METTRE FIN A LA TRAGEDIE DES BIENS LOINTAINS 1: changement climatique et stabil
METTRE FIN A LA TRAGEDIE DES BIENS LOINTAINS 1: changement climatique et stabilité financière Discours prononcé par Mark Carney Gouverneur de la Banque d'Angleterre Président du Conseil de stabilité financière Lloyd’s of London 29 septembre 2015 http://www.bankofengland.co.uk/publications/Pages/speeches/2015/844.aspx Traduction : Michel Lepetit (Président de Global Warning, co-fondateur de Beyond Ratings et Vice-Président de The Shift Project) avec l’appui de l’ORSE Corrections et suggestions, écrire à : michel.lepetit@beyond-ratings.com Je remercie Rhys Phillips et Iain de Weymarn de m'avoir aidé à préparer ces remarques, Ainsi que Michael Sheren, Clare Ashton, Matthew Scott et le professeur Myles Allen pour leurs commentaires. Je remercie le Lloyd's de m'avoir proposé d'intervenir ce soir à l'occasion du premier Dîner de la City, dans cette somptueuse « Room » éponyme. Le Lloyd's, ce sont les fondations du secteur de l'assurance au Royaume-Uni. Un secteur dont la contribution directe à l'économie britannique est impressionnante : 300 000 emplois bien rémunérés et l’équivalent de 25 milliards de livres sterling de PIB annuel. Sa contribution économique ne s’arrête pas là. Le secteur de l’assurance apporte son soutien aux foyers, aux entreprises et aux investisseurs, en les protégeant des risques auxquels ils ne pourraient faire face autrement. 1 NdT : Titre original : «Breaking the tragedy of the horizon» fait référence à « Tragedy of the commons », le phénomène économique de la tragédie des biens communs Tous les discours sont disponibles en ligne à l’adresse : www.bankofengland.co.uk/publications/Pages/speeches/default.aspx Il intervient aussi dans l'épargne et dans les investissements à long terme, en finançant des infrastructures essentielles à la productivité. Avec ses optiques et ses compétences uniques, le secteur de l’assurance participe à la diversification du système financier et en améliore la résistance. Depuis 1688, le Lloyd’s a, fidèle à la grande tradition de la City, servi le Royaume-Uni voire le monde entier, en assurant leur protection contre les périls de leur époque ; en aidant les entreprises et le commerce à prospérer. Depuis ses origines avec l’assurance maritime, le marché du Lloyd’s n’a cessé d’évoluer pour répondre aux besoins d’un monde en rapide évolution. La première réassurance en excédent de sinistres a vu le jour ici-même. L’assurance catastrophe moderne est née de votre décision d’aider les assurés après le séisme de San Francisco. Le Lloyd a également été pionnier en matière d’assurance aviation2. Le regard constamment fixé sur l’horizon, le Lloyd’s a toujours été un leader mondial de l’assurance. Aujourd’hui, vous assurez de nouvelles catégories de risques, dans de nouvelles régions du monde : de l’informatique au climat, du spatial à la monnaie, de Curitiba à Chengdu. Et vous faites cela dans les conditions de marché les plus difficiles de ces 20 dernières années. Le besoin de gérer les méga-risques émergents n’a jamais été aussi grand. Outre ces changements technologiques, démographiques et politiques majeurs, c’est le monde tout autour de nous qui est en train de changer. Les transformations de notre climat vont avoir des conséquences profondes sur les assureurs, la stabilité financière et l’économie. Ce soir, je vais principalement parler de ces risques dus au changement climatique. La tragédie des biens lointains Tout le monde s’accorde de plus en plus à dire que le changement climatique est sans équivoque3. De nombreux changements survenus au niveau mondial depuis les années 50 sont sans précédent : pas seulement sur des décennies, mais sur des millénaires. Les recherches nous prouvent, avec une confiance élevée, que : 2La première garantie d’aviation a été délivrée en 1911, suivie en 1919 par la création de l’Association britannique des assurances aériennes (la British Aviation Insurance Association). Cette entreprise a fermé en 1921 quand les assureurs ont conclu que « l’assurance aérienne ne semble pas avoir d’avenir immédiat… » www.lloyds.com/lloyds/about-us/history/innovation-and-unusual-risks/pioneers-of-travel. Tous les discours sont disponibles en ligne à l’adresse : www.bankofengland.co.uk/publications/Pages/speeches/default.aspx Dans l’hémisphère nord, les 30 dernières années ont été les plus chaudes depuis la période anglo-saxonne ; en effet, sur les dix années qui ont connu les plus hautes températures enregistrées au Royaume-Uni, huit d’entre elles sont postérieures à 20024 ; Les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre ont atteint des niveaux jamais vus depuis 800 000 ans ; et La vitesse d’élévation du niveau de la mer n’a jamais été aussi forte depuis ces 2 derniers millénaires5. Les preuves s’accumulent sur le rôle de l’homme dans le changement climatique. Il est extrêmement probable que le facteur humain soit la cause principale du réchauffement climatique depuis le milieu du 20 e siècle6. Même si la variabilité naturelle peut la masquer temporairement, la tendance sous-jacente permettant de dire que le réchauffement planétaire augmente