De beaux textes Objectif : Fournir une sélection de beaux textes qui pourront ê

De beaux textes Objectif : Fournir une sélection de beaux textes qui pourront être tout simplement lus pour le plaisir, ou bien reconstitués, mémorisés, mis en scène, etc. 1. Le petit garçon de la lune de Jacques Prévert (dialogue) 2. Chanson pour Anne-Marie en voyage de Jean Rousselot 3. La rivière d'Henri Bosco 4. Installation d'Alphonse Daudet 5. Nos arbres de Georges Duhamel 6. Le chêne et le roseau de Jean de la Fontaine 7. Le jardin mouillé d'Henri de Régnier 8. Le vent d'Émile Verhaeren 9. Sur le Chemin de Jean-Christophe Rufin 10. Savez-vous ce que c'est qu'un printemps de Madame de Sévigné 11. Un songe de Sully Prudhomme 12. En chemin d'Anatole France Jean-Luc Madoré – 24 mars 2015 Anthologie – De beaux textes Le petit garçon de la lune Laissez-moi m'endormir sans berceuse. Laissez-moi retourner sur la lune. Je reviendrai demain matin et même pour aller plus vite je prendrai un aérolithe. — Qu'est-ce que c'est ? — Des petits astres qui font taxi. » — Ça doit coûter des prix astronomiques ? — Non. C'est comme le téléférique qui roule sur la voie lactée ; on peut monter, descendre en marche, on ne paie jamais, ça, n'a pas de prix. — Mais on risque de se faire mal ? — Non là-bas, on rebondit ! Oh! laissez-moi m'en aller de la nuit. Laissez-moi retourner sur la lune. — Est-ce qu'elle chante aussi la lune ? — Non. Elle ne dit rien, elle réfléchit. — À quoi ? — À nous renvoyer la lumière du soleil. Plus elle réfléchit, plus elle brille ; cette lumière si gaie et si belle. — Bien sûr, tout ce qui brille est d'or. — Non, rien n'est en or et tout brille simplement. — Et ils ne font jamais la guerre ? — Ils ont autre chose à faire ; embellir la lune leur prend tout leur temps. Jacques Prévert « L'opéra de la lune » Jean-Luc Madoré – 24 mars 2015 Anthologie – De beaux textes Chanson pour Anne-Marie en voyage Une robe en astrakan Pour aller chez l'aga-khan, Une robe en romarin Pour se baigner dans le Rhin, Une robe en pied-de-poule Pour aller pêcher la moule. Un, deux, trois, j'entends venir Les archers sur l'autre rive ; Un, deux, trois, j'entends hennir Les chevaux noirs du khédive. Un bonnet cerclé de fer Pour s'en aller à la guerre, Un couteau de bandit corse Pour tailler bateaux d'écorces, Et de gros souliers à clous Pour aller jusqu'au Pérou. Un, deux, trois, j'entends sonner Les clairons et les trompettes ; Un, deux, trois, j'entends marcher Une armée de pâquerettes. Une trois mille chevaux Pour aller à Bolchevo, Un bateau chargé de billes Pour aller jusqu'à Manille, Un aéroplane aussi Pour aller au paradis. Un, deux, trois, j'entends chanter Tous les oiseaux de la plaine ; Un, deux, trois, j'entends pleurer L'eau de toutes les fontaines. Jean Rousselot Jean-Luc Madoré – 24 mars 2015 Anthologie – De beaux textes La rivière Seul, désœuvré, j'errais un peu dans la maison, et puis j'allais m'asseoir sous le figuier du puits. C'est là qu'un beau matin d'avril la tentation vint me trouver à l'improviste. Elle sut me parler. C'était une tentation de printemps, une des plus douces qui soient, je pense, pour qui est sensible au ciel pur, aux feuilles tendres et aux fleurs fraîchement écloses. C'est pourquoi j'y cédai. Je partis à travers les champs. Ah ! le cœur me battait ! Le printemps rayonnait dans toute sa splendeur. Et quand je poussai le portail donnant sur la prairie, mille parfums d'herbes, d'arbres, d'écorce fraîche me sautèrent au visage. Je courus sans me retourner jus­ qu'à un boqueteau. Des abeilles y dansaient. Tout l'air, où flottaient les pollens, vibrait du frémissement de leurs ailes. Plus loin, un verger d'amandiers n'était qu'une neige de fleurs où roucoulaient les premières palombes de l'année nouvelle. J'étais enivré. Les petits chemins m'attiraient sournoisement : « Viens ! Que t'importent quelques pas de plus ? Le premier tournant n'est pas loin. Tu t'arrêteras devant l'aubépine. » Ces appels me faisaient perdre la tête. Une fois lancé sur ces sentes qui serpentent entre deux haies chargées d'oiseaux et de baies bleues, pouvais-je m'arrêter ? Plus j'allais et plus j'étais pris par la puissance du chemin. À mesure que j'avançais, il devenait sauvage. Les