Le Journal de l’Afrique N°18. Février 2016 Sommaire Editorial Le pillage triang
Le Journal de l’Afrique N°18. Février 2016 Sommaire Editorial Le pillage triangulaire Par Carlos Sielenou & Olivier A. Ndenkop L’or du Burkina, le Togo et la Suisse Par B. Parfait BAYALA France3 en flagrant délit de médiamensonges au Burundi Par Olivier Atemsing Ndenkop Bénin : Paysage avant la bataille présidentielle Par Valentin Mboubgueng Dangereuses liaisons néocoloniales des libéraux ! Par Roland Fodé Diagne FLINTLOCK 2016 : 1700 militaires en formation au Sénégal en février Par APS 2 Editorial Le pillage triangulaire Le courant ne passe plus entre les Autorités burkinabè et ivoiriennes. Alassane Ouattara a certes fait le déplacement de Ouagadougou fin décembre lors de la cérémonie de prestation de serment du président Rock Marc Christian Kaboré. Les deux hommes se sont à nouveau rencontrés le 12 janvier dernier lors du Sommet de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA). Chacune de ses rencontres a été ponctuée par un tête-à-tête. Mais, il ne s’agit là que d’une paix de braves. Malgré ce bel affichage public, le Burkina-Faso a lancé un mandat d’arrêt contre la deuxième personnalité de Côte-d’Ivoire, à savoir Guillaume Soro. Le président de l’Assemblée nationale ivoirienne n’est pas le seul Ivoirien à intéresser la justice burkinabè. Soumaïla Bakayoko, l’actuel chef d’état-major de l’armée ivoirienne est lui aussi dans le collimateur d’Ouagadougou. Les deux proches collaborateurs d’Alassane Ouattara sont fortement soupçonnés d’avoir incité le général Gilbert Diendéré à renverser le gouvernement de transition au Burkina-Faso en septembre dernier. Non sans procéder à l’élimination physique de quelques personnalités burkinabè nommément citées dans les écoutes téléphoniques que la justice du Burkina tient pour pièces à conviction. On ne peut qu’encourager la justice burkinabè d’aller jusqu’au bout de sa détermination à démasquer et à punir tous les commanditaires, auteurs et complices de ce putsch manqué. Pour sa part, Le Journal de l’Afrique a choisi de s’intéresser au Burkina Faso, mais autrement. Nous aurions pu revenir sur cet imbroglio juridico- politique. Nous aurions également pu nous intéresser à l’attentat terroriste qui a fait 30 morts innocents au pays des « Hommes intègres ». Mais nous avons choisi de vous parler d’une pratique qui plombe l’avenir des Burkinabès sans pour autant faire la une des journaux : le pillage de l’or. Depuis la chute de Blaise Compaoré en 2014, plusieurs tonnes d’or sont illégalement sorties du Burkina, ont transité par le Togo pour être vendues illégalement en Suisse. Un véritable « pillage triangulaire » qui grève les maigres recettes de ce pays déjà asphyxié par les 27 ans de gestion népotique de Compaoré. Entre autres sujets, cette édition démonte une série de médiamensonges servis par la télévision française France3 à ses téléspectateurs en guise de cadeau de Nouvel An. Par Carlos Sielenou & Olivier A. Ndenkop 3 Arrêt sur image Photo DR Christine Lagarde, la Directrice générale du Fonds Monétaire International dansant avec des jeunes Camerounaises pendant sa visite officielle dans ce pays d’Afrique centrale début janvier 2016. Ces jeunes esquissant les pas de danse, sourire aux lèvres savent- elles que leurs chances d’avoir un emploi sont considérablement réduites depuis que le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale ont soumis le Cameroun aux politiques antisociales dans les années 90 et que le pays ne s’en est pas toujours relevé ? Vraiment si jeunesse savait ! 4 L’or du Burkina, le Togo et la Suisse En septembre 2015, la Déclaration de Berne (DB) publiait un dossier sur l’or du Burkina dans son journal « Solidaire n°242 ». Et ce qui est donné à savoir dans ce numéro spécial mérite d’être porté à la connaissance des burkinabès et d’être débattu… De quoi s’agit-il ? Par B. Parfait BAYALA* La DB est une ONG Suisse qui fait la promotion des relations transparentes et équitables entre le Nord et le Sud. Notamment à travers des campagnes régulières qui mettent à nu les injustices, la corruption et les crimes économiques qui jalonnent les échanges entre pays riches et ceux, appauvris, qu’on dit pauvres. Elle mène des enquêtes et adopte des prises de position en faveur de nouveaux mécanismes politiques et juridiques pour contraindre les multinationales à respecter les droits les plus élémentaires des pays et des populations qu’elles exploitent à travers le monde. L’enquête sur l’or du Burkina est partie de la publication – pour la première fois – en février 2014 des statistiques sur la provenance des importations d’or en Suisse. Il s’avère surprenant que la Suisse ait importé près de 1,3 tonne d’or du Togo pour le seul mois de janvier 2014. Les enquêteurs