PREA}ÆtsTYLT Au cours de ma carrière, souvent la même question m'est venue et m

PREA}ÆtsTYLT Au cours de ma carrière, souvent la même question m'est venue et me vient : .. Qui êtes-vous, monsieur Dassault ? » Cela, après tout, est bien normal. J'ai réussi, au cours de mon existence, à poursuivre jusqu'au succès un certain nombre d'entre- prises. Mes avions ont, intentionnellement, des noms que j'ai choisis et qui font rêver. Ils parcourent le monde et attcstcnt partout, eux-mêmes, leur qualité. La qucstion veut donc dire aussi : « C«rmmcnt avcz-vous réussi, monsieur Dassault ? » I A cela, il est, er somme, simple de répon- dre. Sans fausse modestie, je dirai que je me suis efforcé de ne pas manquer d'imagination. Avec l'équipe que j'ai formée, j'ui beaucoup travaillé. Je ne me laisse pas décourager par les difficultés. J'ai la passion de mon travail et je sais, pàt volonté, êcarter tout ce qui pour- rait m'en détourner. J'ai une vie privée simple et heureuse. Tout, autour de moi, concourt et doit concourir à l'æuvre que je me suis assi- gnée. Ma maison est une maison heureuse où le travail se fait joyeusement. J'ai les mêmes collaborateurs depuis toujours. Ceux qui sont venus après se sont agrégés à l'équipe et l'équipe à eux. En outre, aucun de nous ne perd le souvenir de ceux qui, comme Rozanoff ou Bigand, pour ne parler que de ceux-là, en travaillant avec nous, durent un jour qui sem- blait cependant pareil aux autres, aller jusqu'à l'extrémité de ce qu'un homme peut donner. Tout notre labeur, pàr ces sacrifices, se place sous un éclairage qui nous est particulier, et, disons le mot, sacré. 9 J'aime la lecture, j'ui beaucoup lu. Si je devais partir pour une île déserte, j'emporte- rais avec moi La Fontaine où je trouve tout ce que l'on peut désirer, la morale, la sagesse, la poésie, le rêve. J'emporterais peut-être éga- lement Mme de Ségur, car toute ma vie s'est formée dans les années où j'étais son attentif petit lecteur. Cette bonne et charmante dame donne plus de leçons qu'il n'y paraît. Voilà donc qui je suis, puisque cette ques- tion semble intéresser. J'y réponds avec un peu de gêne certes, mais sans détours puisqu'il le faut. 10 MA FAIÆILLT Je suis né 47, rue Blanche, d'un père alsa- cien et d'une mère marseillaise. Mon père était docteur en médecine. Il était déjà interne des hôpitaux de Paris lors du siège de L870. Son violon d'Ingres était l'an- thropologie. Il fut même président de la So- ciêté d'Anthropologie, mais son sacerdoce fut la médecine, et vraiment c'en êtait ur, lorsqu'on pense que pour faire ses visites, il devait se déplacer à pied ou en omnibus et u monter chaque jour de nombreux étages, les ascenseurs n'existant pratiquement pas à cette époque. Il est rare qu'un médecin dévoué à ses patients, dont le plus grand nombre est forcé- ment de condition modeste, pense à lui-même et augmente ses ressources. Ce fut le cas de mon père. Aussi, après les dévaluations qui suivirent la guerre de 19L4-191,8, termina-t-il sa vie de dévouement complètement ruiné. Que dire d'une mère aimante, sinon qu'elle était adorable ? Nous étions quatre frères : l'aîné est mort très jeune, le second fut le général d'armée Dassault, Grand Chancelier de la Légion d'honneur et membre de l'Académie des Sciences. Il s'illustra pendant la Résistance, à l'état-major clandestin des Francs-Tireurs et Partisans. Il avait également reçu la médaille militaire et la croix de guerre avec de nom- breuses palmes. Le troisième fut chirurgien des hôpitaux de Paris, Ofticier de la Légion d'honneur, croix de guerre avec de nombreu- ses palmes : il mourut en déportation. Moi- même, je suis ingénieur des constructions aé- ronautiques. Nous avons donc tous embrassé des professions différentes. t2 Nous étions nés à cinq années d'intervalle les uns des autres, toujours prêts à nous en- traider et jamais la moindre discussion n'éclata entre nous. Chacun de nous était fier de ses succès et heureux de ceux des autres. Mes débuts dans la vie eurent pour théâtre le square de l'église de la Trinité, bordé par la place du même nom, la rue Blanche et la rue de Clichy. C'était l'époque des barres et du chat perché. LA. tsOErtrE D' TXPEAUE}VEES TLECERE@TYT.S Lorsque j'étais en classe de sixième, j'ai, un jour, été premier en dessin et premier en ré- citation. Mes parents, heureux de ces succès, me proposèrent de me faire un cadeau de mon choix. Après une assez longue recherche, je tombai en arrêt devant une boîte d'expérien- ces électriques. Cela se passait en 1903 . La Galerie des Machines de l'Exposition 1900 venait à peine de faire connaître aux