Cahiers « Mondes anciens » Histoire et anthropologie des mondes anciens 9 | 201

Cahiers « Mondes anciens » Histoire et anthropologie des mondes anciens 9 | 2017 Le spectacle de la nature « Le spectacle de la nature » : introduction et bibliographie Looking at nature: Introduction and bibliography Emmanuelle Valette et Stéphanie Wyler Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/mondesanciens/1955 DOI : 10.4000/mondesanciens.1955 ISSN : 2107-0199 Éditeur UMR 8210 Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques Référence électronique Emmanuelle Valette et Stéphanie Wyler, « « Le spectacle de la nature » : introduction et bibliographie », Cahiers « Mondes anciens » [En ligne], 9 | 2017, mis en ligne le 15 mars 2017, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/mondesanciens/1955 ; DOI : 10.4000/mondesanciens.1955 Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019. Les Cahiers « Mondes Anciens » sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. « Le spectacle de la nature » : introduction et bibliographie Looking at nature: Introduction and bibliography Emmanuelle Valette et Stéphanie Wyler 1 Le présent dossier est issu de deux rencontres, qui ont eu lieu à l’INHA (Paris) : la première, le 18 octobre 2014, portait sur « Le spectacle de la nature : regards croisés grecs et romains », et la seconde, le 24 octobre 2015, sur « Des dieux dans la nature : images grecques et romaines ». Ces journées d’étude s’inscrivent dans un programme du laboratoire Anhima (UMR 8210), « Anthropologie et histoire comparée du regard et des images », qui porte d’une part, sur la notion de « spectaculaire », dans le cadre d’une anthropologie du regard, et, d’autre part, sur les images de la nature dans l’Antiquité. La première journée a permis de croiser ces deux thèmes, la seconde de prolonger la réflexion du côté des dieux. Les contributions y ont été nombreuses et variées ; certaines, qui avaient déjà fait l’objet de publications ou qui concernaient moins directement notre sujet, n’ont pas été reprises ici1. Ne figurent dans ce volume que des contributions inédites et surtout celles dans lesquelles la notion de « regard » est au cœur du questionnement. 1. Vision, spectacle, regard. Pour une pragmatique du visuel 2 Spectaculaire. Spectacle. Regard. Pourquoi s’intéresser à ces notions ? Depuis une quinzaine d’années, les travaux liés à la vue, au regard et aux différents types de spectacles existant dans les mondes anciens se multiplient. Si l’intérêt pour la question du visuel n’est pas neuf, on observe une nette évolution des problématiques. Dans les années 1990, le livre de Gérard Simon consacré aux traités grecs d’optique (1988) ouvrait la voie en démontrant qu’une théorie qui fait de l’observateur un élément essentiel du mécanisme de vision a nécessairement des effets sur le statut de l’image, de l’apparence ou de la spécularité. Dans la même période, Jean-Pierre Vernant et Françoise Frontisi- « Le spectacle de la nature » : introduction et bibliographie Cahiers « Mondes anciens », 9 | 2017 1 Ducroux montraient l’importance du regard en Grèce ancienne, notamment dans la perception et le pouvoir de certaines divinités comme Gorgô (Vernant 1990) ou encore dans la construction de l’identité (Frontisi-Ducroux et Vernant 1997). 3 Dans le même temps, les traités philosophiques consacrés à la vision, ceux de Platon, d’Aristote ou de Plotin, font l’objet de nouvelles lectures (Merker 2003). Ces études philosophiques conduisent par ailleurs à une réflexion plus globale sur la « perception » et sur la façon dont les Anciens ont pensé l’usage des différents sens, notamment la spécificité de la vue par rapport à l’ouïe et son éventuel primat (Eversson 1997, Johansen 1997, Villard 2005). Cette question du rôle accordé à la vue dans les cultures antiques a progressivement rejoint les préoccupations de l’anthropologie des sens, une discipline neuve, à la frontière de la phénoménologie, de l’anthropologie, de l’écologie et des sciences cognitives, s’intéressant à la manière dont l’individu perçoit son environnement (Le Breton 2006, Butler et Purves 2013, Toner 2014). Dans les enquêtes les plus récentes sur le « paysage » sonore, visuel, olfactif ou tactile des Anciens, les notions de « synesthésie » (correspondance entre les sens) et de « polysensorialité » (collaboration entre plusieurs sens) viennent enrichir la réflexion sur l’univers sensible des mondes anciens. En témoignent par exemple le récent programme et le carnet de recherche développés à l’université de Toulouse sous la direction d’Adeline Grand-Clément, « Synaesthesia – Expérience du divin et polysensorialité dans les mondes anciens. Approche interdisciplinaire et comparée », ou encore les recherches sur les couleurs (Dubel, Naas et Rouveret 2006, Bradley 2009, Carastro 2009, Grand-Clément 2011, Huet 2015). 