de la DB, qui savent que le Togo ne produit de l’or que de manière résiduelle, se demandent d’où provient cet or exporté du Togo vers la Suisse. Ils décident alors de remonter la chaîne d’approvisionnement. Un coup de chance leur fournit des documents exclusifs qu’ils se donnent pour but de vérifier. Ce 5 travail qui a duré 10 mois a permis de faire 45 interviews dans les trois pays et de visiter 5 mines artisanales au Burkina Faso. Les résultats de l’enquête montrent que « l’or togolais est en fait burkinabè ». Et c’est de ces mines artisanales du Burkina que provient l’or expédié en contrebande au Togo pour être exporté vers la Suisse. Outre les « conditions de travail déplorables », l’enquête révèle « un manque à gagner de plusieurs millions de francs suisses pour les recettes publiques burkinabè », un « écart considérable entre les déclarations officielles des raffineurs d’or Suisse et leurs pratiques réelles » et que « ces opérations s’effectuent sans le moindre contrôle des autorités suisses », encore moins de celles du Burkina et du Togo. Les conditions précaires et périlleuses dans lesquelles ces sites d’orpaillage sont exploités sont bien connues et documentées : travail des enfants, criminalité et réseaux de ventes des concessions et de l’or, etc. Sans oublier les dégâts environnementaux causés par les produits chimiques, la destruction des espaces et des sols par une massification démographique sur les sites mêmes… et cette illusion qui attire de jeunes gens abandonnant tout, dans la contrainte ou dans le désespoir, pour risquer leur santé et leur vie dans ces mines d’or. Cet or qu’ils s’épuisent à extraire ne leur bénéficiera que très marginalement et ne bénéficiera pas non plus au pays qui se voit littéralement piller et détruire ses ressources sans complexes ! Mais qui sont ces acteurs ? Ceux-là qui attribuent les concessions d’exploitation, les acheteurs officiels et officieux de l’or extrait ainsi que tous ces petits et gros trafiquants qui s’activent autour de l’or du Burkina. Comment se fait-il qu’il y ait tant d’or du Burkina qui « échappe » aux douanes et autres services de contrôle burkinabè, à tel point qu’en 2014 sept tonnes d’or (estimation basse de la DB) se retrouvent au Togo sans que l’Etat burkinabè n’en perçoive aucune taxe ? Les acteurs de ce commerce triangulaire de l’or burkinabè sont pourtant bien connus. Au Burkina Faso Du côté burkinabè, à côté des mines d’or artisanales et de leurs divers trafiquants, il y a la SOMIKA (et quelques autres), la Société minière Kindo Adama et ses liens étroits avec le régime Compaoré ainsi qu’avec la Guinée Conakry (un autre pays minier) dont Blaise Compaoré est consul honoraire. 6 A elle seule, la SOMIKA du sieur Adama Kindo, qui est un comptoir d’achat d’or, possède 289 permis d’exploitations minières. Ce grand nombre de permis contraste cependant avec les chiffres officiels qui affirment que seules 3 mines principales produisent à elles seules 97 % de l’or extrait au Burkina. La SOMIKA bénéficie sans aucun doute de réseaux de passe-droits dans l’administration publique sans la complicité desquels ce trafic frauduleux ne saurait prospérer. Ensuite il y a le Ministère des Finances qui ne semble pas se préoccuper de cette perte fiscale systématique due à la contrebande de l’or via la filière togolaise. Le Ministère des Mines et de l’Energie, un autre acteur de ce dossier reconnaît qu’il n’y a « pratiquement pas d’’exportations légales d’or entre le Burkina et le Togo ». Et pourtant cet« or togolais » vient du Burkina par le biais de « négociants burkinabè qui sont en fait des contrebandiers échappant aux impôts ». Comparées aux 36 tonnes d’or industriel produits en 2014, les 7 tonnes d’or burkinabè expédiées frauduleusement au Togo puis exportés vers la Suisse la même année représentent près de 20 % de la production d’or industrielle du pays. Les pertes fiscales pour le Burkina sont estimées à 6,47 millions de francs suisses, soit près de 4 milliards de CFA perdus pour les recettes publiques rien que pour l’année 2014. Cela équivaut à 24.32 % de toutes les aides cumulées de la coopération suisse au Burkina Faso en 2014 (voir chiffre DDC 2014). Ces opérations frauduleuses n’auraient jamais été possibles sans la complicité d’hommes politiques et d’agents des administrations publiques des deux ministères qui partagent avec les négociants « contrebandiers » le butin du pillage du pays. Car l’argent perdu par le fisc burkinabè est bien gagné par ces trafiquants d’or et leurs complices dans uploads/Geographie/ le-journal-de-l-x27-afrique-le-pillage-triangulaire.pdf
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- Publié le Jan 31, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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