1 LE CHANGEMENT CLIMATIQUE * * * Jean‐Loup PUGET, Délégué de la section des sci
1 LE CHANGEMENT CLIMATIQUE * * * Jean‐Loup PUGET, Délégué de la section des sciences de l’univers, Rapporteur René BLANCHET, Président du groupe « Climat » du Comité de l’environnement, Rapporteur Jean SALENÇON, Président de l’Académie des sciences Alain CARPENTIER, Vice‐président de l’Académie des sciences Coordination éditoriale : Jean‐Yves CHAPRON Le présent rapport est une synthèse des interventions et discussions prononcées lors du débat sur le climat le 20 septembre 2010 à l’Académie des sciences, des contributions écrites qui l’ont précédé et des nombreux échanges et commentaires qui l’ont suivi. 26 octobre 2010 2 Académie des sciences Le changement climatique 26 octobre 2010 Depuis des millénaires, le climat de la Terre varie selon les époques et les lieux. Les changements observés s’étalent généralement sur des longues périodes qui atténuent la perception que l’homme peut en avoir à un moment donné. Au cours des dernières décennies cependant, les changements climatiques semblent s’être accélérés. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le public s’interroge sur la réalité de ces changements, leurs causes, leur devenir et, plus encore, leurs conséquences immédiates et lointaines sur les modes de vie, la santé, les écosystèmes et l’économie. À ces questions, la Science peut tenter d’apporter des réponses autorisées, même si elles ne sont que partielles ou temporaires, dès lors qu’elles sont guidées par le souci d’objectivité qui doit présider à toute démarche scientifique. C’est dans ce contexte que la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche s’est tournée vers l’Académie des sciences pour qu’elle organise un débat scientifique, afin de faire le point des connaissances actuelles sur ce sujet. Le débat, ouvert à quelque 120 scientifiques français ou étrangers, dont des spécialistes extérieurs à l’Académie, a été organisé sous forme de contributions écrites suivies d’un débat oral qui a eu lieu le 20 septembre 2010. La diversité des disciplines représentées – mathématiques, physique, mécanique, sciences de l’univers, chimie, biologie et sciences médicales – reflète la complexité du sujet et la volonté de l’Académie de placer cette manifestation sous le signe de l’interdisciplinarité. Le débat, très riche et de haute tenue scientifique a porté sur les méthodes de prévisions climatiques ; il a permis de confronter les différents points de vue, de dégager des points de convergence et d’identifier les divergences et incertitudes qui persistent. Il est le point de départ d’une réflexion qui sera prolongée ultérieurement. Malgré les nouveaux outils d’investigations dont on dispose aujourd’hui et malgré le volume considérable de données accumulées ces vingt dernières années, il faut souligner que la Science ne peut répondre à tout, qu’elle procède par étapes et qu’elle ne peut fournir à un moment donné que l’interprétation de faits avérés et des prévisions. 3 1. IMPORTANCE DES OBSERVATIONS POUR L’HISTOIRE RÉCENTE L’analyse de l’évolution du climat impose de disposer d’observations globales de toutes les composantes du système climatique (atmosphère, océans, terres émergées et glaces), sur de longues périodes. C’est seulement depuis le milieu des années 1970 que les programmes d’observations par satellites, complétés par des systèmes d’observation in situ, permettent d’obtenir des ensembles de données climatiques échantillonnées régulièrement dans l’espace et le temps. Pour les décennies antérieures, les données, plus partielles, font l’objet de retraitements dans le cadre d’une coordination internationale pour les rendre homogènes en tenant compte des changements d’instrumentation ou d’environnement immédiat. La libre mise à disposition des données est une recommandation unanime, même si la forme qu’elle doit prendre est débattue. La majorité des chercheurs, en climatologie comme dans d’autres disciplines des sciences de l’univers, recommande la distribution des données après que les spécialistes les ont étalonnées et en ont retiré les effets instrumentaux ou d’environnement. Certains demandent aussi la mise à disposition des données brutes. De l’ensemble des données, on peut dégager les indicateurs du changement climatique, les facteurs de son évolution et les éléments permettant de fonder l’étude des climats du passé. 1.1. LES INDICATEURS DE L’ÉVOLUTION CLIMATIQUE 1. L’augmentation de la température de surface sur la Terre est de 0,8 ± 0,2 °C depuis 18701. Elle reste notablement différente pour les deux hémisphères : plus forte au Nord et plus forte aux hautes latitudes. Une variabilité entre continents est également observée. Enfin, une forte modulation sur des périodes annuelles et multidécennales est également constatée, avec deux périodes de plus forte augmentation (approximativement de 1910 à 1940 et de 1975 à 2000) encadrées par des périodes de stagnation ou de décroissance. Les variations climatiques naturelles (El Niño, éruptions volcaniques, Oscillation Nord‐Atlantique) y sont visibles. 