Encyclopédie berbère 26 | 2004 26 | Judaïsme – Kabylie Kabylie : La langue Prés
Encyclopédie berbère 26 | 2004 26 | Judaïsme – Kabylie Kabylie : La langue Présentation générale S. Chaker Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1431 DOI : 10.4000/encyclopedieberbere.1431 ISSN : 2262-7197 Éditeur Peeters Publishers Édition imprimée Date de publication : 1 mai 2004 Pagination : 4055-4066 ISBN : 2-7449-0452-X ISSN : 1015-7344 Référence électronique S. Chaker, « Kabylie : La langue », Encyclopédie berbère [En ligne], 26 | 2004, document K15, mis en ligne le 01 juin 2011, consulté le 14 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ encyclopedieberbere/1431 ; DOI : https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.1431 Ce document a été généré automatiquement le 14 décembre 2020. © Tous droits réservés Kabylie : La langue Présentation générale S. Chaker 1 Le berbère parlé en kabyle est, avec le touareg* et le tachelhit* du Sud-Ouest marocain, une des variétés régionales les plus étudiées et les mieux connues. C’est aussi celle qui a bénéficié du processus de promotion et d’aménagement linguistique le plus précoce et le plus avancé. 2 Les données historiques et sociales expliquent aisément cette situation particulière ; principale région berbérophone, bastion d’une forte et longue résistance à la pénétration française au XIXe siècle, située à moins d’une centaine de kilomètres de la capitale Alger, la Kabylie a très tôt attiré les descripteurs français : explorateurs et voyageurs, militaires, missionnaires et scientifiques. Le kabyle a donc fait l’objet d’une attention précise et précoce comme en témoigne la publication dès 1844 du premier dictionnaire de cette langue. Entre 1858 et 1873, le Général Hanoteau, véritable encyclopédiste de la Kabylie, publie à lui seul : sa Grammaire kabyle (1858), ses Poésies populaires du Jurjura (1867) et son œuvre monumentale en trois volumes, La Kabylie et les coutumes kabyles (1873). L’impulsion donnée lors de ces premières décennies de la présence française en Algérie sera décisive et sera rapidement relayée par de nouveaux types d’acteurs, non moins productifs : - Les religieux chrétiens (principalement de l’ordre des missionnaires d’Afrique, les « Pères blancs » et « Sœurs blanches », fondé par le cardinal Lavigerie en 1868/9), dont le travail de description de la langue berbère de Kabylie se poursuivra sur place sans interruption jusqu’au milieu des années 1970 ; il donnera le jour notamment à la précieuse série du Fichier de Documentation Berbère (1946-1977) et au Dictionnaire kabyle-français de Jean-Marie Dallet (1982). - À partir des années 1880, les spécialistes français de l’Université d’Alger qui avec René Basset, qui fut Doyen de la Faculté des Lettres, s’imposera vite comme le principal pôle des études berbères jusqu’à la décolonisation. La Kabylie étant toute proche, l’enseignement du berbère à la Faculté des Lettres d’Alger et à l’Ecole normale de Bouzaréah, de même que les recherches et publications des titulaires de la chaire de berbère (René et André Basset, puis André Picard) porteront principalement sur le Kabylie : La langue Encyclopédie berbère, 26 | 2004 1 kabyle ; - Enfin, dans les dernières décennies du XIXe siècle, les berbérisants autochtones, quasiment tous kabyles, émergeront de différents corps de l’appareil administratif français : interprètes-traducteurs militaires et civils (Ben Khouas, Cid Kaoui...), instituteurs (dont le plus connu et le plus fécond fut Boulifa) ; puis, à partir des années 1930, hommes de lettres (Amrouche, Feraoun, Mammeri*...). 3 Malgré le coup d’arrêt qu’a représenté la suppression de la chaire de berbère de la Faculté des Lettres d’Alger en 1962 et la mise en place d’une politique linguistique et culturelle très anti-berbère dans l’Algérie indépendante, ce capital scientifique et ce potentiel humain constitués pendant la période française n’allaient pas rester sans retombées et sans suites : à partir des années 1960, de nombreux jeunes Kabyles, en Algérie et en France, sensibilisés par le travail des générations antérieures et les prises de positions de quelques rares références en activité (principalement l’écrivain Mouloud Mammeri), se mettront à l’étude de leur langue, soit dans le cadre académique, soit dans des cadres associatifs et militants. Ce double engagement débouchera progressivement sur une véritable renaissance des travaux et publications consacrés au kabyle : études descriptives dans le cadre des différents courants de la linguistique moderne (Chaker, Mettouchi, Naït-Zerrad, Allaoua et tant d’autres) ; études à orientation plus appliquée, dans le domaine de l’aménagement linguistique : notation usuelle, didactique, terminologie (Achab, Naït-Zerrad...). 