1 Neptunus, e.revue Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes

1 Neptunus, e.revue Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, vol. 20, 2014/2 www.cdmo.univ-nantes.fr LA PIRATERIE MARITIME DANS LE GOLFE DE GUINEE. Raphaël TIWANG WATIO* Messan LAWSON* Après le Golfe d’Aden1, c’est désormais le Golfe de Guinée qui fait le lit de l’insécurité maritime au large du continent africain. Sur le plan historique, le Golfe de Guinée correspond à l’ancienne « côte des esclaves » comprenant les littoraux des actuels Côte d’ivoire, Ghana, Bénin et Togo, ainsi que du delta du Niger2. Sur le plan institutionnel, le Golfe de Guinée est constitué de huit pays d’Afrique dont sept de l’Afrique Centrale que sont l’Angola, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Démocratique du Congo, Sao Tomé et Principe, et un de l’Afrique de l’Ouest à savoir le Nigéria. En effet, ces pays ont créé en 2001 à Libreville au Gabon, la Commission du Golfe de Guinée3, dont la mission est de faciliter les consultations pour la prévention et le règlement des conflits liés à la délimitation des frontières et à l’exploitation des ressources naturelles d’une part, et d’autre part de mettre en place un mécanisme permanent de gestion des problèmes communs liés à la sécurité maritime. Sur un plan géographique, il existe deux approches. La première est celle contenue dans le Rapport de la Mission d’évaluation des Nations Unies sur la piraterie dans le Golfe de Guinée, qui s’est effectuée du 7 au 24 Novembre 2011, d’après laquelle le Golfe de Guinée est la région géographique qui s’étend de la Guinée, au Nord-Ouest du continent africain, à l’Angola, au Centre- Sud du continent4. La seconde considère le Golfe de Guinée comme la façade côtière atlantique allant du Sénégal à l’Angola5. C’est cette dernière conception qu’il convient de retenir, compte tenu des développements récents en matière de coopération pour la sûreté et la sécurité maritimes entre les Etats membres de la * Avocat au Barreau du Cameroun, Etudiant en Master 2 Droit des espaces et des activités maritimes à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) – Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM), année académique 2013-2014. * Etudiant en Master 2 Droit des espaces et des activités maritimes à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) – Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM), année académique 2013 -2014. 1 Le Golfe d’Aden tire son nom de la ville yéménite d’Aden. C’est le nom donné à la baie située entre la corne de l’Afrique et la péninsule arabique : il sépare donc le continent africain du continent asiatique. Il permet de relier la mer rouge à l’océan indien, et la mer méditerranée à l’océan indien. Le Golfe d’Aden est souvent associé à la corne de l’Afrique qui correspond à une péninsule de l’Afrique de l’Est délimitée par la mer rouge au nord et la mer d’Arabie et l’océan indien à l’est. Cette région comprend quatre Etats : la Somalie, le Kenya, l’Ethiopie et Djibouti. V.http://www.devoir-de-philosophie.com/ dissertation-piraterie-dans-golfe-aden-217332.html 2 Rapport Afrique n°195 de l’International Crisis Groupe du 12 décembre 2012 intitulé « Le Golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque », page 2, note de bas de page 7. 3 Elle est entrée en activité en mars 2007. Son siège et son Secrétariat Exécutif sont installés à Luanda en Angola. 4 Page 12 du Rapport, paragraphe 32. 5 Rapport Afrique n°195 de l’International Crisis Groupe susvisé, page 2, note de bas de page 7. 2 Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC)6, les Etats membres de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)7 et les Etats membres de la Commission du Golfe de Guinée (CGG). Le Golfe de Guinée regorge de richesses naturelles énormes : c’est la première région pétrolifère d’Afrique sub-saharienne8 avec une capacité de production journalière de 5 millions de barils ; elle produit plus des ¾ du cacao consommé dans le monde9 ; elle dispose de plusieurs minerais tels que le diamant (30% des réserves mondiales), le cobalt (50% des réserves mondiales), le cotan (plus de ¾ de la production mondiale)10, etc. Malheureusement, l’exploitation de celles-ci est de plus en plus mise en péril par la piraterie. La piraterie maritime est un fléau antique11, et pour la petite histoire, Jules César lui-même a été fait prisonnier par des pirates en Mer Égée et a été libéré contre une rançon12. Le mot pirate vient