MAI 68 à VANNES A l'occasion du cinquantenaire de MAI 68, il était intéressant
MAI 68 à VANNES A l'occasion du cinquantenaire de MAI 68, il était intéressant de se pencher sur ce qui s'est réellement passé à Vannes lors de ce moment de contestation sociale majeure, s'il y a eu une spécificité et une touche locales de cet événement, d'identifier les acteurs, de sonder la « majorité silencieuse » et d'effectuer une comparaison avec la rivale lorientaise. Pour appréhender cette histoire socio-économique locale, il a fallu se plonger dans la lecture de la presse quotidienne régionale, dans les archives municipales et départementales et interroger de nombreux acteurs et témoins de ces événements . Afin que ce travail de recherche ne reste vain, faute d'éditeur, il m'a semblé utile de le partager avec d'autres contemporains. Des signes avant – coureurs : Dès le milieu des années 60, la Bretagne traverse des turbulences sociales et économiques qui préfigurent mai 68. A partir de 1964, plusieurs conflits sociaux secouent la Bretagne et particulièrement le Morbihan. Des entreprises phares morbihannaises connaissent de graves difficultés financières et sont menacées de fermeture : les forges d’Hennebont et l’entreprise LE MELINER à Languidic, notamment. De plus, l’exode rural qui affecte la Bretagne et le Morbihan en particulier, suscite de vives inquiétudes dans le monde agricole et rural. On parle de la « déportation des Bretons » en région parisienne. De larges couches de la population ont le sentiment que l’Etat les abandonne, que la Bretagne est menacée par le spectre de la désindustrialisation, que la jeunesse n’a pas d’avenir …Le climat social est lourd et l’exaspération enfle. Au travers de ces luttes socio-économiques, des rapprochements se nouent peu à peu entre le monde paysan et le monde ouvrier. Un slogan, souvent entendu lors des manifestations qui précèdent celles de Mai 68, illustre cette alliance : « nous nous battons pour l’avenir de notre région, travailleurs des champs et travailleurs des villes réunis». Cette solidarité interprofessionnelle se renforce au fil du temps et le 8 mai 1968, 100 000 personnes se mobilisent dans 16 villes pour la survie économique de l’Ouest. Quelques dates clefs de l’histoire sociale bretonne et morbihannaise : - 1964 – 1966, le conflit des forges d’Hennebont occupe le devant de la scène : la population fait bloc avec les élus et même le clergé. En dépit d’une très forte mobilisation, le ministre de l’industrie, Raymond MARCELLIN fermera les forges ; des compensations industrielles viendront cependant atténuer l’amertume : la SBFM,…. - Juillet-août 1964 : le conflit qui secoue l’entreprise LE MELINER de Languidic préfigure l’alliance ouvriers – paysans qui se concrétisera notamment le 8 mai 1968, par des rassemblements dans 9 départements de l’Ouest . Ces 2 exemples de luttes sociales illustrent les rapprochements s’esquissant entre le monde ouvrier et le monde paysan. - Samedi 4 juin 1966, à Vannes, : 10.000 manifestants (dont 2000 des forges d’Hennebont), à l’appel des Unions départementales des syndicats CFDT, CGT, FO et la FEN, se rassemblent pour dire que « le Morbihan est un département déshérité en voie de sous-développement ». - Le 29 octobre 1966, à Rennes, à l’initiative des Unions départementales CFDT, CGT, FO, des sections départementales de la FEN et des FDSEA des 4 départements bretons, 10.000 personnes manifestent pour « l’expansion économique de la Bretagne ». - Mercredi 17 mai 1967 : Grève contre les pouvoirs spéciaux (1500 défilent à Vannes contre les ordonnances et la réforme de la Sécurité sociale). Le gouvernement POMPIDOU a obtenu de l’Assemblée Nationale les pouvoirs spéciaux jusqu’au 31.10.1967 pour régler par ordonnances et décrets les questions économiques et sociales. - Les 26 juin et 2 octobre 1967 : 2 grands rassemblements paysans à Redon ( 10.00 et 12.000 manifestants) -En avril 1968 : à Vannes, plusieurs grèves interviennent dans le secteur du bâtiment pour de meilleurs salaires et une convention collective. °°°°°°°°°°°°°°°°° Vannes, dans les années 60, est une exception dans le paysage économique morbihannais. Elle échappe au marasme économique qui touche le département et connaît une envolée industrielle et une certaine prospérité économique. L’implantation de l’usine MICHELIN, en 1963, symbolise ce décollage économique. Assoupie et sourde au développement industriel jusque dans les années 50, la ville préfecture engage une mue économique, au début des années 60. C’est surtout en tant que ville préfecture que Vannes va s’illustrer durant la décennie 60 et plus particulièrement lors des événements de mai 68 en étant le théâtre de deux grandes manifestations (le 8 mai et le 28 mai) ; la préfecture est un lieu symbolique incontournable vers lequel convergent les mouvements