Montaigne • Citations : •Que sais-je ? (Apologie de RS) Montaigne, Essai 13, II
Montaigne • Citations : •Que sais-je ? (Apologie de RS) Montaigne, Essai 13, III. (1588) Esope, ce grand homme, vit son maître qui pissait en se promenant: « Quoi donc, fit-il, nous faudra-t-il chier en courant ? » Ménageons le (=prenons notre) temps; encore nous en reste-t-il beaucoup d’oisif et mal employé. Notre esprit n’a volontiers pas assez d’autres heures à faire ses besognes, sans se désassocier du corps en ce peu d’espace qu’il lui faut pour sa nécessité. Ils veulent se mettre hors d’eux et échapper à l’homme. C’est folie: au lieu de se transformer en anges, ils se transforment en bêtes, au lieu de se hausser, ils s’abattent. Ces humeurs transcendantes m’effraient, comme les lieux hautains et inaccessibles; et rien ne m’est à digérer fâcheux en la vie de Socrate que ses extases et ses démoneries, rien si humain en Platon que ce pour quoi ils disent qu’on l’appelle divin. Et de nos sciences, celles-là me semblent plus terrestres et basses qui sont le plus haut montées. Et je ne trouve rien si humble et si mortel en la vie d’Alexandre que ses fantaisies autour de son immortalisation. Philotas le mordit plaisamment par sa réponse; il s’était conjoui avec lui par lettre de l’oracle de Jupiter Hammon qui l’avait logé entre les dieux: « Pour ta considération j’en suis bien aise, mais il y a de quoi plaindre les hommes qui auront à vivre avec un homme et lui obéir, lequel outrepasse et ne se contente de la mesure d’un homme.» « Diis te minorem quod geris, imperas: tu commandes parce que tu te fais plus petit que les dieux, Horace, Odes, III,6. v.5 » La gentille inscription de quoi les Athéniens honorèrent la venue de Pompée en leur ville se conforme à mon sens : D’autant es-tu Dieu comme Tu te reconnais homme. C’est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être. Nous cherchons d’autres conditions, pour (=faute de) n’entendre l’usage des nôtres, et sortons hors de nous, pour ne savoir quel [temps] il y fait. Si (=ainsi), avons-nous beau monter sur des échasses, car (=que) sur des échasses encore faut-il marcher de (=avec) nos jambes. Et au plus élevé trône du monde, si ne sommes assis que sus notre cul. Les plus belles vies sont, à mon gré, celles qui se rangent au modèle commun et humain, avec ordre, mais sans miracle et sans extravagance. Or la vieillesse a un peu besoin d’être traitée plus tendrement. Recommandons-la à ce Dieu protecteur de santé et de sagesse mais gaie et sociale: “Accorde-moi, ô Apollon, de jouir de ce qui est mien, et garder, je te prie, ma tête et ma santé, pour passer vieillesse qui ne soit ni indigne, ni étrangère à la lyre.” Horace, Odes, I,31 v.17. • Prosopopée de la Nature : “Sortez de ce monde, comme vous y êtes entrés, le même passage que vous fîtes de la mort à la vie, sans passion et sans frayeur, refaites-le de la vie à la mort. Votre mort est une des pièces de l’ordre de l’univers; c’est une pièce de la vie du monde. Changerai-je pour vous cette belle contexture des choses ? C’est la condition de votre création, c’est une partie de vous, que la mort; vous vous fuyez vous-mêmes. Cet être vôtre dont vous jouissez est également partagé entre la mort et la vie. Le premier jour de votre naissance vous achemine à mourir comme à vivre. Nascentes morimur, finisque ab origine pendet [Nous mourrons en naissant et la fin est pendante dès l’origine] (Manilius). Tout ce que vous vivez, vous le dérobez à la vie; c’est à ses dépens. Le continuel ouvrage de votre vie, c’est bâtir la mort. Vous êtes dans la mort pendant que vous êtes en vie, car vous êtes après la mort quand vous n’êtes plus en vie. Ou si vous aimez mieux ainsi : vous êtes mort après la vie; mais pendant la vie vous êtes mourant, et la mort touche bien plus rudement le mourant que le mort, et plus vivement et essentiellement.” I,20 (français moderne) “Nous ne manquerons pas de bons régents, interprètes de la simplicité naturelle. Socrate sera l’un d’eux. Car, de ce qu’il m’en souvient, il parle à peu près en ce sens aux juges qui délibèrent de sa vie: “J’ai peur, messieurs, que si je vous prie de ne pas me faire mourir, je ne m’enferre dans l’argument de mes accusateurs qui prétendent que je me pose en homme plus savant que les autres, comme ayant quelque connaissance plus cachée des choses qui sont au-dessus ou au-dessous de nous. Je sais que