1 Les nouvelles journées de L’ERLA n° 8 Université de Bretagne Occidentale Aspe
1 Les nouvelles journées de L’ERLA n° 8 Université de Bretagne Occidentale Aspects linguistiques du texte poétique Faculté des Lettres Victor Segalen 16-17 novembre 2007 Brest Eléments de l’héritage linguistique du parler paysan dans le récit poétique de Juan Antonio Alix (1833-1918) Sandra BIHANNIC Université de Bretagne Occidentale, ERLA Juan Antonio Alix est l’un des premiers si ce n’est le premier poète populaire dominicain. Né à Moca en 1833, il est élevé dans le Cibao, région farouchement attachée à ses valeurs traditionnelles et où la langue espagnole utilisée par la population reste fortement empreinte d’anciennes modalités andalouses. Ses dizains, forme poétique qu’il affectionne tout particulièrement, sont pour lui le moyen d’exprimer la complexité et la richesse de la vie créole1. Vices, passions, vertus, tristesse et joies du peuple se mêlent dans cette poésie qui se double d’une dimension tour à tour identitaire ou novatrice dans l’univers littéraire dominicain, acquérant ainsi un poids nouveau, une saveur particulière, perceptible par le truchement de jeux métaphoriques, phoniques ou sémantiques. Joaquín Balaguer, autre auteur bien connu de la République Dominicaine, dira d’ailleurs au sujet de l’œuvre d’Alix qu’il y recueille les formes lexicographiques pétries par la fange de la rue et que le peuple scelle du poinçon de son âme2. La relation du Dominicain à sa langue et à ses coutumes va ainsi peu à peu devenir la toile de fond essentielle des poèmes de Juan Antonio Alix qui, mettant à profit le comique des contrastes entre les parlers des différentes classes sociales de l’île, va faire de ses dizains le reflet des multiples tonalités de l’être social dominicain, rompant en cela avec les traditions littéraires de la zone Caraïbe. 1 Il commence à en rédiger dès l’âge de seize ans. 2 Las formas lexicográficas que se amasan con el lodo de la calle y que el pueblo sella con el cuño de su alma (Balaguer, 1944, p. 147). 2 Cette dernière, souvent qualifiée de berceau de l’Amérique par les Européens, inspira, dès le début de la conquête, une ample production poétique. Promptement investie par des hommes cultivés, elle devint le théâtre d’une vie intellectuelle qui, gagnant notamment l’île Hispaniola si chère à Colomb, lui valut le titre d’Athènes du Nouveau Monde. L’apogée de la colonie est marquée par la fièvre de l’or ainsi que par la naissance de grandes institutions culturelles. A partir de 1795, après l’abandon de la colonie espagnole à la France lors du traité de Bâle, de nombreux mouvements migratoires vont générer une fusion des traditions culturelles insulaires qui rejailliront alors dans de multiples écrits. Fortement inspirées de la tradition costumbrista espagnole, ces œuvres qui s’attachent tout spécialement à la description des mœurs d’un pays ou d’une région vont, parallèlement et largement, tendre au cultisme voire même au gongorisme. Cependant, nonobstant cette forte propension, le langage à la fois sensible et spontané des hommes de la campagne parviendra à pénétrer le cours de cette expression poétique que domine l’espagnol péninsulaire en particulier grâce à Juan Antonio Alix qui, s’inspirant de l’actualité, répond à un besoin du peuple dominicain. Ce dernier, achetant les vers du poète avant même qu’ils ne soient parus, goûte particulièrement leur originalité pimentée de satire et dans laquelle il retrouve son propre mode d’expression et non celui d’une société totalement ignorante - volontairement ou non - de ses difficultés. C’est à l’étude de ce langage rustique à travers neuf dizains de Juan Antonio Alix3 que se consacre cette communication afin d’en observer les spécificités tant phonétiques que morphosyntaxiques et lexicologiques et de les comparer à celles de l’espagnol péninsulaire. 3 1 - A la señora Anacleta ; 2 - A la señorita Uma Camila mi apreciada candidata ; 3 - Al señor José Ramόn Orcasita ; 4 - El puerco de don Narciso ; 5 - ¡ A onde iremo a parai ! ; 6 - Segundo Imbert ; 7 - Los 40 días que durό I. González en el poder ; 8 - Los dos compadres ; 9 - La escasez de arroz en esta ciudad. Juan Antonio Alix, Décimas inéditas, Santo Domingo, Moreno, 2006. Afin d’alléger la présentation de cette étude, nous assortissons les listes d’exemples relevés du numéro imparti à chacun des dizains cités ci-dessus. Exemple : Criao criado (2) cf. A la señorita Urna Camila mi apreciada candidata. Nous faisons par ailleurs, suivre le terme d’usage dominicain de son équivalent péninsulaire. 