17 Prologue Le Katanga, une mosaïque d’écosystèmes en mutation : une approche g
17 Prologue Le Katanga, une mosaïque d’écosystèmes en mutation : une approche globale François Malaisse*1 1. Une mosaïque d’écosystèmes naturels Souvent ressenti et présenté comme monotone du fait de la dominance d’une forêt claire, encore dénommée miombo, il est néanmoins possible de reconnaître bien d’autres formations végétales au Haut-Katanga (Figure 1). Nous dressons ici un bref inventaire des grands paysages qui y existaient il y a quelques siècles. Bogaert J., Colinet G. & Mahy G., 2018. Anthropisation des paysages katangais. Gembloux, Belgique : Presses Universitaires de Liège – Agronomie-Gembloux. Figure 1. Principales unités paysagères au Haut-Katanga (© F. Malaisse). Anthropisation des paysages katangais 18 1. Par son extension en région zambézienne (White, 1983 ; Campbell, 1996), son recou- vrement au Haut-Katanga, la forêt claire de type miombo humide s’impose comme l’écosystème le plus important (Figure 2). Il a fait l’objet de nombreuses études, tant botaniques (Meerts & Hasson, 2016), zoologiques, phytosociologiques (principa- lement Schmitz, 1963), qu’écologiques (plus d’une cinquantaine de travaux, dont Malaisse, 1978a), ou encore de géographie humaine. D’autres types de forêt claire ont encore été décrits, dont la forêt claire à Marquesia macroura et celle des pentes de collines qui relève de l’alliance du Xero-Brachystegion. La forêt claire de type miombo humide montre une strate arborée de première grandeur discontinue, surmontant éventuellement des petits arbres et arbustes ; une strate herbacée couvre le sol. La dénomination des miombo a fait l’objet d’une analyse détaillée qui a mis en évidence l’apport robuste fourni par les valeurs de la surface terrière (Malaisse et al., 2013). La figure 3 reprend le sigle qui a prévalu aux nombreux travaux réalisés dans le cadre du Laboratoire d’écologie de l’Université de Lubumbashi. Figure 2. Aspect d’une forêt claire de type miombo humide en début de pleine saison des pluies, fin décembre (environs de Kabiashia) (© F. Malaisse). Figure 3. Sigle des publications relatives à la forêt de type miombo humide réalisées par le Laboratoire d’écologie, Université de Lubumbashi (© F. Malaisse). 19 Prologue 2. Les formations herbacées arrivent en seconde position. Trois types majeurs y ont été reconnus, à savoir les savanes steppiques des cinq haut-plateaux katangais (Marungu, Kundelungu, Kibara, Biano et Manika), les savanes-steppiques cupro- cobalticoles et les savanes-steppiques périodiquement inondées de type dembo. 2.1. Cinq hauts plateaux se distinguent de l’ensemble du Haut-Katanga par leur altitude supérieure à 1 500 m et pouvant atteindre 2 400 m aux Marungu, par leur sol généralement pauvre, formé sur les sables de type Kalahari ou parfois dérivé de roches granitiques ou rhyolitiques, et par leur végétation largement constituée de savanes steppiques (Figure 4). Il s’agit des Marungu, au sud-ouest du lac Tanganyika et de quatre plateaux disposés en un vaste fer à cheval : les Kundelungu, les Kibara, les Biano et la Manika (Lisowski et al., 1971a). La végétation des hauts plateaux du Haut-Katanga a fait l’objet d’une prospection floristique approfondie (Lisowski et al., 1971b) et de quelques descriptions de leur végétation (De Dapper & Malaisse, 1979). 2.2. Les savanes steppiques qui s’observent sur les collines cupro-cobaltifères ont été étudiées en détail (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet, 1963 ; Brooks & Malaisse, 1985) et sont abordées par ailleurs dans cet ouvrage (voir chapitre 3). 2.3. Quant aux savanes steppiques périodiquement inondées, puis exondées, loca- lement connues sous le nom de dembo (dambo pour les auteurs anglo-saxons), elles restent globalement peu connues. Leur géomorphologie et hydrologie ont fait l’objet de diverses études (Boast, 1990 ; von der Heyden, 2004), mais celles traitant de leur végétation sont rares (Fanshawe, 1969 ; Malaisse, 1975). La figure 5 illustre un des aspects saisonniers. 3. Quatre types de forêts denses sempervirentes s’observent au Haut-Katanga. Les plus célèbres sont les forêts denses sèches, localement dénommées muhulu (Figure 6). Des avis divergents ont été émis concernant leur dynamique, climax régional (Schmitz, 1962) versus formation climacique locale (Malaisse, 1993). Leur écologie a été étudiée en détail (Malaisse, 1984 ; Malaisse,1985 ; Dikumbwa, 1990 ; Malaisse et al., 2000). Les forêts denses ripicoles, encore appelées mushitu, sont le deuxième Figure 4. Haut-plateau des Biano, alternance de savanes steppiques et de cordons for- estiers le long des cours d’eau (Malaisse, 1997). Anthropisation des paysages katangais 20 type ; elles étaient puissantes. Les forêts denses marécageuses des hauts plateaux constituent un troisième type ; elles sont méconnues. Enfin, des forêts denses se développent encore dans des ravins encaissés ; elles abritent notamment des plantes transgressives, localement très rares mais mieux connues dans la cuvette congolaise (Malaisse, obs. pers.). 