je n’ai ni fréquenté, ni reconnu la mort, ni n’ai vu personne qui ait essayé ses qualités pour m’en instruire. Ceux qui la craignent présupposent la connaître. Quant à moi, je ne sais ni ce qu’elle est ni quel (temps) il fait en l’autre monde. Peut-être la mort est chose indifférente, peut-être désirable. Les choses que je sais être mauvaises, comme d’offenser son prochain et désobéir au supérieur, soit Dieu, soit homme, je les évite soigneusement. Celles desquelles je ne sais si elles sont bonnes ou mauvaises, je ne les saurais craindre. (…) La disparition d’une vie est le passage à mille autres vies. La nature a imprimé dans les animaux le soin d’eux-mêmes et de leur conservation. Ils vont jusqu’à craindre leur détérioration, de se heurter et de se blesser, que nous ne les attachions et ne les battions, accidents soumis à leurs sens et expérience. Mais que nous les tuions, ils ne le peuvent craindre, n’ayant la faculté d’imaginer et de déduire la mort. Aussi dit-on également qu’on les voit non seulement la souffrir gaiement, la plupart des chevaux hennissent en mourant et les cygnes la chantent, mais de plus la rechercher en cas de besoin, comme montrent plusieurs exemples chez les éléphants.” III,12 (français moderne) • Traduction de la Theologia naturalis de Raimond de Sebond. Hic declaratur experimentaliter quod omnia serviunt homini, et sunt ad bonum hominis. (Comme tout ce qui est au monde est fait pour l’homme et sert a ses commodites, et, premierement de celles qui touchent au corps.) Ce n’est pas assez d’avoir montré que tout ce que les autres créatures ont en elles, elles l’ont pour nous, si je n’enseigne encore comment tout revient à notre profit, afin que j’imprime plus avant, et par expérience visible, l’obligation que nous avons envers Dieu. L’homme est composé du corps et de l’âme: ainsi tout ce qui le concerne regarde son âme ou son corps, et les choses qui lui servent lui servent pour le respect de l’une ou de l’autre de ces deux parties. Voyons premièrement du corps, et comme toutes choses sont accommodées ou à sa necessité, ou à son plaisir, ou à son secours. Premièrement il y en a de si nécessaires qu’il est impossible que le corps soit ni vive sans elles, comme les quatre éléments, le soleil et beaucoup d’autres, desquelles il nous faut user continuellement: mais nous nous apercevons mieux du besoin que nous en avons, imaginant leur défaillance: comme si nous considérons qu’il n’y eût point de terre, d’eau, de feu, d’air, de soleil, il est évident que nous ne saurions être. Ces choses donc nous sont entièrement nécessaires. S’il n’y avait point d’arbres, de plantes et de blés, nous ne saurions commodément vivre. S’il n’y avait point de bêtes, qui nous servent les unes de viandes, les autres de défense, les autres de récréation, et quelques unes d’instruction exemplaire, il est certain que notre vie serait pleine d’extrême incommodité. Toutes ces choses sont donc nécessaires au corps humain: l’homme ne s’en saurait passer et en recoit continuellement et incessamment du plaisir et du service, veuille ou non. Par quoi il n’y a rien en ce monde qui ne travaille jour et nuit pour le bien de l’homme; l’univers est pour lui, à cause de lui, et a été d’une merveilleuse structure compassé et ordonné pour son bien. Et si on me dit que les bêtes s’aident à leur besoin, aussi bien que nous, de la plupart des choses que j’ai alleguées, comme de la respiration de l’air, de la lumière du soleil, de l’eau, de la terre, et choses semblables, je leur repondrai que cette commodité, que les animaux en recoivent, est à cause de nous et retourne enfin à la nôtre: car si eux-mêmes sont pour nous et non pour eux, le profit de leur commodité est plus nôtre que leur. Soit donc que telles choses servent à l’homme, soit qu’elles servent à ce qui le sert, tout revient à un. Nous les pouvons toujours dire nous être nécessaires, nous être données et employées pour nous. Or sus, homme, jette hardiment ta vie bien loin autour de toi, et contemple, si de tant de membres, si de tant de diverses pièces de cette grande machine, il y en a aucune qui ne te serve. Considère comme le soin et la sollicitude de nature uploads/Geographie/ montaigne-texte-pdf.pdf
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- Publié le Apv 23, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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