de deux dixièmes de degré par décennie à cause de l’homme est toujours aussi manifeste depuis les années 707. Bien qu’il y ait toujours matière à désaccord scientifique lorsqu’il s’agit du réchauffement climatique (comme pour toute question scientifique), j’ai constaté que les assureurs faisaient partie des partisans les plus déterminés à y remédier le plus tôt possible. Et cela ne m’étonne pas. Alors que certains en étaient toujours à débattre de la théorie, vous, vous deviez gérer la réalité : Depuis les années 80, le nombre de sinistres causés par les intempéries a triplé ; et 3 Le montant des sinistres -corrigé de l’inflation- est, en moyenne, passé d’environ 10 milliards de dollars par an dans les années 80, à 50 milliards ces dernières années8. Les problèmes que représente auourd’hui le changement climatique sont sans commune mesure avec ceux qui pourraient se présenter à l’avenir. Les plus prévoyants d’entre vous anticipent des conséquences bien plus globales, sur la propriété, les migrations et la stabilité politique, la sécurité alimentaire ainsi que sur la sécurité de l’approvisionnement en eau.9 Mais alors, pourquoi n’essayons-nous pas davantage de remédier au problème ? Un problème classique en économie environnementale est la tragédie des biens communs. La solution repose dans les droits de propriété et dans la gestion de l’offre. 3Par exemple, le GIEC a déclaré : « Le réchauffement climatique est sans équivoque et, depuis les années 50, nombres des changements observés sont sans précédent depuis un millénaire ». Voir GIEC - Changement climatique 2014 : Rapport de synthèse. Contribution des groupes de travail I,II et III au cinquième Rapport d'évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (2014). 4Voir www.metoffice.gov.uk/news/releases/archive/2015/Record-UK-temps-2014. 5Voir GIEC (2014). 6Voir GIEC (2014) qui remarque que les effets des émissions de gaz à effet de serre anthropiques, ainsi que d'autres facteurs anthropiques, sont « très probablement la source principale du réchauffement (planétaire) constaté depuis le milieu du 20e siècle ». 7Voir, par exemple, Otto et al. (2015). 8Voir Munich Re, NatCatSERVICE (2015). 9 Le rapport intitulé : Risky Business – the economic risks of climate change in the United States (2014) laisse entendre qu'aux États-Unis, des propriétés du bord de mer, pour une valeur globale allant de 238 à 507 milliards de dollars, pourraient se retrouver immergées d'ici à 2100. Les travaux de recherche du Lloyd identifient le changement climatique comme une question importante de sécurité alimentaire quant à l'offre. Voir www.lloyds.com/~/media/lloyds/reports/emerging%20risk%20reports/food%20report.pdf. Cela correspond aux visions exprimées par les participants au marché du Lloyd interrogés par l’autorité de régulation prudentielle (PRA) dans le cadre de son rapport pour le ministère britannique de l'Environnement, de l'Alimentation et des Affaires rurales (Defra). Tous les discours sont disponibles en ligne à l’adresse : www.bankofengland.co.uk/publications/Pages/speeches/default.aspx Le changement climatique est la Tragédie des biens lointains. Nous n’avons pas besoin d’une armée d’actuaires pour nous dire qu’on constatera les impacts catastrophiques du changement climatique au-delà de l’horizon habituel de la plupart des acteurs - en imposant aux générations futures un coût que la génération actuelle n’est en rien directement incitée à assumer. Cela signifie qu’on les constatera au-delà : - Du cycle économique10 ; - Du cycle politique ; et - De l’horizon des autorités technocratiques telle que les banques centrales, qui sont contraintes par leur mandat. L’horizon de la politique monétaire s’étend au plus sur 2 ou 3 ans. Celui de la stabilité financière va au delà, mais, habituellement, tout au plus jusqu’aux limites maxima du cycle du crédit, soit environ dix ans11. En d’autres termes, une fois que la question du changement climatique sera devenue déterminante pour la stabilité financière, il pourrait bien être déjà trop tard. 4 Ce paradoxe est encore plus profond, comme cela a été largement démontré par Lord Stern et d’autres. Puisque les risques sont fonction du cumul des émissions, une action en amont signifie moins d’ajustements coûteux en aval12. La volonté de limiter le changement climatique à 2 degrés au-dessus des niveaux de la période préindustrielle13 conduit à la notion de « budget » carbone, une estimation de la quantité d’émissions que le monde peut « s’offrir ». Un tel budget, comme celui produit par le GIEC14, révèle les conséquences de l’inaction aujourd’hui, par rapport à la réponse sous forme de réaction qui s’imposera demain. 10Peu d’entreprises considèrent le changement climatique comme un risque urgent à court terme. Voir, par exemple, le sondage annuel de PWC auprès des dirigeants (www.pwc.com/gx/en/ceo-agenda/ceo-survey.html) et le rapport sur le risque systémique de la uploads/Geographie/ mettre-fin-a-la-tragedie-des-biens-lointains-changement-climatique-et-stabilite-financiere.pdf
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- Publié le Aoû 28, 2022
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