3 / d / Les différentes études réalisées sur l’espagnol de la République Dominicaine s’accordent à dire que la chute du / d / en fin de mot ou en position intervocalique est typique de la classe rurale - classe sociale que certains vont jusqu’à qualifier de classe inculte -. Sans entrer dans ce genre de considérations, il reste toutefois que ce phénomène existe lui aussi dans les classes populaires espagnoles, tout particulièrement en Andalousie et de façon nettement plus fréquente qu’aux Antilles. Cette ressemblance morphologique - l’intonation s’avérant différente de celle de la Péninsule - avec l’espagnol d’Andalousie a longtemps été attribuée à l’influence des locuteurs andalous durant la conquête et la colonisation. Ce point de vue est aujourd’hui remis en question car l’Espagne a conquis le Nouveau Monde alors même que sa propre transformation linguistique n’en était qu’à ses prémisses. Il serait, par contre, tout à fait envisageable que la découverte ait accéléré le processus d’évolution de l’espagnol péninsulaire en déplaçant en quelque sorte les différentes couches de la société espagnole. L’observation des dizains de Juan Antonio Alix fait ressortir quatre types de disparition du / d /. A - Omission en position intervocalique Dans les combinaisons ado / ada : Criao criado (A la señorita Urna Camila mi apreciada candidata) Cuidao cuidado (Los 40 días que durό I. González en el poder) edo / eda : Enreo enredo (A onde iremo a parai) Sea seda (A la señorita Urna Camila mi apreciada candidata) ido / ida : Marío marido (A la señora Anacleta) Vía vida (A la señorita Urna Camila mi apreciada candidata) odo / oda : To todo (A la señorita Urna Camila mi apreciada candidata) ; (A onde iremo a parai) ; (Los dos compadres) Toa toda (A onde iremo a parai) ; (Segundo Imbert) 4 Nous avons relevé les cas suivants : Ajitao agitado (8) Catigao castigado (5) Corrompío corrompido / corrupto (5) Criao criado(2) Cuidao cuidado (7) Dejao dejado (7) E jonrao es honrado (6) Enreo enredo (5) Faisioso fastidioso (5) Ha sío ha sido (5) ; (6) Ha tao ha estado (6) Ha trapasao ha traspasado (5) Habei gotiao haber goteado (7) Marío marido (1) Meicao mercado (5) Ná nada (5) No pué mamai no puede mamar (7) No se pue decí no se puede decir (5) Pa habei durao para haber durado (7) Preferío preferido (1) Pudrío podrido (5) Pue puede (5) ; (6) Puea pueda (5) Quea queda (7) Sea seda (2) Sentao sentado (6) Si ei debei ta peidío si el deber está perdido (5) To todo (2) ; (5) ; (8) Toa toda (5) ; (6) Tuabía todavía (5) Tό todo (2) ; (5) Vía vida (2) Nous pouvons y adjoindre quatre lexies marquées par l’influence du portugais : Comae comadre / Compae compadre Compai compadre / Mái madre Ces formes portugaises se sont probablement diffusées aux Antilles par l’intermédiaire des esclaves noirs du XVIe siècle. Beaucoup d’entre eux parlaient portugais car le pays s’était spécialisé dans la traite des noirs et une partie de ces esclaves était stockée dans la péninsule avant d’être vendue. Ils acquéraient ainsi une certaine maîtrise de la langue latine ce à la différence des esclaves qui étaient directement expédiés de l’Afrique aux Caraïbes. Il est d’ailleurs fréquent dans la littérature espagnole des XVIe et XVIIe siècles que des noirs y apparaissent avec un langage de type portugais et la diffusion de pai et mái en serait le reflet. 5 B - Omission en fin de mot Dificuitá dificultad (2) Necesidá necesidad (5) Cantidá cantidad (5) Meisé merced (5) Meisé merced (5) Salú salud (5) Siguridá seguridad (5) Susiedá suciedad (5) C - Omission à l’initiale E de (7) ; (8) D - Omission par ultra correction Mieisé merced (5) Enfin, notons un cas de vocalisation du /d / en /i/ : Aiministraciόn administraciόn (2) / s / D’un point de vue général, la chute du / s / implosif est une caractéristique très répandue en Amérique hispanique mais elle l’est plus encore dans la zone caraïbe. Nous pouvons distinguer ici deux types de disparition du / s / implosif : A - En fin de mot ou de groupe de mots A lo candidato a los candidatos (5) A mucho jefe a a muchos jefes (5) Adiό adiόs (2) Aduladore aduladores (2) Apure no te apures (2) Arrό arroz (9) Atrá atrás 2) Bamo vamos (8) ; (5) Beberemo beberemos (2) Besamano besamanos (5) Cien día de peidόn cien días de perdόn (5) Como do pie en un sapato como dos pies en un zapato (5) Debemo debemos (5) ; (6) Dejemo no nos uploads/Geographie/ les-nouvelles-journ-es-de-l.pdf
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- Publié le Sep 19, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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