4. Les milieux aquatiques possèdent eux aussi une diversité d’écosystèmes lacustres, fluviatiles ou encore de dépressions marécageuses permanentes, des étangs ou mares permanentes. Enfin, des mares temporaires existent localement, notamment dans les dembo du moyen plateau et les dilungu des hauts plateaux (Malaisse, 1975). Chacun de ces écosystèmes présente une biocénose propre, différente, induisant Figure 5. Aspect d’une savane steppique périodiquement inondée en saison des pluies précoces (dembo Kandale, environs de Kabiashia) (Malaisse, 1975). Figure 6. Forêt dense sèche (muhulu) de la Luiswishi, ambiance du sous-bois en saison sèche froide (juillet) (Malaisse, 1997). 21 Prologue des paysages particuliers : marais à papyrus (Cyperus papyrus) (Figure 7), mares à nénuphars (Nymphaea spp.), marais de pente à sphaignes et droséra (Drosera spp.), végétation encroû- tante à Podostémacées dans le lit de cours d’eau, prairies flottantes à azolla pennée (Azolla pinnata), cordon de roseaux (Phragmites mauritianus) pour n’en citer que quelques-uns. De nombreuses études ont été consacrées aux milieux aquatiques, permettant ainsi de bien les connaître. Ces études mettent en évidence l’existence de caractéristiques chimiques, physiques et biologiques fort contrastées au Katanga. En effet, les ambiances des bords des fleuves du Luapula et Lualaba sont bien différentes de celles des petits cours d’eaux dont les sources sont situées sur les hauts plateaux, ou encore des divers lacs. La docu- mentation portant sur les milieux aquatiques au Katanga est aujourd’hui particulièrement riche et diversifiée, suite à l’existence d’une vingtaine d’ouvrages édités par J. J. Symoens, dont sa transcendante étude relative à la minéralisation des eaux naturelles du Katanga (Symoens, 1968). Sont notamment disponibles, outre les données de la minéralisation (pH, résidu sec, teneur en oxygène dissous, C20, rapport Ca/Mg, teneur en Cl, etc.), des inventaires des Poissons, des Mollusques d’eau douce, des Éponges, des Odonates Zygoptères, des Trichoptères, des Rotifères, des Bacillariophycées, des Copépodes libres, des Hétéroptères aqua- tiques, des Thécamoebiens, des larves et nymphes de Coléoptères aquatiques et des Hépatiques et Anthocérotées. La figure 8 illustre, à titre exemplatif, une synthèse de cette connaissance pour une dépression marécageuse. Enfin, il convient encore de signaler plusieurs études de la végétation de petits bassins hydrographiques et de mares locales. Une documentation aussi riche n’existe pour aucun autre territoire de la République Démocratique du Congo. 5. Les milieux salins méritent encore notre attention. L’existence au Haut-Katanga de salines est bien connue et le commerce du sel est signalé dans les premiers écrits publiés. Cet aspect est développé plus loin. 6. De nombreux écosystèmes mineurs pourraient encore être énumérés. Nous nous bornons à signaler que les termitières constituent un sous-écosystème qui mérite sa propre étude. Leur nature, densité, forme, utilisation dans les environs de Lubumbashi ont fait l’objet d’études nombreuses et détaillées (Malaisse, 1978b ; Aloni et al., 1981 ; Malaisse, 1985 ; Mujinya et al., 2014 ; Erens et al., 2015 ; entre autres) qu’il convient de consulter pour plus de détails. Figure 7. Marais à papyrus (Cyperus papyrus) (Malaisse, 1997). Anthropisation des paysages katangais 22 2. Le mode de vie traditionnel au Katanga La cueillette, la chasse et la pêche sont considérées comme les premiers modes de subsistance de l’espèce humaine. Les individus des sociétés qui s’y livraient sont sou- vent dénommés « chasseurs-cueilleurs ». Ils prélevaient leurs ressources directement dans la nature environnante, à laquelle ils s’étaient adaptés et dans laquelle ils ne prélevaient que ce dont ils avaient besoin. Les populations du Katanga vivaient selon ce style et n’étaient pas contraintes de se livrer à l’agriculture et/ou l’élevage, même si certains de leurs comportements facilitaient l’accès et la récolte de leurs ressources. C’est notamment le cas du transport de branches chargées de jeunes chenilles comes- tibles et leur installation sur un arbre de la même espèce à proximité de leur case, une pratique toujours d’actualité au Katanga. Ces populations, au-delà de leur alimentation, avaient encore élargi et diversifié leur connaissance du milieu, un savoir ethno-écologique remarquable (Malaisse, 1979 ; Malaisse, 2001). à titre d’exemples, nous citerons le recours aux plantes médicinales et à certaines plantes ichtyotoxiques (c’est-à-dire toxiques pour les poissons) pour la pratique de la pêche, l’acquisition d’une technique métallurgique dite « précoloniale » – en l’occurrence celle du cuivre au Katanga – et une bonne connaissance de la sai- sonnalité (Malaisse, 1997). Il a d’ailleurs été mis en évidence que, progressivement, certaines plantes ont été localement domestiquées, impliquant une forme d’horticul- ture et d’économie mixte naissante préalable à une intensification agricole (Greaves & Kramer, 2014). Nous discuterons ci-après la connaissance et l’usage indigènes du miombo, un thème abordé par de nombreux auteurs (Richards, 1939 ; Lawton, 1982 ; Malaisse, 2010). uploads/Geographie/ prologue-paysage-katangais-couleur-min.pdf
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- Publié le Nov 29, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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