Cours de sociolinguistique S6. Professeur : M. ARAHAL Abdelhafid III- Les empru

Cours de sociolinguistique S6. Professeur : M. ARAHAL Abdelhafid III- Les emprunts du français en arabe dialectal marocain (ADM) I- Le Protectorat français. a- Ouverture du Maroc à l’Europe Le Maroc a connu, tout au long de son histoire, différentes civilisations. En conséquence, chacune de ces dernières a imposé, plus ou moins, aux autochtones, sa culture, sa civilisation ainsi que sa langue. Certes, la langue française a fourni à l’rabe dialectal marocain (ADM) la plupart des unités les plus fréquemment employées dans la vie quotidienne. Ces emprunts introduits depuis 1912 (date du début du Protectorat français au Maroc) traduisent la transformation de la société marocaine au contact de l’Occident. Nous signalons au passage que la langue portugaise a disparu sans laisser de trace. En effet, les Portugais ne sont restés qu’à la ville de Mazagan (l’actuelle-El Jadida). Ces derniers ont été considérés comme des ennemis. C’est peut-être la raison pour laquelle aucun de leur vocable n’a été adopté. Excepté des relations avec l’Espagne, le Maroc était resté indépendant et hostile à tout contact avec l’Europe. L’instauration du Protectorat fut en 1912. Les Français installaient une armée, des services publics, une administration, des industries, etc. : « Qui paraissaient plus étranges qu’étrangères, mais qui rapidement, prennent tout le pays chaque individu, bon gré, mal gré, dans un filet aux mailles serrées »1 Les marocains étaient obligés d’adopter tout un nouveau lexique. En conséquence, la vie des habitants, étaient vite bousculée. En effet, ils ne s’attendaient pas à ce changement rapide dans leur vie quotidienne. 1- BRUNOT, L " Les emprunts dialectaux arabes à la langue française dans les cités marocaines depuis 1912, », Paris 1995, p.56 (Œuvres textuelles ressources dans data.bnf.fr). 1 b-L ‘intégration linguistique Trois possibilités s’offraient à la population dans le choix du nouveau lexique, à intégrer dans le vocabulaire courant : 1- Créer, en arabe dialectal marocain des néologismes équivalents à des mots français qui s’offraient bien évidemment avec les objets nouveaux ou à défaut, adapter le lexique dialectal à des fins nouvelles et étendre sa signification. 2- Créer en arabe classique des néologismes ou les emprunter à l’Orient arabe. 3- Adopter les mots français. Le choix, donc, fut très difficile à faire. Les dialectes ne se sont pas contentés d’un seul des trois possibilités qui se présentaient, mais ils ont pris, selon le contexte, l’une ou l’autre. c- L’espagnol et le français. Il n’est pas question d’emprunter le lexique à des langues européennes autre que le français, puisque le Maroc est sous tutelle française. L’espagnol se voit obligé de disparaître et laisser la place au français. En effet, certains mots d’origine espagnole disparaissent du dialecte tout en cédant la place à des vocables français : [bino] = vin, disparaît devant [difan] [siyus] = timbre, disparaît devant [tanbar] [bðseta] = pesette, disparaît devant [frank] d-Les emprunts à la langue française Les mots empruntés se répartissent d’une manière inégale. En effet, ces vocables sont classés selon des champs sémantiques différents, connus et employés par toute la population marocaine. Lors de leur intégration, les emprunts lexicaux ont subi des modifications phoniques. 2 e- Les limites linguistiques Quand il s’agit du vocabulaire des choses concrètes, c’est au français que l’on fait appel. En revanche, lorsque des idées ou des concepts nouveaux apparaissent, c’est plutôt à l’arabe classique, dit littéraire, de la presse que l’on fait l’emprunt : [iqtisad]= économie [mustaqbal] = avenir Pour la communauté marocaine, le substantif était l’élément le plus facilement empruntable : "Nouns are most easily borrowed, then the various other parts of speech, then suffixes, then inflections, then sounds"1 (Les noms sont plus facilement empruntés, puis les différentes autres parties du discours, puis les suffixes, puis les inflexions, puis les sons) traduit par nous. L’arabe dialectal marocain a emprunté certains verbes : accélérer, caler, copier, doubler, dribbler, échouer, entraîner, signer, sonder, etc. Ces verbes portent essentiellement sur le vocabulaire technique et sportif. Ils sont empruntés sous la forme verbale de l’arabe dialectal marocain : [m’trini] = entraîné, [m’gari] = garé, [m’lansi] = lancé, etc. Les adjectifs qui ont été empruntés relèvent du domaine de la couleur : beige, kaki… 1-Haugen, E., "The Analysis of Linguistic Borrowing, Language", Linguistic Society of America , Vol. 26, No. 2 (Apr. - Jun, 1950), pp. 210-231. 