4 La réflexion sur la vision et sur le regard dans l’Antiquité s’est aussi progressivement enrichie des apports conjoints de l’anthropologie culturelle et des visual studies. Non seulement la question du regard a toujours joué un rôle central dans la définition même de la démarche anthropologique, mais, dans les années 2000, les théories du spectacle comme celles du regard ont été englobées dans le discours plus large sur la « culture visuelle ». À un moment où le flux des images et leur puissance suscitaient de nouveaux questionnements, ce nouveau domaine d’études proposait de saisir non seulement l’image dans toutes ses dimensions et supports, mais aussi la fabrique visuelle de[s] société[s], les dispositifs de vision et les modalités du regard2. 5 Résolument pluridisciplinaire, ce nouveau domaine a forgé des outils théoriques permettant d’analyser des phénomènes visuels liés aux médias contemporains. Gaze, le regard « en acte », comme mode d’action et, éventuellement, de contrôle sur l’objet regardé (dans un sens hérité de Michel Foucault [1963]), display (affichage), frame (cadre, espace configuré par le regard), focus (point de vue), sight (vue, spectacle) : autant de notions qui permettent de saisir les implications sociales, culturelles et politiques du regard et de ses interactions. Sans évidemment vouloir plaquer sur les cultures de l’Antiquité des catégories contemporaines, des allers et retours entre ces approches théoriques et les sociétés anciennes ne peuvent être que productifs. Elles suggèrent des questions nouvelles sur la réception des artefacts, sur la production d’une « réalité visuelle partagée » (Bergmann et Kondoleon 2000), sur divers types et différents degrés d’attention, et, de manière générale, sur les mécanismes de production et de réception du « spectaculaire » par les Anciens et leurs enjeux idéologiques (Jay-Robert et Valette 2014). 6 Pour Rome, les travaux de Jaś Elsner (1995, 2007) et d’autres (Frederick 2002, Courtray 2013, Prioux et Rouveret 2013), portant sur les images et sur les rituels sociaux dans lesquels elles s’inscrivent, sont évidemment liés au développement des visual studies. Ce « Le spectacle de la nature » : introduction et bibliographie Cahiers « Mondes anciens », 9 | 2017 2 nouveau domaine de recherche ouvre également des perspectives dans le domaine plus strictement « littéraire », notamment dans tous les travaux attentifs au mode d’énonciation des textes (la question du regard rejoint alors celle de la « focalisation » et de la description) et à la reconstitution de la performance dont le texte ne constitue qu’une trace. On le voit très bien dans les articles qu’a consacrés récemment Michel Briand à la poésie mélique par exemple (2005 et 2013), dans l’étude d’Andrew Feldherr (1998) sur Tite-Live, dans le volume collectif consacré à la comédie ancienne (Jay-Robert et Valette 2014) ou encore dans les travaux récents consacrés à l’ekphrasis comme pratique et exercice du regard (Dubel 2014, Webb 2009). 2. « Le spectacle de la nature » : questions de paysage 7 La question du regard et de sa pragmatique paraît tout à fait apte à renouveler l’étude du paysage dans l’Antiquité. Dans son sens moderne, la notion générale de paysage inclut en effet systématiquement l’idée de regard : c’est, selon la définition des dictionnaires, « l’aspect d’un pays, d’un territoire qui s’étend jusqu’où la vue peut porter », « qui présente une vue d’ensemble », « que l'œil peut embrasser » (TLFi 2012). Il nous a cependant paru préférable d’éviter l’emploi du mot « paysage » dans le titre de ce dossier, en raison des connotations qu’il véhicule et aussi parce qu’il souffre de plusieurs ambiguïtés que de nombreuses recherches, dans les vingt dernières années, ont contribué à alimenter. 2.1. Quelques jalons bibliographiques sur le paysage antique 8 En effet, si le terme a été forgé, au cours du XVIe siècle, pour désigner un type de peinture et si cette origine l’a longtemps rendu indissociable de l’histoire de l’art occidentale, le paysage s’est récemment émancipé de ce contexte étroit pour donner naissance à une véritable « science du paysage » qui s’est développée en Europe et outre-Atlantique, selon des axes parfois contradictoires. D’un côté, le paysage a été abordé dans des travaux d’anthropologues, comme Philippe Descola (2005, 2011-2014, 2013), qui ont montré la nécessité de sortir cette notion du cadre dans lequel elle a été élaborée, pour explorer la diversité culturelle des conceptions du paysage. Dans le même temps, le mot de « paysage » a vu ses usages s’étendre considérablement au point de s’appliquer à de nombreuses uploads/Geographie/ le-spectacle-de-la-nature 1 .pdf

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