1 LES CAUSES DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET LES ENJEUX POUR EN SORT

1 LES CAUSES DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET LES ENJEUX POUR EN SORTIR Par Joseph Ntamahungiro Conférence donnée à Palma De Majorca dans le cadre du Séminaire « Stratégies de lutte contre la pauvreté en Afrique Subsaharienne » du 22 au 24 Avril 2008. Le séminaire était organisé par Voisins Sans Frontières des Iles Baléares (VSF-IB), le Collectif d’Education en DDH et de Prévention Active des Conflits (CEPAC), avec la participation de différentes organisations d’immigrés originaires d’Afrique résidant aux Iles Baléares et de l’Université des Iles Baléares. Introduction a) Remerciements : Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voulais d’abord remercier les organisateurs de ce séminaire qui m’ont fait l’amitié de m’inviter, une nouvelle fois, me permettant ainsi de me trouver sur la belle et très accueillante terre des Iles Baléares où c’est toujours un plaisir pour moi de passer quelques jours. Elle commence à être ma nouvelle terre d’adoption. J’ajoute aussi que le sujet qui m’a été demandé de présenter brièvement est si vaste qu’il faudrait au minimum une semaine pour essayer d’en dessiner les contours. Ma contribution sera donc forcément très limitée. Du reste, ma seule ambition est de lancer le débat, en toute vérité mais de manière constructive. Si d’aventure mon propos arrivait à blesser l’une ou l’autre susceptibilité, qu’elle veuille bien m’en excuser. Pour que vous puissiez suivre plus facilement mon exposé, je vous propose le plan suivant : Plan I. Quelques chiffres pour commencer II. Les Causes de la pauvreté a) Les causes apparentes b) Les causes réelles, structurelles côté Pays riches c) Les causes réelles, structurelles côté Pays pauvres III. Quelques pistes pour vaincre la pauvreté IV. Apport de la société civile V. Conclusion b) Commençons par l’actualité : Les révoltes de la faim. Nous avons tous vu ces derniers temps sur nos petits écrans des scènes de pauvres paysans ou habitants des bidonvilles se révolter en Egypte, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Sénégal, en Ethiopie, au Pakistan, en Thaïlande, en Haïti, au Burkina Faso, en Argentine, au Yemen, au Zimbabwe, au Mexique, au Bangladesh, aux Philippines, en Guinée, en Mauritanie, au Maroc, en Ouzbékistan et dans une autre trentaine de pays, tous des continents pauvres. Motif : la faim provoquée par l’augmentation brutale des prix des produits alimentaires que les pauvres ne savent plus payer. Ces révoltes ont fait même des morts. Sur un autre plan mais toujours dans le même ordre d’idées, évoquons le problème des migrations clandestines qui est toujours d’actualité. Vous me permettrez de faire une longue citation car elle nous plonge dans le cœur même de notre débat. 2 Dans un article publié par le journal Le Monde Diplomatique de mars 2008, Jean Ziegler, écrivain, Professeur à l’Université de Genève et surtout Rapporteur Spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations unies pour le droit à l’alimentation, écrit : « On estime que, chaque année, quelque 2 millions de personnes essaient d’entrer illégalement sur le territoire de l’Union européenne et que, sur ce nombre, environ 2.000 périssent en Méditerranée, et autant dans les flots de l’Atlantique. Leur objectif est d’atteindre les îles Canaries à partir de la Mauritanie ou du Sénégal, ou de franchir le détroit de Gibraltar au départ du Maroc. Selon le gouvernement espagnol, 47.685 migrants africains sont arrivés sur les côtes en 2006. Il faut y ajouter les 23.151 migrants qui ont débarqué sur les îles italiennes ou à Malte au départ de la Jamahiriya arabe libyenne ou de la Tunisie. D’autres essaient de gagner la Grèce en passant par la Turquie ou l’Egypte. Secrétaire général de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, M. Markku Niskala commente : « Cette crise est complètement passée sous silence. Non seulement personne ne vient en aide à ces gens aux abois, mais il n’y a pas d’organisation qui établisse ne serait-ce que des statistiques rendant compte de cette tragédie quotidienne. »1 Pour défendre l’Europe contre ces migrants, l’Union européenne a mis sur pied une organisation militaire semi-clandestine qui porte le nom de Frontex. Cette agence gère les « frontières extérieures de l’Europe ». Elle dispose de navires rapides (et armés) d’interception en haute mer, d’hélicoptères de combat, d’une flotte d’avions de surveillance munis de caméras ultrasensibles et de vision nocturne, de radars, de satellites et de moyens sophistiqués de surveillance électronique à longue distance. Frontex maintient aussi sur le sol africain des « camps d’accueil » où sont parqués les réfugiés de la faim, qui viennent d’Afrique centrale, orientale ou australe, du Tchad, de la République Démocratique du Congo, du Burundi, du