Collectif d’auteurs sous la direction de D. Mercier Le livre des techniques du

Collectif d’auteurs sous la direction de D. Mercier Le livre des techniques du son L’exploitation Tome 3 4e édition Couverture : Rachid Maraï Illustrations intérieures : Pascal Mercier et Ursula Bouteveille-Sanders © Dunod, Paris, 2007, 2013 © Éditions Fréquences, Paris, 1993, 1998 pour les deux premières éditions ISBN 978-2-10-058273-0 Collectif d’auteurs sous la direction de Denis Mercier Denis Mercier Preneur de son, réalisateur sonore sur des productions disques, films, spectacles, etc. Enseignant à l’ESAV de Marrakech. Ancien responsable des stages son de formation continue à Auvigraph, École nationale Louis Lumière. Sébastien Noly (chapitre 1) Musicien-ingénieur du son diplômé du Conservatoire de Paris. Producteur pour la société Sonogramme. Professeur à l’ENSATT et référent pédagogique secteur son au CFPTS. Jean-Luc Ohl (chapitre 2) Ingénieur ENSEA. Directeur commercial de la société 44.1. Pietr Durovic III (chapitre 3) Ingénieur du son en studio d’enregistrement. Sonorisation et enregistrement mobile. Conception et acoustique de studios. Tony Lheureux (chapitre 4) Ingénieur du son en sonorisation. Directeur technique sur spectacles et concerts. Pablo Bergel (chapitre 5, avec la collaboration de Clémentine Bergel) Concepteur. Régisseur son. Directeur technique. Ingénieur conseil électro- acoustique. Henri Legrand (chapitre 6) Responsable technique au sein de Radio France. Jacques Van den Driessche (chapitre 6) Ancien responsable des laboratoires de Radio France. Philippe Carminati (partie fiction du chapitre 6) Chef opérateur du son à Radio France. William Flageollet (chapitre 7) Ingénieur du son Musique. Mixeur Cinéma. Cofondateur de la société de production Up To You. Jean Marc Aringoli (chapitre 8) Ingénieur du son indépendant. En mémoire d’André Charlin, ce précurseur de génie, de Georges Kisselhoff, et d’Antoine Bonfanti, professionnels de talent. © Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit. V Préface Technique d’artiste et art de technicien Pierre Schaeffer, dont nul ne peut ignorer l’inestimable contribution à l’art radiophonique, n’était pas favorable, vers la fin des années 40, à la présence de musiciens à la console de prise de son (ultérieurement, il devait modifier cette opinion). Et il avait coutume de dire : « Les musiciens n’écoutent pas la musique ». Il y a là beaucoup plus qu’une boutade et, si ce n’est une leçon, c’est du moins un intéressant sujet de réflexion. La première question qui nous vient à l’esprit sera donc : qu’est-ce donc que les musiciens écoutent ?… et la réponse vient immédiatement : ils n’écoutent que la musique. Or, la musique est bien faite avec des sons ; et ces derniers possèdent de multiples caractéristiques propres, selon les cas, à nous procurer de multiples plaisirs ou déplaisirs (voire souffrances auri- culaires). Il faut donc veiller à la qualité des sons restitués et transmis ; ces sons que, peut-être, les musiciens n’écoutaient pas suffisamment ; mais si cette qualité est, de toute évidence, une condi- tion absolument nécessaire, serait-ce une condition suffisante ? Pour essayer de le savoir, il est indispensable de prendre conscience du fait qu’une œuvre d’art, quelle qu’elle soit, ne peut, en aucun cas, être confondue avec son support et que, si la perfection de ce dernier est d’une importance considérable, elle ne peut jamais suffire à masquer l’absence d’une pensée sans laquelle il ne peut exister d’objet esthétique durable. Il y a là une vérité dont tous les artistes créateurs ont toujours eu conscience d’une manière intui- tive et, dirais-je, naturellement. Le peintre, par exemple, sait fort bien que les caractéristiques chi- miques de ses couleurs ainsi que leur aptitude à réfléchir la lumière ne peuvent être ignorées lors de la conception de sa toile, mais il ne croit jamais (sauf dans certains cas de paranoïa qui ont effectivement existé) qu’elles en constituent l’essence même. Le sculpteur prendra soin du choix de la matière qu’il veut modeler, mais ne croira pas que la séduction exercée par cette matière LE LIVRE DES TECHNIQUES DU SON VI pourra lui suffire. Et Michel-Ange le savait bien qui, admirant le marbre qu’il avait élu, s’exclamait qu’il devait en faire « sortir son œuvre ». L’écrivain et le poète seront heureux de disposer du meilleur typographe et des caractères les plus élégants disposés sur un papier aussi agréable à l’œil qu’au toucher, mais ils ne négligeront pour autant ni leur grammaire ni leur syntaxe, ni surtout la rigueur de leur pensée. Et même l’architecte, soumis plus que tout autre aux multiples contingences que lui imposent ses matériaux, sait que la beauté profonde de son édifice ne sera pas due au grain