4 À partir de 1990, l’assouplissement de la position des autorités algériennes vis-à-vis du berbère, avec la création des Départements de Langue et Culture Amazigh à l’Université de Tizi-Ouzou (1990), puis de Bougie (1991), va permettre l’arrivée d’une nouvelle génération, bien plus nombreuse, de jeunes chercheurs berbérisants travaillant en Kabylie même. En une décennie, les travaux de cette nouvelle berbérologie kabyle ont significativement renouvelé la connaissance que l’on pouvait avoir du kabyle, notamment de sa diversité interne (Cf. Notice suivante « Kabylie : Dialectologie » par K. Naït-Zerrad). Quelques données sociolinguistiques 5 La variété kabyle du berbère est la langue maternelle et usuelle de l’immense majorité de la population de Kabylie : près de 85 % des habitants de l’ancien département de Tizi-Ouzou (« Grande Kabylie ») se déclare berbérophones natifs (recensement1 officiel algérien de 1966). Il convient à ce propos de souligner que les nombreux découpages et redécoupages administratifs de l’entité géolinguistique kabyle opérés par l’Etat algérien ont eu pour conséquence de fragmenter l’aire de la kabylophonie sur au moins cinq départements (wilayat). Tant et si bien que seules les départements de Tizi-Ouzou et de Bougie peuvent être considérés comme presque entièrement berbérophones ; les autres fragments de l’aire kabyle sont intégrés dans des unités administratives périphériques, dont la plus grande partie est arabophone (Sétif, Bouira, Boumerdes). Ce démembrement administratif de la Kabylie historique et culturelle ne facilite évidemment pas l’évaluation démographique de la berbérophonie dans la région. 6 On peut néanmoins estimer, sur la base de la projection des chiffres connus, la population kabylophone à environ 5,5 millions de personnes, dont 3 à 3,5 millions vivent en Kabylie même et 2 à 2,5 million constituent la diaspora, dans les grandes Kabylie : La langue Encyclopédie berbère, 26 | 2004 2 villes d’Algérie (surtout Alger), mais aussi en France où vivent probablement près d’un million de Kabyles. 7 En Kabylie, l’usage du berbère est tout à fait prédominant ; langue d’usage général dans les échanges quotidiens, villageois et urbains et pour toutes les générations, le berbère n’est pas même vraiment concurrencé dans les espaces officiels accessibles au public (administrations municipales, postes etc.) ; les seuls lieux de Kabylie où l’on peut constater une présence de l’arabe classique sont les espaces institutionnels formels, placés sous le contrôle direct de l’administration centrale de l’Etat : Ecoles, tribunaux, gendarmeries... Bien sûr, dans les zones de contact entre populations arabophones et berbérophones, le bilinguisme berbère/arabe dialectal est de règle ; mais il n’est pas toujours unilatéral : dans de nombreux cas, les arabophones apprennent et utilisent le berbère. Les deux capitales de la Kabylie, Bougie et Tizi-Ouzou, illustrent bien cette pression du berbère : dans les deux cités, le noyau historique ancien de la population était arabophone ; l’exode rural massif de l’après-indépendance, a changé totalement le peuplement de ces deux villes et a généralisé l’usage du berbère. 8 En fait, en Kabylie, notamment dans les couches moyennes scolarisées, c’est plutôt le français qui concurrence significativement le berbère, bien sûr à l’écrit, mais aussi dans toutes les situations formelles ou requièrant une certaine élaboration linguistique (usages techniques et scientifiques, politiques...). Cette tendance est confirmée par de nombreux indices objectifs : prégnance de la presse francophone en Kabylie (avec existence de plusieurs titres régionaux), prégnance des chaînes de télévision françaises, multiplication des écoles privées francophones, usage commercial et publicitaire quasi exclusif du français... L’évolution sur ce plan est tout à fait impressionnante depuis le début des années 1990 : dans les espaces publics – en-dehors des sites officiels de l’Etat central -la langue arabe à totalement disparu au profit du berbère (en notation tifinagh et latine) et du français. Quelques traits linguistiques marquants du kabyle 9 On rappellera en premier lieu que les variétés régionales actuelles du berbère (les « dialectes ») résultent du processus historique de longue durée d’arabisation d’une partie du territoire de l’Afrique du Nord ; la conséquence mécanique de cette réalité, soulignée dans la notice « Dialecte » (EBXV, 1995), est que les « géo-lectes » contemporains ne présentent pas nécessairement une profonde unité linguistique : ils résultent de l’assemblage « par soustraction » de parlers qui, originellement, pouvaient appartenir à des aires dialectales distinctes. Tel semble bien être le cas de la Kabylie, comme tend à le montrer la notice suivante « Kabylie : Dialectologie ». 10 Néanmoins, il existe une image, et sans doute une forme, dominante du kabyle, fondées à la fois sur le poids démographique, l’extension géographique, la représentation dans les études berbères et la bibliographie ; la représentation aussi dans la production culturelle moderne – que ce soit la chanson ou l’écrit littéraire. Il s’agit de la variété de kabyle parlée dans ce qu’il est convenu d’appeler la « Grande Kabylie » et principalement la Kabylie du Djurdjura ou Haute Kabylie, le kabyle des « Zouaouas », comme uploads/Geographie/ encyclopedieberbere-1431.pdf
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- Publié le Jan 17, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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