Chapitre 1 À l'Est de Madagascar, le relief structure les paysages Serpantié G.
Chapitre 1 À l'Est de Madagascar, le relief structure les paysages Serpantié G., Toillier A. & Carrière S. Résumé: La déforestation des forêts de l'Est et leur richesse en espèces endémiques en font un " hot spot" de biodiversité. La morphologie en couloirs des derniers massifs forestiers renvoie à différentes hypothèses explicatives. Ils sont décrits comme les résidus de " fronts de déforestation ". Pourtant, un lien marqué entre ces reliques et la " zone de la falaise" apparaît à l'évidence, questionnant le lien entre paysage et géographie physique. La démarche adoptée étudie dans le cas du couloir Ranomafana-Andringitra la distribution des variables physiques primaires (géologie, relief, morphologie) à deux échelles (régionale et locale), puis la confronte au paysage régional ou local. A l'échelle régionale, le grand escarpement dont la pente n'est pas toujours raide est le principal organisateur des lisières du massif forestier, y compris de la frange ouest, qui apparaît à distance régulière de l'escarpement et a proximité de la ligne de partage des eaux. On retrouve sur la plupart des escarpements de l'Est malgache des reliques forestières dans la même position. Le paysage du couloir se structure alors en deux bandes: à l'Ouest, une mosaïque de forêts naturelles basses, de formations secondaires, de fourrés, de zones agricoles centrées sur les bas-fonds autour de quelques hameaux épars. A l'Est et sur le haut de l'escarpement (> 800 ml, une bande quasi déserte sans bas-fonds, couverte de forêts naturelles hautes et secondaires soumises à la cueillette (miel, bambous, bois). Les mesures de gestion de l'espace forestier et plus généralement du territoire régional devraient prendre en compte ce rôle structurant du relief car les enjeux mais aussi les difficultés de la conservation seront eux mêmes immanquablement structurés par ces variations physiques. Mots clé : Forêts, Est Madagascar, relief, géomorphologie, paysage Ce chapitre se propose d'expliciter la répartition sous forme de couloirs des forêts de l'Est malgache. La géographie physique est le facteur-clé de la répartition des formations végétales naturelles, donc des ressources qui y sont liées, à toutes les échelles d'observation (Gaussen, 1988). Mais les actions de l'homme depuis les âges préhistoriques ont modifié le couvert végétal et changé sa répartition: savanisé des forêts (Razanaka et el., 2001), converti des forêts naturelles en agro-forêts et en plantations industrielles (Michon et el., 2003), ou remplacé la forêt humide malgache par des formations secondaires de diverses physionomies (Humbert, 1927 ; Green & Sussman, 1990). Le paysage végétal est donc la résultante de deux influences. Quelle est l'importance relative des variables physiques et des variables humaines dans la structuration des paysages? Dans certains cas, telles les variations de densité de population dans les savanes d'Afrique de l'Ouest, qui jouent directement sur lepaysage végétal (savanes ou parcs arborés agricoles), les variables physiques ont joué un rôle structurant mineur par rapport aux faits politiques: " ...espaces inexploités et surfaces épuisées cohabitent, les foyers démographiques étant le résultat de choix humains et d'avatars historiques, largement indifférents, du moins à leur origine, à la valeur ou à la médiocrité des ressources naturelles" (Pélissier, 1978). Mais elles acquièrent un rôle plus structurant aujourd'hui dans le cadre de l'agriculture paysanne cotonnière qui tend à concentrer les populations dans les vallées aux sols plus recherchés pour cette activité (Serpantié, 2003). L'importance structurante du facteur physique dépend de l'échelle considérée, des lieux et des temps. Ce sera aussi le cas pour les dynamiques forestières. Celles-ci, résultant du bilan entre destruction et création (par régénération, progression ou reconstruction), impliquent à la fois l'homme et les conditions physiques. Dans le contexte malgache, après deux millénaires d'évolution régressive du couvert végétal naturel en présence de l'homme (Humbert, op.cit. ; Burney, 1997), la morphologie et la situation des massifs 17 Dynamiques environnementales entre forêt et agriculture forestiers naturels relictuels telles que nous les décrivent les premières cartes forestières disponibles, sont particulières. Elles prennent la forme de couloirs quasi-parallèles aux côtes (Grandidier, 1875 ; Sibree, 1880) (Figure 1). En fin du 20éme siècle, l'organisation générale des forêts naturelles est restée globalement la même (Figure 2). C'est le cas du corridor Ranomafana-Andringitra, qui sépare Betsileo et Tanala. Une autre bande forestière, disparue depuis, faisait frontière entre Tanala et peuples côtiers. Quand on ne présente qu'une carte forestière (Figure 2), sans autre élément d'appréciation que les groupes humains, et sachant l'importance de la déforestation d'origine agro-pastorale, on pourrait privilégier une cause politique à cette situation: les couloirs représenteraient des résidus de milieux naturels à la frontière entre deux peuples agricoles, dont la distribution donnerait sa forme au massif. i r 1 \ ) - - rr - Ma nakara _ ~I 1 - ! 