L’ARGOT FRANÇAIS Définition de l’argot Le terme argot sert à désigner un ensemb
L’ARGOT FRANÇAIS Définition de l’argot Le terme argot sert à désigner un ensemble de faits linguistiques assez différents. Dans l’usage courant, parler argot, c’est employer des mots ou des expressions bannis du langage correct. A cette conception vague, la linguistique oppose une définition plus précise. Au sens étroit du mot, l’argot est le langage des malfaiteurs et, par extension, il désigne aussi un certain nombre de langages spéciaux- dits langages de métiers- qui offrent des traits communs avec le précédent. En fait, ce terme désignait, au départ, non une langue mais la confrérie des gueux et mendiants qui peuplaient les fameuses Cours des Miracles, baptisées précisément au Moyen Age « Royaume de l’Argot ». L’ancienne pègre, organisée en bandes fortement hiérarchisées, vivait dans ces quartiers clos où la police elle-même n’osait s’aventurer. Evoluant dans une société close, les truands utilisaient également un langage clos destiné à tromper leurs victimes. Le sens primordial de l’argot, celui de « corporation, milieu des gueux » a été attesté pour la première fois dans le fameux « Jargon ou langage de l’Argot Réformé» d’Olivier Chéreau, ouvrage qui a signé l’acte de naissance du mot argot. Par extension, le terme d’argot s’est appliqué au langage de la pègre ; on a dit d’abord le « jargon de l’Argot », puis, tout simplement, l’argot, selon le procédé de métonymie. En conclusion, le terme d’argot englobe trois dimensions : dans un premier sens, il désigne le langage des criminels, des classes dangereuses, vivant en marge de la société ; par extension, il s’applique au vocabulaire professionnel d’une classe sociale ou d’un métier ; et enfin, par une nouvelle extension, il est devenu quasi synonyme de la langue verte, d’une façon grossière, basse de s’exprimer. Étymologie L’origine du mot est une des plus obscures et, par conséquent, des plus disputées. Les hypothèses abondent et ne sont pas dépourvues d’imagination : le mot argot serait un dérivé du nom de la ville d’Argos, parce qu’il contient un certain nombre de mots grecs, ou de Ragot, fameux bélître du temps de Louis XII, ou bien du mot familier ragot (bavardage), ou encore une altération du mot jargon1. Plus récemment on l’a rattaché au verbe argoter (aujourd’hui ergoter), attesté en 1600 au sens de « se quereller », à l’ancien français harigoter, « déchiqueter » et au verbe hargoter « secouer » (XIVe siècle). La difficulté de délimiter l’argot 1 Sources proposées dans Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse. 1 Les recherches s’attachent bien souvent à préciser les difficultés inhérentes à une définition de l’argot, dont un problème majeur est celui d’établir une frontière, même approximative entre argot, jargon, français populaire et français familier. Dans une enquête sociolinguistique effectuée dans le Centre d’argotologie, Walter (1991 : 53) a mis en évidence « le flou sémantique »2 qui entoure le terme argot. En effet, les répondants ont mélangé des formes familières, populaires, vulgaires ou grossières, des formes appartenant à la langue commune non marquée, ainsi que des néologismes très récents. Ces formes lexicales diverses ont la caractéristique commune « de ne pas être reconnues par tous comme appartenant de plein droit à la langue française officielle » (ibidem). En se situant à la confluence de zones frontières, l’argot a été souvent confondu non seulement avec la langue populaire et familière, mais aussi avec les jargons des métiers, les jurons et les « gros mots ». Dans ce qui suit, on présente les couples argot/ jargon, argot/ langue populaire et argot/ langue familière afin de mieux saisir les particularités de l’argot. Argot vs. jargon Tous les chercheurs se sont heurtés à la difficulté de délimiter strictement la notion d’argot, en l’opposant bien souvent au jargon. Ce qui rend particulièrement difficile cette délimitation c’est la polysémie des deux termes, qui recouvrent des notions différentes. « Jargons » et « argots » sont définis aléatoirement dans les dictionnaires de langues, dans un rapport mutuel, à partir de l’un ou de l’autre terme. Voyons d’abord la définition de l’argot donnée par le Nouveau Petit Robert (2004) : ARGOT 1628 « corporation des gueux » 1. Langage cryptique des malfaiteurs, du milieu. Syn. Langue verte – COUR. Langue familière contenants des mots argotiques passés dans la langue commune. 2. LING. Langage particulier à une profession, à un groupe de personnes, à un milieu fermé. Argot parisien. Argot militaire. Argot scolaire. Argot sportif. Argot des maçons, des typographes, des séminaristes. L’argot de l’Ecole polytechnique → jargon. L’argot des bouchers, des typographes. Le même dictionnaire donne pour jargon les trois sens suivants : JARGON 1. Langage déformé, fait d’éléments disparates. Par ext. Langage incompréhensible. 