dites vous qu’à Gaza cette machinerie infernale a franchi un nouveau seuil : on est passé du pillage, du vol des terres, du parcage à l’extermination, parce que le système ne supporte pas la moindre résistance des expropriés. comme le dit Sartre c’est dans la logique : « Je voudrais vous faire voir la rigueur du colonialisme, sa nécessité interne, comme 2 il devait nous conduire exactement où nous sommes et comment l’intention la plus pure, si elle nait à l’intérieur de ce cercle infernal, est pourrie sur-le –champ. » ou encore "L’unique bienfait du colonialisme, c’est qu’il doit se montrer intransigeant pour durer et qu’il prépare sa perte par son intransigeance." (Danielle Bleitrach) Le colonialisme est un système Je voudrais vous mettre en garde contre ce qu’on peut appeler la « mystification néo-colonialiste) ». Les néo-colonialistes pensent qu’il y a de bons colons et des colons très méchants. C’est par la faute de ceux-ci que la situation des colonies s’est dégradée. La mystification consiste en ceci : on vous promène en Algérie, on vous montre complaisamment la misère du peuple, qui est affreuse, on vous raconte les humiliations que les méchants colons font subir aux Musulmans. Et puis, quand vous êtes bien indignés, on ajoute : »Voilà pourquoi les meilleurs Algériens ont pris les armes : ils n’en pouvaient plus » Si l’on s’y est bien pris, nous reviendrons convaincus : 1° Que le problème algérien est d’abord économique. Il s’agit, par de judicieuses réformes de donner du pain à neuf millions de personnes. 2° Qu’il est ensuite social : il faut multiplier les médecins et les écoles. 3° Qu’il est, enfin psychologique : vous vous rappelez De Man avec « son complexe d’infériorité » de la classe ouvrière. Il avait trouvé du même coup la clé du « caractère indigène » : mal traité, mal nourri, illettré, l’Algérien a un complexe d’infériorité vis-à-vis de ses maîtres. C’est en agissant sur ces trois facteurs qu’on le tranquillisera : s’il mange à sa faim, s’il a du travail et s’il sait lire, il n’aura plus la honte d’être un sous homme et nous retrouverons la vieille fraternité franco-musulmane. Mais surtout n’allons pas mêler à cela la politique. La politique, c’est abstrait : à quoi sert de voter si l’on meurt de faim ? Ceux qui viennent nous parler de libres élections, d’une Constituante, de l’indépendance algérienne, ce sont des provocateurs ou des trublions qui ne font qu’embrouiller la question. Voilà l’argument. A cela, les dirigeants du F.L.N. ont répondu : « Même si nous étions heureux sous les baïonnettes françaises, nous nous battrions ». Ils ont raison. Et surtout il faut aller plus loin qu’eux : sous les baïonnettes françaises, on ne peut qu’être malheureux. Il est vrai que la majorité des Algériens est dans une misère insupportable ; mais il est vrai aussi que les réformes nécessaires ne peuvent être opérés ni par les bons colons ni par la « Métropole » elle-même, tant qu’elle prétend garder sa souveraineté en Algérie. Ces réformes seront l’affaire du peuple algérien lui-même, quand il aura conquis sa liberté. C’est que la colonisation n’est ni un ensemble de hasards, ni le résultat statique de milliers d’entreprises individuelles. C’est un système qui fut mis en place vers 1880, entra dans son déclin après la Première guerre mondiale et se retourne aujourd’hui contre la nation colonisatrice. 3 Voilà ce que je voudrais vous montrer, à propos de l’Algérie, qui est hélas ! L’exemple le plus clair et le plus lisible du système colonial. Je voudrais vous faire voir la rigueur du colonialisme, sa nécessité interne, comme il devait nous conduire exactement où nous sommes et comment l’intention la plus pure, si elle nait à l’intérieur de ce cercle infernal, est pourrie sur-le –champ. Car il n’est pas vrai qu’il y ait de bons colons et d’autres qui soient méchants : il y a les colons c’est tout(4) .Quand nous aurons compris cela, nous comprendrons pourquoi les Algériens ont raison de s’attaquer politiquement d’abord à ce système économique, social et politique et pourquoi leur libération et celle de la France ne peut sortir que de l’éclatement de la colonisation. Le système ne s’est pas mis en place tout seul. A vrai dire n la monarchie de Juillet ni la deuxième République ne savaient trop que faire de l’Algérie conquise. On pensa la transformer en colonie de peuplement. Bugeaud concevait la colonisation "à la romaine". On eut donné de vastes domaines aux soldats libérés de l’armée d’Afrique. Sa tentation n’eut pas de suite. On voulut déverser sur l’Afrique le trop plein des pays européens, les paysans les plus pauvres de France et d’Espagne; on créa, pour cette "racaille", quelques villages autour d’Alger, de Constantine et d’Oran. La plupart furent décimés par la maladie. Après juin 1848, on essaya d’y installer- il vaudrait mieux dire: d’y ajouter- des ouvriers chômeurs dont la présence inquiétait "les forces de l’ordre". Sur 20.000 ouvriers transportés en Algérie, le plus grand nombre périt par les fièvres et le choléra; les survivants parvinrent à se faire rapatrier. Sous cette forme l’entreprise coloniale restait, hésitante: elle se précisa sous le second empire en fonction de l’expansion industrielle et commerciale. Coup sur coup, les grandes compagnies coloniales vont se créer: 1863: société de Crédit Foncier Colonial et de Banque; 1865: Société marseillaise de Crédit; Compagnie des Minerais de fer de Mokta; Société générale des Transports maritimes à vapeur. Cette fois, c’est le capitalisme lui-même qui devient colonialiste. De ce nouveau colonialisme Jules Ferry se fera le théoricien: La France, qui a toujours regorgé de capitaux et les a exportés en quantité considérable à l’étranger, a intérêt à considérer sous cet angle la question coloniale. C’est pour les pays voués comme le notre, par la nature même de leur industrie, à une grande exportation, la question même des débouchés… Là où est la prédominance politique, là est la prédominance des produits, la prédominance économique". Vous le voyez , ce n’est pas Lénine qui a défini le premier l’impérialisme colonial: c’est Jules Ferry, cette "grande figure" de la troisième République. Et vous voyez aussi que ce ministre est d’accord avec les “fellaghas" de 1956: il proclame le "politique" d’abord!" qu’ils reprendront contre les colons trois quart uploads/Geographie/ le-colonialisme-est-un-systeme.pdf
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- Publié le Nov 06, 2021
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