du terme grec « peiratès » et du latin « pirata » qui signifie « celui qui tente la fortune »13. Dans le Golfe de Guinée, la piraterie est apparue à partir des années 1990, et connaît un essor particulier depuis 201014. La piraterie est définie par l’article 101 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer adoptée à Montego Bay le 10 Décembre 1982, comme : « …l’un quelconque des actes suivants : a) Tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par l’équipage ou des passagers d’un navire ou d’un aéronef privé, agissant à des fins privées, et dirigé : i) Contre un navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer ; ii) Contre un navire ou aéronef, des personnes ou des biens, dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat ; b) Tout acte de participation volontaire à l’utilisation d’un navire ou d’un aéronef, lorsque son auteur a connaissance de faits dont il découle que ce navire ou aéronef est un navire ou aéronef pirate ; c) Tout acte ayant pour but d’inciter à commettre les actes définis aux lettres a) ou b), ou commis dans l’intention de les faciliter. ». Au regard de cette définition, cinq critères de l’infraction de piraterie peuvent être dégagés : § la nature de l’acte : la commission, la participation, ou l’incitation à une violence, une détention ou une déprédation ; § la qualité des auteurs de l’acte : soit l’équipage ou les passagers d’un navire privé ; soit l’équipage ou les passagers d’un aéronef privé ; § la qualité des victimes : un navire ou un aéronef, des personnes ou des biens à bord d’un navire ou d’un aéronef ; 6 Le Traité instituant la CEEAC a été signé le 18 Octobre 1983 à Libreville au Gabon. La CCEAC regroupe l’Angola, le Burundi, le Cameroun, le Centrafrique, le Congo, la République Démocratique du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, Sao Tomé et Principe, le Tchad. 7 Son Traité constitutif a été signé le 28 Mai 1975 à Lagos au Nigéria. Elle comprend le Benin, le Burkina Faso, le Cap Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo. 8 V. Rapport Afrique n°195 de l’International Crisis Groupe susvisé, page 3. 9 Rapport de la mission d’évaluation des Nations Unies dans le Golfe de Guinée de Novembre 2011, page 12 paragraphe 33. 10 Journal « Cameroon Tribune » n°10370/6571 du mercredi 26 juin 2013, page 11. 11 V. wwww.histoiredumonde.net/pirate.html. 12 Patrick Mairé, La piraterie maritime, d’hier à aujourd’hui, in La piraterie maritime, Les Entretiens de Royan, Larcier, 2011, page 29. 13 Arnaud Montas, Droit Maritime, édition Vuibert 2012, Page 103. 14 Rapport de la mission d’évaluation des Nations Unies dans le Golfe de Guinée de Novembre 2011, page 3 paragraphe 5. 3 § la finalité de l’acte : à des fins privées ; § le lieu de commission de l’acte : en haute mer ou dans un lieu ne relevant d’aucune juridiction. Plusieurs actes illicites étant cependant commis dans la mer territoriale des Etats du Golfe de Guinée, le Bureau Maritime International (BMI) considère qu’il y a lieu de parler de piraterie que le navire soit « accosté, au mouillage ou en mer »15. En 2012, le Golfe de Guinée a enregistré 60 attaques pirates16. L’épicentre de la piraterie maritime est le Nigéria, qui connaît une insurrection dans le delta du Niger avec le Mouvement pour l’Emancipation du Niger (MEND). Les côtes camerounaises sont également fortement menacées par le phénomène, notamment par les actions des Bakassi Freedom Fighters. Le Benin fait également partie des pays les plus touchés dans le Golfe de Guinée17. Les manifestations de la piraterie sont diverses : vol de pétrole et de biens, enlèvement de personnes sur les plates-formes offshore et les navires commerciaux contre demandes de rançons. Les causes du phénomène sont variées : la pauvreté, les tensions socio-politiques et les revendications communautaires18. Selon le rapport de Novembre 2011 de la mission d’évaluation des Nations Unies sus évoqué, la piraterie fait perdre 2 milliards de dollars par an à la seule économie de la sous-région Afrique de l’Ouest19. Les conséquences néfastes du phénomène touchent aussi bien les Etats côtiers que les Etats sans littoral, lesquels dépendent tous du commerce maritime pour leurs exportations et importations. Au regard de tous ces constats, il y a lieu de se poser la question suivante : quels sont les moyens mis en œuvre dans le Golfe de Guinée pour uploads/Geographie/ piraterie-golfe-guine-e.pdf

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