Cameroun, de l’Erythrée, du Malawi, du Zimbabwe… Souvent, ils cheminent à travers le continent durant un ou deux ans, vivant d’expédients, traversant les frontières et tentant de s’approcher progressivement d’une côte. Ils sont alors interceptés par les agents de Frontex ou leurs auxiliaires locaux qui les empêchent d’atteindre les ports de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Vu les versements considérables en espèces opérés par Frontex aux dirigeants africains, peu d’entre eux refusent l’installation de ces camps »2 On pourrait multiplier les témoignages. Comment comprendre ces phénomènes ? Selon Gilles Hirzel, représentant en France de la FAO (organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), les responsables sont les dérèglements climatiques qui ont eu lieu sur l'année 2007 ; la croissance de la population ; l’évolution de l'alimentation dans les pays émergents ; l'augmentation du prix du pétrole ; l'émergence de la production d'agro-carburants. Mais « le véritable problème de fond est le désinvestissement dans le secteur agricole depuis de très nombreuses années »3. Nous n’allons pas discuter de ces réponses maintenant mais il nous semble quant à nous que les réponses suivantes sont plus proches de la réalité. Nous citons : « Les révoltes de la faim dans des dizaines de pays en développement sur tous les continents traduisent une crise profonde et violente des relations économiques internationales et du modèle néo-libéral. Des centaines de millions de personnes dans le monde paient les conséquences de la libéralisation, de la privatisation, de la 1 La Tribune de Genève, 14 décembre 2006 2 Jean Ziegler, « Réfugiés de la faim », in L »e Monde Diplomatique, Mars 2008, p. 14 3 Gilles Hirzel, « Le retour des révoltes de la faim », in Les Echos, paris, 18/04/08 (Interview) 3 destruction des agricultures vivrières, de la réduction drastique des budgets sociaux... Les politiques d’ajustement structurel ont contribué à l’affaiblissement des économies des pays du Sud, à l’extension d’une pauvreté massive au nom d’une insertion dans la mondialisation capitaliste qui n’a fait qu’accentuer la vulnérabilité et la dépendance de ces pays. L’augmentation brutale des prix de nombreux produits vitaux révèle et accentue cette crise majeure du mode de développement en contribuant à déstabiliser des sociétés déjà très fragilisées et souvent victimes de régimes répressifs et corrompus. La responsabilité des pays capitalistes développés et des institutions financières et commerciales internationales - l’OMC et le FMI, en particulier - est écrasante. Elle l’est d’autant plus que l’augmentation du prix a été encore aggravée avec la spéculation sur les produits de base et les effets de la crise énergétique. La baisse de l’aide publique au développement, pour la deuxième année consécutive, en a encore rajouté »4. Venons-en maintenant à notre deuxième point : Les Causes de la pauvreté Les causes apparentes. J’en évoque 8 : - La nature - Les guerres - Le manque de moyens financiers - Le manque d’infrastructures agricoles - La surexploitation de l’environnement - La « Paresse africaine » - La surpopulation mondiale - Le problème de la dette mal posé Dans un article consacré à la faim dans le monde, le Programme Alimentaire Mondial des nations Unies (PAM) pose la question du « Pourquoi la faim dans le monde »5 et spécialement en Afrique ? Elle identifie cinq causes principales : la Nature, la Guerre, la Pauvreté, le manque d’infrastructures agricoles, la Surexploitation de l’environnement. Concernant la Nature, le PAM évoque les catastrophes naturelles comme les inondations, les tempêtes tropicales et les longues périodes de sécheresse se multiplient, avec des conséquences calamiteuses pour la sécurité alimentaire dans les pays pauvres, en développement. A titre d’exemple, le PAM souligne que la sécheresse récurrente a causé des déficits de récoltes et de lourdes pertes de bétail dans des régions de l'Ethiopie, de l'Erythrée, de la Somalie, de l'Ouganda et du Kenya. Dans de nombreux pays, le changement climatique exacerbe des conditions naturelles déjà défavorables. Pour sa part, le journal Le Monde du 8 février 2008 écrit que : « le réchauffement climatique constitue, d'après les experts, un danger majeur pour l'agriculture mondiale. "Les zones touchées par la sécheresse en Afrique subsaharienne pourraient augmenter de 60 à 90 millions d'hectares (...) d'ici à 2060. (...) Le nombre de personnes souffrant de malnutrition pourrait augmenter de 600 millions d'ici à 2080", prévoyait l'ONU en 2007. Chaque étude semble plus pessimiste que la précédente. »6 4 Parti communiste français, « Révoltes de la faim : pour des mesures urgentes et un changement de uploads/Geographie/ les-causes-de-la-pauvret-en-afrique-subsaharienne-et-les-enjeux-pour.pdf

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