des pierres, à la souplesse d’utilisation du béton, à la lumière et à la transparence du verre ou à la force et la ductilité de l’acier, mais à la manière dont il les aura organisés et projetés de l’abstraite conception de l’épure jusqu’à l’espace sensible du spectateur. Et il semble que ce soit au sujet du seul art des sons (je n’ai pas encore dit : de la musique) que puissent subsister quelques confusions. Il peut être découvert, à cela, de multiples raisons. La première est que le son touche l’être humain plus profondément que la lumière, comme s’il atteignait immédiatement et directement notre sub- conscient. Cette puissance est ressentie comme tellement naturelle, l’émotion qu’elle peut provoquer comme tellement intuitive qu’il nous peut arriver d’oublier, sauf bien sûr dans le cas du langage journalier, que, non plus « le » son, mais « les » sons peuvent être le véhicule des significations les plus diverses, qu’elles soient d’ordre sémantique ou d’ordre esthétique. Parlant de la magie des sons, Paul Valéry notait : « On sait comme les ressources de cet univers sont profondes, et quelle pré- sence de toute la vie affective, quelles intuitions des dédales, des croisements et des superpositions du souvenir, du doute, des impulsions ; quelles forces, quelles vies et quelles morts fictives nous sont imposées… »1 Mais Igor Stravinsky avait, lui, pris ses distances vis-à-vis de cet univers magique et avait déclaré : « Je considère la musique, par son essence, impuissante à exprimer quoi que ce soit : un sentiment, une attitude, un état psychologique, un phénomène de la nature, etc. Si, comme c’est presque tou- jours le cas, la musique paraît exprimer quelque chose, ce n’est qu’une illusion et non pas une réalité. C’est simplement un élément additionnel que, par une convention tacite et invétérée, nous lui avons prêté, imposé, comme une étiquette, un protocole, bref, une tenue et que, par accoutumance ou inconscience, nous sommes arrivés à confondre avec son essence. »2 Rien mieux que la contradiction de ces deux déclarations n’éclaire la boutade de Pierre Schaeffer. Pour le musicien, du moins celui qui est imprégné de la tradition occidentale, le son est d’abord et avant tout le support de son message, l’essence de ce dernier résidant dans une science et une sub- tilité d’organisation dont la perception sera génératrice d’émotion esthétique. Pour un tel musicien, le son est d’abord un support, comme il est d’abord un phonème pour l’orateur ; son aptitude à en assembler les relations en fera un langage dont la signification, ainsi que le disait Stravinsky, restera abstraite. Selon l’expression de Boris de Schloezer : « La musique est un langage qui n’exprime que lui-même ». Mais le musicien, tel que l’entend Stravinsky, n’est pas le seul à exister et, de plus, il n’existe pas seulement en tant que tel. Il est aussi un amateur de sons. Et, toutes les nuances intermédiaires pouvant être recensées, nous découvrirons des personnes qui sont sensibles avant tout au son lui- même, presque indépendamment du message qu’il véhicule. De sorte que nous devrions en déduire qu’il est bien dommage que nous ne disposions que d’un seul mot, celui de « musique » pour désigner des phénomènes dont il est facile de voir qu’ils sont, entre eux, radicalement différents. C’est un fait observable que bien des musiciens professionnels et certains amateurs très éclairés vivent intensément la musique au niveau de ce que les philosophes appellent la « mémoire mémo- 1. In Léonard et les philosophes. 2. In Chroniques de ma vie. © Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit. PRÉFACE – TECHNIQUE D’ARTISTE ET ART DE TECHNICIEN VII risante ». Pour eux, par exemple, une fugue de Bach restera belle même si le son du piano n’est pas, acoustiquement parlant, tout à fait satisfaisant. Relativement à une conception de la musique que d’aucuns trouvent trop abstraite mais pour laquelle j’ai, personnellement, la plus haute estime, on ne peut leur donner tort. Mais si de tels musiciens ou amateurs très éclairés veulent pratiquer la prise de son, ils risquent d’oublier, voire de ne même pas s’apercevoir, qu’une fugue de Bach est indiscutablement plus appréciée si l’on a le sentiment qu’elle est jouée sur un très bon instrument par un interprète digne d’éloge. La boutade de Pierre Schaeffer doit donc être prise a contrario : ils n’écoutent que la musique. Malheureusement, cette écoute est insuffisante pour qui veut être un bon preneur de son. Il paraît évident qu’il doit bénéficier de tout ce qui, dans chacun de ces cas extrêmes, peut être con- sidéré comme une qualité ; et, en fait, tout est qualité puisque nous uploads/Geographie/ livre-des-techniques-du-son 1 .pdf

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