P ourquoi y a-t-il 700 styles en karaté ? ans une précédente Chronique, je disa
P ourquoi y a-t-il 700 styles en karaté ? ans une précédente Chronique, je disais que l’on avait dénombré un peu plus de 700 styles dans le monde, dont 80 « officiels », reconnus par la « fédération (sportive) karaté de tout le Japon », et que dans ces styles, il en existait une dizaine dits Shōtō et cinq Gōjū, très différents. D Pourquoi cette prolifération stupéfiante de styles en karaté, alors que, par exemple, en jūdō, il n’y en a qu’un, y compris en Chine ? Réfléchissons. Pour qu’il y ait de nos jours 700 styles et plus, il ne doit pas être difficile de se douter qu’il se passe quelque chose dans le royaume du karaté. Et que le karaté sportif que nous connaissons n’est qu’une partie de l’iceberg. De même, comme je l’ai rappelé plusieurs fois, si le karaté traditionnel martial s’écrit avec les idéogrammes « main de Cathay », (ou de Chine si vous préférez, Cathay étant le nom antique tel que le rapporta Marco Polo qui, curieusement, ne fit jamais allusion à la « main de Cathay »), et si le karaté sportif, non traditionnel, populaire, que nous connaissons, qui a fait si belle carrière (près de 200 000 licenciés en France), s’écrit avec les idéogrammes « main vide », c’est qu’il s’est passé quelque chose d’important dans ce fameux karaté qui a pris une si grande part dans notre vie, dans ce karaté que nous aimons. Car, quel que soit le karaté, nous l’aimons tous, qu’il soit l’art du poing fermé, la « main vide », ou l’art de la main ouverte, la « main de Cathay » ou tōde, la « main des T’angs » (à Okinawa). Il serait même futile de mépriser ceux qui n’aiment pas le nôtre. Donc, un peu de sérénité et de recul. Quand même, est-il bien raisonnable de jouer encore sur la confusion du mot, du fait que les idéogrammes très différents, désignant des arts très différents, se prononcent tous deux « karaté ». Et de prétendre que le « karaté-main- vide » (sport-karaté) est aussi traditionnel que le « karaté-main-de- Cathay » (karaté authentique, ou traditionnel, si vous préférez). Ce serait une curieuse idée. Ne serait-ce que pour une question de date de création, le « karaté » martial chinois remontant au Vème siècle (le Shaolin a été fondé en 495), le « karaté » sportif datant des années 1957 (premiers championnats). Au moins, le full contact, la boxe thaï, qui auraient, dans ce cas, tout aussi bien droit au nom de karaté, ont eu l’honnêteté de ne pas le prendre. Sans en souffrir. Bon, c’est fait, et l’on n’est pas près d’en démordre. D’ailleurs, la confusion n’est peut-être pas une mauvaise chose, le karaté boxe pouvant être une porte d’accès au karaté martial traditionnel. À la condition, il est vrai, que l’on ne cesse pas la pratique à vingt-cinq ou trente ans … au moment précis où l’on peut entrer dans le fabuleux des domaines : le karaté martial traditionnel, la partie immergée de l’iceberg. Pourquoi tant de styles se rejoignent- ils finalement au sommet, si l’on y parvient ? Je ne vois rien de mieux que de vous conter une histoire de sagesse qui vient du plus profond de la tradition. Elle est susceptible de provoquer en vous une prise de conscience, comme elle le fit en moi, de manière plus efficace que les « dix étapes de la vache » qui me laissa perplexe dans ma jeunesse sans m’aider. Je n’étais pas prêt, sans doute, à en comprendre le symbolisme. L’éléphant dans le noir Il était une fois … dans une île paradisiaque, perdue dans un océan, un roi qui voulut faire une surprise à son peuple pour le jubilé de ses cinquante années de règne. Son premier ministre lui ayant appris qu’il existait sur le continent un animal fabuleux, nommé éléphant, espèce rare en voie d’extinction, ce bon roi décida d’en faire venir un à grands frais, et de le montrer en le présentant au peuple lors de la cérémonie. Ce qui fut fait. On amena l’éléphant dans une grande caisse, pour que personne ne puisse le voir avant la date du jubilé. Pour la même raison, on l’enferma dans le dōjō du roi, qui se trouvait dans un parc du château et qui était entouré de très hauts murs. Et on le confia à un cornac aveugle. Ainsi, personne ne saurait avant la date fixée ce qu’était un éléphant. Bien entendu, le peuple était intrigué au plus haut point, d’autant que l’on entendait parfois d’énormes