Belgeo Revue belge de géographie 2 | 2014 Arpenter le monde Notes, Notation, Na

Belgeo Revue belge de géographie 2 | 2014 Arpenter le monde Notes, Notation, Narration : Le carnet de terrain comme « carto-ethnographie » Notes, Notation, Narrative: The fieldwork notebook as "carto-ethnography" Carole Lanoix Édition électronique URL : http://belgeo.revues.org/12862 DOI : 10.4000/belgeo.12862 ISSN : 2294-9135 Éditeur Société Royale Belge de Géographie Référence électronique Carole Lanoix, « Notes, Notation, Narration : Le carnet de terrain comme « carto-ethnographie » », Belgeo [En ligne], 2 | 2014, mis en ligne le 17 décembre 2014, consulté le 01 octobre 2016. URL : http:// belgeo.revues.org/12862 ; DOI : 10.4000/belgeo.12862 Ce document a été généré automatiquement le 1 octobre 2016. Belgeo est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International. Notes, Notation, Narration : Le carnet de terrain comme « carto-ethnographie » Notes, Notation, Narrative: The fieldwork notebook as "carto-ethnography" Carole Lanoix 1 Chercher à représenter l’espace public par la marche, c’est admettre que l’ensemble des déplacements à pied donne lieu à une nouvelle matérialité de l’espace urbain, jusqu’alors considéré intangible. Et si, la marche devenait l’une des conditions nécessaires, mais suffisantes pour qualifier et quantifier la publicité d’un espace ? Les interactions produiraient alors autant d’indices d’une commensurabilité à actionner dans l’élaboration de représentations cartographiques. Si cartographier n’est jamais une mince affaire, cartographier l’impalpable l’est d’autant plus. Sans données, seul l’œil saurait y prétendre. Fort des enseignements cartographiques venus d’avant, d’ailleurs et de l’art contemporain, issus du projet de recherche Cosmographies : sources et ressources pour la cartographie contemporaine1, la marche – et indissociablement le sujet doté de sens – reste le mode d’usage le plus courant et le dispositif de mesure le plus performant dans l’exploration du monde. Organisé bien souvent en terme d’itinéraires, ces recueils de traces sous la forme de cartes, de peintures ou de carnets de notes convoquent la mémoire et pérennisent sa transmission. Qu’elles soient narratives, scripturales ou initiatiques, ces représentations attestent de parcours réalisés lorsque le trajet prime sur les points de départ et d’arrivée, lorsque les expériences « en chemin » celles au fil de la progression traduisent une spatialité singulière (Ingold, 2011). 2 Le relevé de long court d’un observateur est une pratique consubstantielle d’une ethnographie du terrain qui se respecte. Si l’on n’en croit les préceptes et fondements de l’anthropologie, Marcel Mauss préconisait de tout noter de la façon la plus précise qui soit. Cela revenait, confusément, mais sûrement, à objectiver la réalité observée par un retour à « l’expérience d’observation », avant tout. Dans une anthropologie de l’ordinaire (Chauvier, 2011), la conversion du regard paraît aussi fondamentale que seule l’adoption d’une disposition particulière, de la spéculation et de l’imagination saurait résoudre. Le support à expérimentation désigné ici par le carnet de terrain est le dispositif qui traduit, Notes, Notation, Narration : Le carnet de terrain comme « carto-ethnographie » Belgeo, 2 | 2014 1 du moins informe, sur les potentialités des lieux parcourus. En faire l’expérience consiste à développer une démarche nécessairement empirique, détachée des tourments du positivisme pour une objectivité toute relative (Daston, Galison, 2012), où seules les possibilités offertes comptent, ouverte par un usage heuristique et inventif, autant dire expérimental. 3 À partir de carnets réalisés lors de différents « terrains » en Inde explorant la diversité des villes indiennes2, l’ambition de ces opérations exploratoires est avant tout de cartographier l’espace public des « villes-monde » par la marche, celle ordinaire des usagers urbains autant que celle ethnographique du chercheur. Un voyage nourri d’un imposant recueil d’altérités cartographiques va servir de ressources au travail de recherche nécessairement en cours. Deux temps seront nécessaires. L’un pour justifier les intentions de départ, l’autre pour expliciter le protocole expérimental à l’œuvre. Exercices tendant, même modestement, à résoudre quelques-uns des défis lancés à la cartographie contemporaine qui cherche à tout faire voir sans finalement rien montrer. Une lecture des apparences : questions de représentations 4 La question de traduction anime peut-être et à juste titre toute science telle qu’elle soit. Considérant la ville ou mieux l’habitat – au sens large – d’un milieu dit urbain, les sciences de la ville impliquent une traduction toute particulière, celle de l’espace en image, autant que la traduction de l’image en espace. La représentation semble indissociable et inhérente aux problématiques liées à la ville à en croire le géographe Antoine Bailly dans son ouvrage Représenter la ville. À la question « qu’est ce que la ville ? », il répond « une apparence » (Bailly, 1995, p.5). Bien plus, « chaque représentation particulière révèle une partie du sens de la ville, ou une forme particulière de rapport à la ville. C’est l’ensemble de ces représentations qui peut faire naître l’idée de ville » (Bailly, 1995, p. 6). 