Structures du Maroc pré-colonial Critique de Robert Montagne ISBN : 978-9954-1-
Structures du Maroc pré-colonial Critique de Robert Montagne ISBN : 978-9954-1-0383-8 Dépôt légal : 2012 MO/0369 La Croisée des Chemins Immeuble Oued Dahab Rue Essanâani - Bourgogne 20050 Casablanca - Maroc Tél. +212 22 279 987 Mél. editions.lacroisee@yahoo.fr Structures du Maroc pré-colonial Critique de Robert Montagne Mémoire pour l’obtention du diplôme des études supérieures es-sciences politiques Présenté et soutenu publiquement par : Mohamed BERDOUZI JURY Président : M. Abdallah SAAF Suffragants : M. Abdelhamid ELOUALI M. Abdelkabir KHATIBI M. Paul PASCON UNIVERSITÉ MOHAMED V FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES - RABAT Novembre 1981 A Badia, pour son soutien inestimable Que Monsieur Abdallah SAAF me permette de rendre hommage à sa géné rosité intellectuelle et qu’il trouve ici l’expression de toute ma gratitude pour les orientations précieuses et l’aide sans relâche qu’il m’a fournies lors de l’élaboration de ce travail. introduction I. ACTUALITE DE LA SOCIOLOGIE POLITIQUE COLONIALE Depuis le xixe siècle, le Maroc a fait l’objet d’une panoplie d’études de toutes sortes, et quelques bilans en ont déjà été dressés1. De nombreuses hypothèses et une masse d’observations ont été ainsi accumulées, mais l’évaluation théorique de ce « donné », certes souvent imprégné d’idéologie, soulève toujours des problèmes stimulants pour la recherche. A travers la diversité des spécialisations et des orientations, (histoire, économie, socio logie etc.), une question fondamentale se profile en permanence sans trou ver une réponse satisfaisante : quelle fut la nature du système sociopolitique marocain avant la colonisation, et comment interpréter les mutations qu’il a subies depuis, et les invariants spécifiques qu’on peut encore y déceler ? Si telle est bien la question, force est de constater qu’elle n’est pas seu lement d’ordre empirique, mais aussi théorique à un double égard. La clarté des concepts et leur adéquation importe autant que l’objectivité de l’observation et son degré de précision. De plus, la formulation des pro blèmes oriente la collecte et l’ordonnancement des faits observables. Cette remarque se vérifie en tout cas à la lecture de R. Montagne : ses descriptions posent toujours le problème de la qualification des faits et de la cohérence conceptuelle2. Sur un plan général, la question de la nature du système politique marocain, dans toutes ses implications, entraîne une série de problèmes théoriques et empiriques impliquant plusieurs disciplines : en économie, elle renvoie, à travers la question du rôle de l’Etat, ou celle des causes du sous-développement, à la définition des modes de production et aux théories de la transition. Que l’on se demande par exemple si le Maroc était féodal, et (ou) s’il connaissait un processus « « d’embourgeoisement », et on est amené à s’interroger sur ce qu’il faut entendre par la « féodalité » 12 Robert Montagne et les structures politiques du Maroc pré-colonial ou le « capitalisme ». En sociologie générale, la même question renvoie à l’analyse des rapports entre le politique, le religieux, le droit et le régime de la famille ; ainsi qu’à la « stratification sociale » ou à l’analyse des classes3. L’ouverture de la sociologie politique sur d’autres horizons n’est cepen dant pas propre aux conditions locales du Maroc. De façon générale, « le système politique » doit être envisagé autant « dans son environnement » (économie, démographie, technique), que dans ses « éléments internes » (Etat, forces politiques, partie etc.). Le « politiste,… quittant son splendide isolement doit s’ouvrir aux autres sciences »4. Ce n’est pas à dire que la sociologie politique n’ait pas d’objet propre. On peut admettre qu’elle « est la branche des sciences sociales qui étudie (plus spécialement) les phénomènes du pouvoir » politique et les luttes dont il est plus ou moins directement l’enjeu5. On peut aussi affirmer que la sociologie politique « s’attache au jeu des forces profondes qui ani ment la société et qui expliquent l’équilibre du pouvoir comme son évolu tion et ses bouleversements ». Mais ces « forces profondes » peuvent-elles être déterminées uniquement d’un point de vue politique ? Cela impliquerait que le politique s’explique toujours par lui-même et rend compte en outre des « bouleversements » sociopolitiques6. A vouloir trop souligner les fron tières entre les diverses disciplines on se heurte à des généralisations qui débordent déjà comme telles de ces frontières elles-mêmes. Dans le cas du Maroc, on constate que des notions telles que le « Makhzen », la « tribu », le « Caïdat », « la zaouïa », correspondent à des structures « com plexes », comportant à la fois des aspects économiques, politiques, spirituels, voir agnatiques ou généalogiques… Une sociologie politique