barrissements, effrayants. Chacun y allait de sa vérité, selon des on-dits. « On m’a dit qu’un éléphant était la plus grande et plus monstrueuse créature de la terre », disaient certains. « Mais non, on m’a dit au contraire que c’était une magnifique créature », disaient d’autres ; « C’est un bête très pacifique » ; « C’est faux, dans une guerre, il dévaste tout » ; « Mais non, c’est un animal d’une grande sagesse, qui n’oublie jamais rien, qui n’écrase jamais rien lorsqu’il marche », etc. Dans le salon de thé, proche du dōjō où se trouvait l’éléphant, chaque soir, des buveurs se querellaient à propos de l’éléphant. Chacun défendait sa propre vérité. Un soir, un maître de sagesse qui les observait depuis quelques jours, avec un petit sourire amusé, leva la tête et dit : « Je sais comment vous pourriez savoir la vérité avant la date du jubilé ». « Hein ? Comment ? Dites-le nous, maître », s’exclama l’assistance d’une seule voix. « C’est très simple, dans l’immeuble d’à côté, se trouve l’hospice des aveugles, des hommes qui savent « voir » dans le noir avec leurs mains. Demandez aux plus habiles de se glisser dans l’enclos, une nuit sans lune, pour ne pas être arrêtés par les gardes, et au retour, ils vous diront la vérité ». « Quelle merveilleuse idée, comment n’y avions-nous pas pensé avant », s’exclama à nouveau d’une seule voix l’assistance toute excitée. Les aveugles, mis au courant du projet, furent flattés que l’on cessât de les considérer comme des sous- hommes. Ils désignèrent cinq des plus anciens et de plus habiles d’entre eux. Et c’est ainsi que, la nuit suivante, qui par chance était sans lune, prudemment, à la queue leu leu, cinq aveugles s’approchèrent en silence du mur d’enceinte, l’escaladèrent et entrèrent dans l’enclos de l’éléphant. On entendit des « incroyable ! », « stupéfiant ! », « quelle horreur ! », « jamais on n’aurait pu imaginer cela ! », « tout à fait étonnant ! ». Puis ils revinrent au salon de thé, gonflés d’orgueil parce qu’ils savaient et que les autres ignoraient. « Alors ? Quelle est la vérité ? Vite, dites-nous tout ». Les aveugles désignèrent le plus ancien : « Alors, dis-leur ! ». « Eh bien, dit l’ancien, un éléphant est rond et rugueux comme tronc d’un palmier ». Les autres aveugles furent stupéfaits. « Rond et rugueux, c’est vrai, mais énorme, comme une grosse barrique », ne put s’empêcher de s’exclamer le second aveugle. « Mais pas du tout, il est rond et long comme un tuyau, pour être plus précis, comme un serpent », affirma le troisième, qui ajouta, « il est même enroulé autour de mon bras, et j’ai eu très peur ». « C’est faux, absolument faux, s’indigna le troisième, c’est vrai qu’un éléphant ressemble à un serpent ou à un tuyau, mais mince et flexible comme un fouet, et avec une touffe de longs poils au bout, comme un chasse mouches ». « Je ne sais pas trop pourquoi vous mentez tous, dit le quatrième, nous nous devons de dire la vérité à ces braves gens, même horrible, car un éléphant est un animal diabolique et très dangereux, c’est une sorte de bête ronde avec une longue corne dessus, je le sais pour l’avoir longuement touchée ». Le cinquième aveugle rit et dit : « Bon, assez plaisanté, je vais leur dire la vérité. Un éléphant n’est pas ce que l’on vous a dit, il est plat, comme une raie ou comme une feuille de bananier, c’est ça, la vérité ! ». Et les cinq aveugles commencèrent à se disputer, puis à se battre. Les gens du salon de thé se divisèrent en groupes, chacun défendant l’un des aveugles … et sa vérité. Il y eu bientôt une bagarre générale, qui attira la garde ; la bataille fit rage, tant et si bien que ce bruit effraya l’éléphant, qui cassa le portail de l’enclos et s’enfuit dans la nuit noire … pour tomber de la falaise dans la mer, qui l’engloutit. Il n’y avait plus de possibilités de vérifier de visu la vérité. À dater de ce jour, dans cette île perdue dans les océans, il exista cinq groupes, avec un maître à sa tête, chacun affirmant être le seul à connaître la vérité. À la mort des maîtres, les disciples formèrent leurs propres uploads/Geographie/ pourquoi-y-a-t-il-700-styles-en-karate 1 .pdf
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- Publié le Jul 16, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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