3 Il est à noter que l’arabe dialectal marocain n’a pas adopté le système morpho-syntaxique de la langue française : « Bien des items qui remplissent des vides sémantiques dans la langue d’accueil ne sont pas pour autant intégrés dans le système morpho-syntaxique de la langue d’accueil »1 L’auteur évoque l’exemple des termes médicaux (phosphocalcique, hyperphosphorémie). Ces emprunts lexicaux qui constituent notre corpus ont été classés sous forme de domaines différents : IV. les emprunts sous forme de domaines 1- Le vêtement Avant l’instauration du Protectorat, les marocains ne portaient que des habits traditionnels : « Aucun citadin ne se serait aventuré avant 1912 à porter autre chose que le vêtement traditionnel. Quelques-uns s’habillaient à l’européenne quand ils se rendaient à Manchester ou à Marseille mais l’idée ne leur serait pas venue de se vêtir de la sorte dans leur ville »2 Le mode de vie du marocain a subi une transformation qui a débuté par l’adaptation du vêtement : « La chose importante est l’adoption du vêtement européen, car de lui, dépendent les autres adaptations» 3 1 Les jeunes s’habillaient à l’européenne. En revanche, les personnes âgées ont toujours conservé le vêtement traditionnel. 1- VILLEME, L. , : « l’évolution de la vie citadine au Maroc », Cahiers de l’Afrique et de l’Asie I, 1950, pp. 53-107. 2- ibid., pp. 53-107 3- ibid., pp. 53-107 4 - Blouson - Blue-jean - Chapeau - Complet - Costume - Cravate - Daim - Manteau - Mouchoir - Peignoir - Sac - Sandale - Tablier - Tailleur... 2- La coiffure Dans la société marocaine traditionnelle, les hommes portaient toujours un turban blanc (rezza) ou bien un turban bordé de soie. Personne ne sortait tête découverte et la coiffure constitue le dernier élément du costume traditionnel. Les jeunes ont adopté la coupe de cheveux européenne qu’on nomme frisé, (frizi) en arabe : « La coupe de cheveux des jeunes gens à la mode européenne» 1 2 Quant aux femmes, elles mettaient plusieurs foulards sur la tête. On ne voyait jamais leurs cheveux. De nos jours, un grand nombre de salon de coiffure est installé dans les grandes villes et même dans les petits villages. Tout le lexique de la coiffure est désormais devenu courant chez les gens : 1-LE TOURNEAU, R. , La vie quotidienne à Fès en 1900, Paris, Hachette, 1965, pp. 251-253. 5 - Bigoudi - Casque - Chignon - Brillantine - Coiffeur - Coupe - Frisé - Mise en pli - Mode - Rouleau - Rasoir - Savon - Ciseaux - Shampooing ... 6 3- L’alimentation La cuisine marocaine traditionnelle compte principalement deux plats de résistance : le tajine et le couscous. La préparation de ces deux sur le bois (le couscous) ou sur le charbon de bois (le tagine). A partir de l’introduction des procédés culinaires français, la cuisine marocaine a connu une énorme modification. L’utilisation des recettes et des ingrédients nouveaux apparait. La femme marocaine a en effet emprunté certains plats français ainsi que des gâteaux et de fruits : - Ananas - Bière - Casse-croute - Cuisine - Dessert - Fourneau - Gâteau - Gigot - Hors-d’œuvre - Marché - Omelette - Restaurant - Sardine - Soupe - Vanille… 4- L’habitation Les maisons traditionnelles se décomposent en quatre ou cinq pièces rectangulaires entourant un patio central. Les éléments essentiels du mobilier se retrouvent dans presque toutes les maisons : nattes, tapis, coussins, des coffres en bois, etc. 7 Les marocains ne connaissaient pas du tout les meubles : « Il n’y a rien ou presque de ce que nous appelons des meubles, chaise, fauteuils, bureaux, armoires, tables, guéridons, étaient inconnus ou très peu connus, même chez les riches »1 Les marocains ont emprunté le lexique relatif aux meubles et au logement. Les dénominations françaises des rues et des quartiers ont également entrainé l’utilisation de l’emprunt: - Appartement - Ascenseur - Bassine - Cave - Concierge - Gazon - Jardin - Lavabo - Numéro - Placard - Robinet - Salon - Sommier - Vidéo - Tuyau… 1-LE TOURNEAU, R., ibid., pp. 251-253. 8 5- Le réseau routier Le transport des marchandises et des voyageurs à travers le Royaume s’effectuait par caravanes, chameaux, cheveux, mulet, ânes. Une infrastructure était indispensable pour assurer une meilleure exploitation des richesses du Maroc : « Pour la conquête et l’administration du pays ainsi que pour l’exploitation de ses richesse minières et agricoles, l’édification d’une infrastructure est nécessaires ».1 L’introduction de l’automobile a fait paraitre un nouveau lexique : - Accélérer - Accident - Automobile - Camion - Doubler - Essuie-glace - Frein à main - Pneu - Pompe - Réservoir - Signal - Stop - Vidange - Vignette - Volant… ADAM, A., Casablanca : Essai sur la transformation de la société marocaine au contact de l’Occident, Paris, édition uploads/Geographie/ les-emprunts-du-francais-en-adm-m35-4-converti.pdf

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