2. péj. Langage particulier à un groupe et caractérisé par sa complication, l’affectation de certains mots, de certaines tournures. ◊ Façon de s’exprimer propre à une profession, une activité, difficilement compréhensible pour le profane. Le jargon des médecins, du sport. Jargon des bouchers → loucherbem. Jargon journalistique. 2 Sourdot (1991 : 13) utilise le syntagme « nébuleuse argotique » pour ce phénomène. 2 3. LING. Argot ancien, argot. Les ballades en jargon attribuées à Villon. Il est évident que les distinctions opérées entre argot et jargon ne sont pas d’une très grande clarté. En effet, les deux termes sont censés être des langages particuliers à une profession ou à un groupe de personnes ; en plus, le langage des bouchers et des typographes, pour ne prendre que deux exemples, est associé à la fois avec l’argot et le jargon. Et pour compliquer encore les choses, c’est le terme jargon qui signifiait « langage de la pègre » au XVe siècle, avant d’être remplacé par argot. Une autre attitude envers les deux termes est à trouver dans Le bon usage de Maurice Grevisse (1986 : 23). Après avoir distingué entre les registres, les niveaux et les variétés professionnelles de la langue, Grevisse range l’argot dans cette dernière catégorie, en le définissant comme : « Le moyen par lequel un groupe social, les étudiants, les militaires, les hommes de certains métiers, etc., se différencie des autres usagers. Quand on parle de l’argot sans autre précision, il s’agit souvent de celui des malfaiteurs ». Le jargon, par contre, serait « un langage incompréhensible » (par exemple le jargon des philosophes ou des théologiens). La distinction entre argot et jargon apparaît le plus clairement dans l’ouvrage Le génie de l’argot (1912) de Niceforo. Il y précise que l’argot, tout en étant un langage spécial, possède des caractères particuliers d’identité qui lui sont propres et qui le différencient des jargons avec lesquels il a été si souvent confondu. Les différences de tout ordre existant parmi les gens (de vocations, d’aptitudes, de façons de voir, de sentir ou d’agir) ainsi que la diversité de travail dans l’activité des groupes humains, sont autant de causes qui poussent les individus à créer des langages spéciaux. Mais, lorsque le groupe qui parle un langage spécial est composé d’individus très différents de ceux qui les environnent, et lorsque, en outre, ce groupe est adonné à un travail très spécialisé - il est bien naturel que le langage soit aussi très spécialisé et assez obscur pour les profanes. Or, puisque l’argot apparaît aussi comme un langage obscur et incompréhensible, l’assimilation entre les deux sortes de langages a été vite faite. Issu des groupes où l’opposition et la lutte avec le milieu sont très vives, l’argot n’est plus un simple langage spécial - il devient « une arme cachée pour tromper, pour blesser et surtout pour attaquer et détruire le sens de la vue et de l’ouïe des profanes qui voudraient regarder et écouter ». C’est donc seulement de l’argot qu’on peut dire qu’il s’agit d’une langue secrète, car son opacité est « complète, jalouse, intentionnelle et préméditée » (Niceforo, op. cit. : 94-103). Dans l’Introduction du Dictionnaire Larousse de l’Argot (1994), Denise François admet que la frontière entre termes de métiers et termes argotiques est floue. Elle remarque que l’argot apparaît dans tous les milieux fermés, qu’ils soient stables ou itinérants, de manière que l’argot des truands coexiste avec les argots des tailleurs de pierre, des comédiens, les étudiants, les soldats, etc. Le problème qui se pose est que ces métiers possèdent un « jargon », c’est-à-dire un langage technique élaboré pour la transparence professionnelle entre initiés. Mais cette transparence devient opacité pour les profanes, d’où la possibilité d’un glissement du jargon à l’argot. C’est pourquoi, sur l’initiative de Sourdot, le Centre d’Argotologie a adopté le terme de « jargot » pour désigner tous les emplois où s’intriquent jargon et argot (cf. Sourdot, 1991 : 13). Ce type de parler spécialisé joue sur la perméabilité lexicale, c’est-à- 3 dire sur la faculté, pour un mot donné, d’être opaque pour certains utilisateurs de la langue et transparent pour d’autres. Ainsi, employer un jargon en présence d’un tiers non-spécialiste revient à rendre le message incompréhensible, donc à s’en servir comme d’un outil d’exclusion, à savoir comme d’un argot. Inversement, à l’intérieur des groupes restreints, l’argot est utilisé de façon courante, même en l’absence d’un uploads/Geographie/ lma-l-argot.pdf
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- Publié le Oct 17, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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