2. La température des océans, mesurée depuis les années 1950 par les bateaux de commerce ou les navires océanographiques (jusque vers 700 m de profondeur) et plus récemment par le système de bouées profilantes Argo, montre une augmentation moyenne globale depuis quelques décennies. Le contenu d’énergie thermique de l’océan a donc aussi augmenté, surtout depuis le début des années 1980. Ce réchauffement n’est 1 Augmentation, lissée dans le temps, de la température moyenne sur la surface de la Terre. 4 pas uniforme. Il présente une importante variabilité régionale avec d’importantes oscillations pluriannuelles, voire décennales. 3. La réduction de la surface des glaces océaniques arctiques. La banquise, dont la fonte ne contribue pas à l’élévation du niveau des océans, est un autre indicateur fort de l’accélération de l’évolution du climat : de 8,5 millions de km2 stable dans la période 1950‐1975, la surface des glaces de mer a connu une décroissance très rapide jusqu’à 5,5 millions de km2 en 2010. 4. Le recul des glaciers continentaux est observé de façon quasi généralisée depuis 3 à 4 décennies, avec une nette augmentation au cours des 20 dernières années. 5. Les calottes polaires de l’Antarctique et du Groenland ont un bilan total de masse négatif depuis une dizaine d’années. Si quelques régions élevées de l’intérieur des calottes, en particulier Antarctique, s’épaississent un peu par suite de précipitations neigeuses accrues, la perte de masse domine. Celle‐ci s’effectue dans les zones côtières du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest par écoulement très rapide de certains glaciers vers l’océan et décharge d’icebergs. On pense que le réchauffement des eaux océaniques dans ces régions est la cause majeure des instabilités dynamiques observées. 6. Le niveau moyen des océans est un autre indicateur qui intègre les effets de plusieurs composantes du système climatique (océan, glaces continentales, eaux continentales). Avant 1992, le niveau de la mer était mesuré par des marégraphes le long des côtes continentales et de quelques îles : le niveau des océans, en moyenne annuelle sur toute la planète, s’est élevé à un rythme de 0,7 mm/an entre 1870 et 1930 et d’environ 1,7 mm/an après 1930. Depuis 1992, les mesures sont effectuées par satellites : la hausse du niveau moyen global de la mer est de l’ordre de 3,4 mm/an. À cette élévation moyenne se superposent des oscillations pluriannuelle, liées à la variabilité naturelle du système climatique. Depuis le début des années 1990, les contributions climatiques à cette élévation sont approximativement dues, pour un tiers à la dilatation de l’océan consécutive au réchauffement et, pour les deux autres tiers, aux glaces continentales ‐ à parts quasi égales, fonte des calottes polaires du Groenland et de l’Antarctique d’une part, et fonte des glaciers continentaux d’autre part. 7. Les indicateurs biologiques, tels que les déplacements de populations animales terrestres ou marines et l’évolution des dates d’activités agricoles saisonnières, montrent aussi la survenue d’un réchauffement climatique. Bien que difficiles à quantifier, ces éléments sont importants et ont des 5 conséquences dans de nombreux domaines d’activités professionnelles où ils sont largement pris en compte. En résumé, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, plusieurs indicateurs indépendants montrent sans ambiguïté un réchauffement climatique, post‐Petit âge glaciaire2, modulé dans le temps, avec une augmentation de 1975 à 2003. 1‐2. LES FACTEURS D’ÉVOLUTION DU CLIMAT On observe l’évolution de certains des facteurs susceptibles d’avoir un effet plus ou moins important sur l’équilibre du climat. 1. L’augmentation des concentrations atmosphériques des gaz à effet de serre, autres que la vapeur d’eau qui se recycle rapidement et en permanence, est un élément très important, qui doit être observé avec précision sur plusieurs décennies pour donner lieu à une interprétation fiable. Le dioxyde de carbone (CO2) : sa concentration augmente continûment depuis le milieu du XIXe siècle, en raison principalement des activités industrielles, passant de 280 ppm vers 1870 à 388 ppm en 2009. Le taux de croissance mesuré depuis 1970 est environ 500 fois plus élevé que celui observé en moyenne sur les 5 000 dernières années. Les études isotopiques montrent que l’origine de cette augmentation est due pour plus de la moitié à la combustion des combustibles fossiles, le reste aux déboisements massifs et pour une faible part à la production de ciment. Le méthane (CH4) : dû notamment aux fermentations diverses (zones humides, ruminants, déchets domestiques, biomasse, …), aux fuites de gaz naturels et à la fonte du pergélisol, sa concentration s’est accrue de 140 % sur la même période. Elle semble cependant stabilisée depuis 2000. Le protoxyde d’azote (N2O) : dû en grande partie aux activités agricoles (dont la biodégradation uploads/Geographie/ rapport-sur-le-changement-climatique-realise-par-l-x27-academie-des-sciences-commande-par-valerie-pecresse.pdf
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