Parisiens les découvertes de la fée Électricité, mais les bienfaits de cette fé,e êtaient encore assez peu l3 t4 répandus et on s'éclairait surtout au pétrole et av gaz. Ce n'était pas comme aujourd'hui où les jouets électriques et électroniques sont in- nombrables. Cette boîte d'expériences, comme son nom l'indiquait, n'était pas tout à fait un jouet, mais un véritable petit laboratoire d'expériences électriques. Il y avait, par exernple, une bobine de Ruhmkorff, un tube de Geissler, toutes choses que l'on ne rencontre plus dans les jouets électriques et électroniques qui inté- ressent aujourd'hui les enfants. Je pris gofit à l'électricité et cette première boîte d'expériences fut complétée par la suite. C'est ainsi que j'acquis un jour un tube de Crookes qui produit les rayons X et je m'amusais alors à photographier des clefs à l'intérieur d'une boîte en carton. Mes parents étaient heureux de me voir m'intéresser à cette science nouvelle et mes petits camarades émerveillés par les expérien- ces que je réalisais devant eux. I5 J'étais impressionné par la vie d'Edison qui, jeune crieur de journaux, devint un grand in- venteur, un grand savant et un grand indus- triel, par la vie de Ford également qui, d'abord fermier, devint le grand constructeur d'auto- mobiles que I'on connaît. l6 Ë tcoet D'ELtcIrRtcïTrt E,RTGTTETT Plus intéressé par l'électricité que par les études classiques, j'obtins de mes parents d'entrer dans une école d'électricité, l'école Breguet de la rue Falguière. A l'épogue, c'était une école du niveau des Arts et Métiers, si bien que mes études furent aussi pratiques que scientifiques. Nous fai- sions, chaque semaine, trois heures de dessin industriel et trois heures d'atelier comprenant le travail à l'étau ainsi que la pratique de dif- férentes machines-outils : tours, fraiseuses, etc. t7 J' T q,;O3Æ,PRES QTYT UATrEAtrTODtr ÉrrATE EIrEREE ]D4'.DÇE }/EC1§ESPB,ETtr Un jour, en récréation, dans la cour de l'école il faisait très beau, i'ai levé les yeux vers le ciel et j'ai vu le Wilbur Wright du comte de Lambert doubler la Tour Eiffel pour la première fois. Je n'avais jamais vu d'avion et j'ai compris que l'aviation était entrée dans mon esprit et dans mon cæur. 18 Quelques années plus tard, je suis entré à l'École Supérieure d'Aéronautique et j'ai fait partie de la troisième promotion. J'ai fait mon service militaire au Labora- toire d'Aéronautique de Chalais-Meudon où le commandant Dorand construisait ses aéro- planes. Je me suis ainsi familiarisé avec la construction des avions. t9 LE E,Af;YDRCI§ G,.3 Puis vint la guerre f9I4-I918. De nombreux constructeurs d'avions exis- taient déjà, notamment Blériot qui avait tra- versé la Manche, Deperdussin qui avait battu le record de vitesse en circuit fermé en le portant à 200 km à l'heure. Farman, Voisin, Morane, Saulnier, Caudron avaient appris leurs noms au public par les succès qu'ils rem- portaient. 2t vés, anciennement Société Deperdussin ra- chetée par Blériot), et deux usines de Caudron furent affectées à la fabrication des G. 3. Comme il arrive quelquefois entre maison mère et sous-tr aitant, l'entente était loin d'être parfaite entre Caudron et Blériot. Ce- lui-ci se plaignait notamment que la liasse de dessins de construction des Caudron G. 3 n'était pas au point. Le capitaine Etévé,, qui é,tait chargé des Caudron au service des fabrications de l'avia- tion, demanda au commandant Dorand de lui détacher un ingénieur du Laboratoire d'Aéro- nautique pour mettre au point la liasse de dessins et coordonner la fabrication des G. 3 dans les quatre usines. Je fus désigné. Le capitaine Eteve me fit remarquer que j'aurais beaucoup de travail car l'usine Blériot était à Suresnes, l'usine S.P.A.D. rue des E,n- trepreneurs à Paris, eue Caudron, lui, vcnait de s'installer dans deux usines : I'unc à lssy- les-Moulineaux et l'autre à Lyon. Il mc dc- 22 manda le nom d'un camarade qui pourrait tra- vailler avec moi à cette mise au point de la liasse de dessins et à cette coordination. Je choisis mon ami Henry Potez, qui était sorti de l'École Supérieure d'Aéronautique un an avant moi et qui se trouvait également au La- boratoire d'Aéronautique. Le capitaine Pteve se déclara d'accord et Potcz vint ainsi travail- ler avec moi. Après avoir mis au point la liasse de dessins des Caudron G. 3, nous assurâmes la coordi- nation et la fabrication de ces appareils dans les quatre usines; nous réalisâmes également certaines modifications qui étaient demandées par les pilotes du front uploads/Geographie/ le-talisman-pdf.pdf

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