1 1 c, "J( • . / /~o ~*'7f / \ 1 J , Ok... _.~~_ ._ _f / Ambohimahasoa t ~ ~ --[1 Arnbatavao ,ru / 1 t,.ohibe " r'-: ,:E 1'-1~' - ""-'1~ '. v ~ .... - --- - Figure 1. Carte forestière ancienne (Sibree, 1880) Figure 2. Couloir forestier. et lambeaux de " forêts denses ''. aire protégées, fenêtre de la scène SPOT (Source: carte IEFN 1/200000; DEF, 1994) Mais d'autres hypothèses s'imposent, car le caractère" régulier" et parallèle aux côtes des lisières forestières est peu compatible avec un simple phénomène politique. N'y a t-il pas là un lien étroit avec des variations de milieu physique? La persistance de ces forêts pourrait trouver son origine dans une interaction homme-nature où le champ des variables physiques a joué un rôle particulièrement modérateur des pratiques destructrices ou de leur impact, et donc particulièrement structurant de la géographie régionale. Le milieu physique a-t-il été, est-il encore une des variables fondamentales de la relation homme / forêts dans le contexte des couloirs malgaches, une des inconnues de" l'équation de la conservation "? 18 A l'Est de Madagascar, le relief structure les paysages Méthode Afin de chercher de tels liens, la première étape de la démarche vise la spatialisation des facteurs physiques. Ces données sont restituées dans un SIG. Elles sont ensuite mises en relation avec les paysages et leurs caractérisation écologique et humaine (types de couverts, peuplement). Les données physiques régionales ont été recherchées et complétées par des mesures et reconnaissances complémentaires. Il s'agit de données physiques primaires, à savoir la position géographique, la géologie, la topographie et la morphologie. Nous aborderons le climat et les sols dans une approche explicative des relations rencontrées entre milieu physique et forêts, dans le chapitre suivant. La méthode d'étude du couvert actuel repose sur une cartographie assistée par télédétection- avec reconnaissances de terrain, dont la méthode de traitement est synthétisée au chap. 4. La méthode de calcul des densités de peuplement à deux dates (1936, 1993) est donnée chap. 5. Deux échelles d'analyse sont requises, régionale, et locale. A l'échelle régionale, les couverts végétaux- sont cartographiés et confrontés à la topographie, grâce au SIG mis en œuvre sous Mapinfo ©. A l'échelle locale, un transect d'un petit segment du corridor a fait l'objet d'une cartographie écologique, morphologique et d'un MNT, à partir d'une exploitation plus fine et plus spécialisée des données de télédétection et des cartes disponibles au 1/50000, et d'une reconnaissance de terrain sur un transect complet. Résultats Lesdifférentes variables physiques primaires sont la position sur le globe terrestre, la géologie, le relief, et la morphologie. Pour une meilleure compréhension des résultats, la spatialisation de la variable considérée sera suivie de l'analyse de ses liens avec le paysage. Position géographique L'allongement de l'île malgache, son orientation nord sud, sa côte est rectiligne, sa posrtion intertropicale la confrontent en entier à l'alizé de l'Océan Indien, et, en été, à la convergence intertropicale. Elle détermine dans la partie est un climat tropical humide, et une série de végétation se rattachant au type c1imacique de forêt, qui se décline en fonction de l'altitude: moyenne altitude (800-1300 rn) et basse altitude (0-800 rn) (White, 1986). Malgré cette humidité et le climax forestier, les espaces de basse altitude sont à dominante de formations herbacées près des côtes, arbustives loin des côtes, et forestières au niveau de la falaise. C'est aussi le cas des Hautes Terres: d'Ouest en Estse succèdent des savanes et pseudo-steppes, des petits massifs de forêt en altitude, fourrés et forêt à partir de la ligne faîtière, forêt continue en bordure de falaise. A l'échelle continentale, le lien du paysage biologique au milieu physique est clair. 1/ en est de même de la population: dense sur les côtes, peu dense en arrière pays côtier, dense sur les Hautes terres. Globalement, les fortes densités correspondentaux·milieux herbacés, les faibles à la forêt. Substrat géologique régional Selon les différents auteurs des cartes géologiques de la région du couloir étudié (feuilles au 1/100000 053-054-P43-P54), Boulanger et al. (1957), Chantraine (1967, 1968)" Besairie (1973), la région 5 image SPOTS, mars 2004, copyright CNES 2004, distribution Spot Image S.A. programme ISIS . 6 la carte représentant les types de couverts végétaux est une représentation en trois classes: couverts boisés naturels (végétation spontanée arborée dense à moyennement dense de plus de 6 rn) ; couverts boisés artificiels (végétation plantée) ; couverts non boisés (sols nus, couverts uploads/Geographie/ relief-est.pdf
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- Publié le Fev 28, 2022
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