5 Si la ville se réduit à une apparence, alors quel sens faut-il donner à cette représentation ? En tant que « synthèse cognitive, obtenue par un processus de construction, à partir de l’action de la réalité sur nos sens (des acquis de la mémoire aux fantasmes) pour être ensuite projetée sur le réel » (Morin, 1992, pp.106-107), toute représentation questionne directement et (re)met véritablement en jeu notre lecture des apparences. En effet, parmi les productions humaines, la ville a ceci de particulier qu’elle ne doit rien à personne qu’aux humains. C’est un pur artefact, un artifice, dont les processus et mécanismes réciproques de perception et de projection témoignent d’une multitude de combinatoires pour former différentes « réalités » ou « visions » possibles. Le terrain pour voir : le carnet pris à témoin 6 « Savoir voir » aussi bien que d’appréhender au mieux ces « visions » est un travail digne d’une ethnographie sur le terrain. De quoi s’agit-il ? D’adhérer au plus près, et si possible au plus juste, à ce qui a été désigné comme « le terrain », pour décrire de façon à la fois descriptive et analytique, voire « proxémique » (Hall, 1978) l’organisation d’une société, ses mœurs et coutumes, ses usages et pratiques, mais également ses représentations, à l’aide d’observations directes, voire d’une participation de l’enquêteur. L’apprentissage Notes, Notation, Narration : Le carnet de terrain comme « carto-ethnographie » Belgeo, 2 | 2014 2 du « voir » s’obtient non moins sans effort. Il s’agit de percer le mystère de la vision, ou comme le propose l’historien Georges Didi-Huberman, de « regarder avec des mots » (2011) et parvenir à une écriture du visible. S’aventurer, s’installer, s’immerger… « Faire du terrain » est une manière de « faire corps » avec le territoire observé, le lieu élu, le site sous nos yeux, et révèle justement cette aptitude à confronter notre corps à la réalité de l’espace. Le terrain est ainsi à considérer comme un « espace vu du corps » (Volvey, 2003), dont l’observation in-situ est l’une des composantes-mère. Voir, mais également savoir livre l’espace par le corps dans une véritable lecture de ce qui nous entoure. Percevoir toutes les nuances, les différences de formes, leurs implications, n’est pas une évidence et il faut se résoudre à être attentif pour pouvoir appréhender tous ces aspects dans leurs complexités, sans réduire. De la richesse de la diversité, c’est également faire l’hypothèse que toute société s’est inscrite dans des formes spatialisantes qu’elle a construites et entreprendre de les donner à voir. 7 À la différence du carnet de voyage, le carnet de terrain est un recueil à visée scientifique, rarement destiné à être publié, mais plutôt à être interprété. C’est le média par excellence du chercheur qui participe à la construction d’un dispositif intellectuel particulièrement chez les géographes, anthropologues ou ethnologues. Il est le témoin du fameux « terrain », entendu à la fois comme fragments ou somme d’espaces étudiés par le chercheur et comme pratique empirique de collecte des données, précise Yann Calberac à juste titre (2001). Il est à la fois espace, méthode et échelle. Pourtant, le terrain est bien plus que cela. Il peut aussi être entendu comme « l’espace d’une pratique » selon Anne Volvey (2003) par la production d’un réseau, lorsqu’on rassemble des éléments hétérogènes dans la constitution d’un corpus. Ce réseau de connaissance est né d’un assemblage composite (dessins, notes, cartes, fragments, échantillons, etc.). Le terrain devient une pratique et crée son propre espace ; le chercheur s’incarne à son tour en « sujet-cherchant-avec-l’espace » (Volvey, Calbérac, Myriam Houssay-Holzschuch, 2012). Par comparaison, la carte crée elle aussi un nouvel espace sur la surface de la feuille, distinct mais analogue à l’espace qu’elle cherchait à représenter ; le cartographe s’assume lui tout autant en « auteur-écrivant-avec-sa-subjectivité » (Wood, 1987). Le voyage comme méthode : les règles à observer 8 Le terrain est nécessairement issu d’un voyage, d’un déplacement – au sens strict comme au figuré – de notre aptitude à se confronter à l’ailleurs et aux différentes altérités. Le voyage se fait en quelque sorte méthode. Il permet la mise à distance nécessaire pour observer, puis interpréter les indices de compréhension laissés dans les territoires et par la société rencontrée. Le voyage comme méthode est une manière de uploads/Geographie/ notes-notation-narration-le-carnet-de-terrain-comme-carto-ethnographie 1 .pdf

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