cultures disparaissaient, le terrain se faisait plus gras, et çà et là poussaient de longues herbes grises ou de petits saules. L'air, par bouffées, sentait la vase humide. Tout à coup devant moi se leva une digue. C'était un haut remblai de terre couronné de peupliers. Je le gravis et je découvris la rivière. Elle était large et coulait vers l'Ouest : gonflées par la fonte des neiges, ses eaux puis­ santes descendaient en entraînant des arbres. Elles étaient lourdes et grises et parfois sans raison de grands tourbillons s'y formaient, qui engloutissaient une épave, arrachée en amont. Quand elles rencontraient un obstacle à leur course ; elles grondaient ; sur cinq cents mètres de largeur, leur masse énorme, d'un seul bloc, s'avançait vers la rive. Au milieu, un courant plus sauvage glissait, visible à une crête sombre qui tranchait le limon des eaux. Et il me parut si terrible que je frissonnai. Henri Bosco « L'enfant et la rivière » Jean-Luc Madoré – 24 mars 2015 Anthologie – De beaux textes Installation Ce sont les lapins qui ont été étonnés ! Depuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d'opérations stratégiques : le moulin de Jem­ mapes des lapins... La nuit de mon arrivée, il y en avait bien, sans mentir, une vingtaine as­ sis en rond sur la plate-forme, en train de se chauffer les pattes à un rayon de lune… Le temps d'entr'ouvrir une lucarne, frrt ! voilà le bivouac en déroute, et tous ces petits derrières blancs qui détalent, la queue en l'air, dans le fourré. J'espère bien qu'ils reviendront. Quelqu'un de très étonné aussi, en me voyant, c'est le locataire du premier, un vieux hibou sinistre, à tête de penseur, qui habite le moulin depuis plus de vingt ans. Je l'ai trouvé dans la chambre du haut, immobile et droit sur l'arbre de couche, au milieu des plâtras, des tuiles tombées. Il m'a regardé un moment avec son œil rond ; puis, tout effaré de ne pas me reconnaître, il s'est mis à faire: « Hou ! hou ! » et à secouer péniblement ses ailes grises de poussière – ces diables de penseurs ! ça ne se brosse jamais... N'importe ! tel qu'il est, avec ses yeux clignotants et sa mine renfrognée, ce locataire silencieux me plaît encore mieux qu'un autre, et je me suis empressé de lui renouveler son bail. Il garde comme dans le passé tout le haut du moulin avec une entrée par le toit ; moi je me réserve la pièce du bas, une petite pièce blanchie à la chaux, basse et voûtée comme un réfectoire de couvent. C'est de là que je vous écris, ma porte grande ouverte, au bon soleil. Un joli bois de pins tout étincelant de lumière dégringole devant moi jusqu'au bas de la côte. À l'horizon, les Alpilles découpent leurs crêtes fines... Pas de bruit... À peine, de loin en loin, un son de fifre, un courlis dans les lavandes, un grelot de mules sur la route... Tout ce beau paysage provençal ne vit que par la lumière. Et maintenant, comment voulez-vous que je le regrette, votre Paris bruyant et noir ? Je suis si bien dans mon moulin ! C'est si bien le coin que je cherchais, un petit coin parfumé et chaud, à mille lieues des journaux, des fiacres, du brouillard ! Alphonse Daudet « Lettres de mon moulin » Jean-Luc Madoré – 24 mars 2015 Anthologie – De beaux textes Nos arbres Quand la tempête arrive de l'ouest et passe sur notre jardin ; je me mets à la fenêtre pour surveiller nos arbres. Ils souffrent, ils résistent, ils m'inspirent de l'admiration. Ils ont une façon de rassembler parfois toutes leurs feuilles en paquet, pour fuir, sans changer de place. Il en est qui sont fragiles : les peupliers se défendent mal et, dans chaque tourbillon, je les vois perdre quelque branche. L'autre hiver, deux grands arbres ont été brisés par le vent. J'en ai senti de la pitié. Les moignons, que l'on n'a pas encore rognés, sont couverts cette année d'une frondaison exubérante. La sève cherche issue, carrière, dédommagement. Le grand sapin qui croît derrière notre maison, il a pris place dans mon inquiétude. Les jours d'ouragan, il se courbe jusqu'à baiser les murailles. Il a de mauvaises racines. S'il venait à se déchausser, il écraserait notre toit. Il nous faudra le faire abattre. J'y pense avec uploads/Geographie/ anthologie.pdf

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