appliquée à ces réalités, appelle donc une attitude résolument pluridisciplinaire, en dépit de son attachement pour sa part à l’étude du pouvoir politique ; le principal risque à éviter étant de faire du point de vue propre à une disci pline, le principe d’explication des phénomènes qu’elle étudie, ou même le principe d’explication universel. C’est dans cette perspective que, sans vouloir faire une « archéologie du savoir », la sociologie politique coloniale « mérite » une réflexion critique, au moins à deux égards : – En premier lieu, cette sociologie s’est penchée directement sur des structures sociopolitique (« tribales », « confrériques », « makhzeniennes » etc.) qui, pensait-on au début du xxe siècle, pouvaient encore être observées dans leur « pureté » relative, en dépit de toutes les altérations qu’elles ont pu subir, ne serait-ce que du fait de la pénétration coloniale multiforme. Cette pénétration s’est faite de plus en plus intensive tout au long du xixe siècle. 13 Introduction Or, ces structures, quoique désormais périmées ou en déclin, déterminent un legs ou des séquelles factuelles et idéologiques couramment dénommés « poids de la tradition », ou encore « spécificité » et caractère « typique » de la vie politique marocaine7. C’est dans ce sens que la connaissance du passé peut éclairer celle du présent. Il n’est pas nécessaire de préjuger du degré réel de cette « spécificité », ni d’adhérer à un « particularisme » national exces sif, pour admettre néanmoins l’importance que peut revêtir l’analyse des structures originales du Maroc antérieur et l’évaluation de cette originalité elle-même, pour la connaissance de la société marocaine actuelle. Mieux encore, rien n’empêche a priori ces analyses et évaluations de déboucher sur une unité vivante du général et du spécifique. Il peut s’avérer en effet que les formes spécifiques ne justifient point une science ad hoc, mais illustrent au contraire de façon originale les lois générales du dévelop pement historique et l’unité des sciences sociales. Les principales écoles de sociologie politique, y compris celles dont les applications concrètes mettent en exergue la spécificité irréductible de leur objet, partagent néan moins un penchant universel, bien légitime en toute science, si seulement il ne conduit pas à l’arbitraire du général8. – En deuxième lieu, la sociologie politique coloniale continue d’être présente, et même influente, par l’abondance des matériaux qu’elle a réunis, par certaines de ses théories, voir même par sa manière de formuler les problèmes. On ne parle pas de « tribu », de « Siba », de Makhzen, de « leff », ou même de « prolétariat » ou de « mouvement national » marocains sans se référer à Michaux-Bellaire, Edmond Doutte, Robert Montagne, Jacques Berque, etc. Cela se comprend en un sens. D’abord leur sociologie a été seule sur scène à une époque où les nationaux étaient réduits au silence. Elle dis posait de l’avance scientifique de l’Europe et de toutes les facilités de recherches que lui offrait le gigantesque appareil colonial, administratif, financier et même militaire. Elle combinait et mettait à profit, les travaux de « reconnaissances », les mémoires individuels et la recherche structurée, organisée, et programmée à long terme, (ex : l’Institut des Hautes Etudes Marocaines ; le Centre des Hautes Etudes et d’Administration musulmane, à Paris : C.H.E.A.M. etc.)9. La tâche fut clairement définie d’établir des notices de tribus (dès 1913), et l’Administration Lyautey en généralisa la prescription à tous les officiers et administrateurs. Le modèle en fut nor malisé, et le dépouillement centralisé. La « notice » était une « obligation professionnelle »10. Voilà donc une recherche empirique systématique qui ne peut qu’en imposer par sa richesse en matériaux, et par les œuvres auxquelles elle a servi de « réservoir de faits ». 14 Robert Montagne et les structures politiques du Maroc pré-colonial Il est inutile de revenir ici en détail sur les « stéréotypes » de cette socio logie. On peut les résumer à peu près comme suit : La plupart du temps ces études ne visaient pas seulement à faire progresser théoriquement la sociologie, mais plutôt à raffermir le système colonial et son administration. Les préoccupations majeures étaient de marquer la spécificité de l’Islam marocain ; d’opposer l’autorité du Sultan, qui implique les prélèvements fiscaux et l’application du chraa, à l’anarchie « de la « Siba », qui implique le désordre, la guerre et le règne du droit coutumier ; d’opposer les Arabes aux Berbères, les sédentaires aux nomades, etc…, et de mettre en évidence l’arriération et l’isolement séculaires du Maroc uploads/Geographie/ livre-structure-du-maroc-precolonial.pdf
Documents similaires
-
23
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 18, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 6.6456MB