protestataires recherchant une résonance nationale. Le préfet, représentant de l’Etat est l’interlocuteur privilégié à qui les instances syndicales remettent leurs motions et exposent les doléances de leurs affiliés. -1- Répétition générale : le mercredi 8 mai 68, 5000 manifestants dans les rues de Vannes en scandant : « L'Ouest veut vivre ». Le 6 novembre 1967, les organisations ouvrières et agricoles de l’Ouest se réunissent, à Nantes, à l’initiative de la Fédération régionale des exploitants agricoles de l’Ouest. Cette réunion a pour objectif de procéder à un échange de vue sur les points unissant les salariés et les paysans. Les participants signent une plateforme commune de revendications portant sur la défense de l’emploi, l’industrialisation et une économie au service des hommes. Le 8 mai 1968, dans seize villes de l’Ouest (Bretagne et Pays de Loire), des meetings et des manifestations sont organisés, à l’appel de la presque totalité des organisations syndicales, « pour la survie et le développement de l’Ouest». A cette époque, les forces vives de l’Ouest français éprouvent une vive inquiétude quant à l’avenir de leurs régions et un sentiment d’abandon de la part de l’Etat. Le slogan « Vivre et travailler au pays « symbolise cette lutte. --------------------- La préparation de la manifestation du 8 mai 68 : Les syndicats morbihannais CGT, CFDT et FEN se réunissent le 12 avril à la Bourse du travail à Vannes afin de préparer la « journée d’action régionale » du 8 mai « pour le plein emploi, la reconquête de la Sécurité Sociale, la garantie des ressources, la démocratisation et le développement de l’enseignement, le pouvoir d’achat ». Lors de cette réunion, les syndicats décident l’organisation de deux manifestations, à Vannes et à Lorient. Le syndicat Force Ouvrière ne s’associe pas à cette journée d’action régionale et recommande à ses adhérents de ne pas participer à la grève du 8 mai, estimant que « bien qu’il soit conscient de la carence de l’emploi dans la région, il est soucieux de ne pas faire perdre inutilement une journée de salaire à ses adhérents et aux travailleurs par une nouvelle manifestation dont l’efficacité est discutable ». Le conseil d’administration du CDJA se réunit à Vannes le 2 mai et affirme « sa solidarité avec avec les centrales syndicales ouvrières ». Il dénonce « l’exode rural affectant le département, le vieillissement de la population, les bas salaires et le chômage croissant dans les campagnes et les villes ». Les unions locales CFDT, CGT, FEN et FDSEA se réunissent le 3 mai afin de faire le point sur l’organisation de la journée d’action du 8 mai et se félicitent « de la prise de conscience des travailleurs des villes et des campagnes de l’ampleur du malaise économique et sociale frappant le Morbihan et la région ». Elles appellent « tous les travailleurs à manifester pour le développement économique et sociale du département, la garantie et la défense de l’emploi, la création d’emplois rémunérateurs, l’augmentation générale des salaires et des retraites, le développement de l’enseignement par une école ouverte à tous et la suppression des disparités régionales ». Les Unions départementales de Force Ouvrière et de la CGC ne se sont pas associées à cette journée du 8 mai 68. ………………………………………………. Le 8 mai, dès 9 heures, des autobus en provenance de Ploërmel, Auray, Questembert, Elven, Locminé, Saint-Jean-Brévelay,… déversent un flot de manifestants place de la République, lieu de rassemblement. Vers 10 heures, les manifestants, précédés des Normaliens (élèves instituteurs) qui se sont associés au mouvement en observant une grève de la faim par « solidarité totale avec les travailleurs paysans et enseignants, luttant pour la satisfaction de leurs revendications », gravissent la rue Thiers en direction de l’hôtel de ville où doit se dérouler le meeting. 5.000 personnes s’agglutinent sur cette place et dans les rues périphériques. Au sein de la foule, se côtoient des salariés, des agriculteurs et même des membres du clergé et quelques religieuses. Sur les marches de la mairie, un bureau est érigé où s’installent les responsables syndicaux : MM. ALLIOT et NOURRICIER (CFDT), LE FOL et LEAUTE (CGT), QUEVERDO (FEN), POSSEME (FDSEA) et LE CORNEC (CDJA). Les orateurs font le procès de la politique économique et sociale du gouvernement. M. QUEVERDO , secrétaire général de la FEN, est le premier orateur ; il dénonce « le sous-emploi qui contraint les morbihannais à s’expatrier » et précise que « cette émigration prive la Bretagne des forces vives et compromet gravement l’avenir ». Le président de la FDSEA ,M. POSSEME, lui succède uploads/Geographie/ mai-68-a-vannes.pdf
Documents similaires










-
28
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 03, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1514MB