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EDITO PROSPECTIVE AFRICAINE La Lettre Prospective africaine · La lettre · Informations et analyses du continent africain Rêve éveillé ou avenir souhaité, telle est la question Prospective Africaine aborde son numéro 1. Notre lettre s’est donnée pour ambition de participer d’abord à la production de cette information vitale qui fonde l’acte de décider, loin des ragots et autres désinformations qui rendent le monde médiatique souvent très dif férent du monde réel. Décider, c’est tracer une voie pour un avenir choisi, puis s’astreindre à le rendre réalisable. C’est, en quelque sorte, un pari. Par conséquent, l’acte de décision fait que l’avenir conditionne le présent et au jourd’hui bien plus que jamais dans ce monde pour le moins rapidement fluctuant. C’est pourquoi cette lettre est basée sur une approche résolument prospectiviste. La prospective est un esprit associé à une démarche objectivée visant à décrypter les fondamentaux des choix pertinents entre des avenirs possibles, réalisables et souhaitables. Cette démarche est, en fait, aussi vieille que l’homme, sauf que celui-ci, paradoxale ment et à rebours de cette rationalité qu’on lui suppose, ne souhaite, en fait, absolument pas connaître l’avenir tout en étant convaincu que sa maîtrise est essentielle. Pour tenter de comprendre, il faut en reve nir évidemment aux fondamentaux de la civi lisation hellénistique et à ses métaphores. C’est le dieu Apollon qui afflige Cassandre du don de la prédiction. Affliger est bien ici le bon terme car, simultanément, il lui donne le don d’être totalement incapable de convaincre ses contemporains de ce qu’il va advenir. Et c’est ainsi que ceux-là même qui refusent de l’écouter sont aussi ceux qui se précipitent chez toutes les pythies en vogue pour y chercher cette révélation de l’avenir. C’est donc bien sous le signe d’un paradoxe fondamental que nous nous situons, à savoir la volonté de persister à chercher les clés de l’anticipation même si, au fond, notre cher lecteur ne cherche, quant à lui et sans même qu’il s’en rende compte, que ne lui soient ra contées que des histoires à frémir ou à dormir debout. Un autre point, tout aussi fondamental, réside dans le fait que dans notre monde désormais « mondialisé », les fondamentaux de la puissance ne sont peut-être plus ceux du monde d’avant. Comment expliquer sinon qu’un pays comme les États-Unis va inélucta blement vers l’implosion, alors qu’à l’évidence il détient tous les leviers de la puissance telle qu’on la conçoit habituellement. C’est donc qu’il est d’autres leviers déter minants et qu’ils ne détiennent peut-être pas, au rang desquels on placera, ici, la capacité d’anticipation. Vers des entités minières cohérentes ? La superposition de la carte des conflits sur celle des ressources mi nières fait apparaître une situation bien différente selon que l’on se situe avant la chute du mur de Berlin ou après. En effet, pendant la guerre froide, les zones de conflit tendaient à éviter les zones de ressources stratégiques (pétrole, gaz, uranium, terres rares) sauf conflit entre deux membres du même camp. La guerre du Biafra, au sud du Nigéria, est dans toutes les mémoires, qui a vu s’affronter la France et l’An gleterre par partenaires locaux inter posés. L’Angola a été le terrain d’une guerre terrible où les camps en pré sence ont soigneusement évité de perturber l’exploitation pétrolière. Les pétroliers occidentaux exerçaient même leur activité, au Cabinda, sous la protection du corps expédition naire… cubain. Lorsque les Katangais ont envahi Kolwezi, l’intervention française sou tenue par les États-Unis n’a entraîné aucune réaction du bloc de l’Est. Le conflit du Sahara-Espagnol est l’ins trumentalisation, dans le contexte de l’affrontement Est-Ouest, d’un conflit régional entre le Maroc et l’Algérie, etc.… Certes, chaque camp laissait à ses affidés locaux une certaine marge de manœuvre et leur permettait de tenter des coups, quitte à les lâcher le moment venu si leur chance était trop insolente ou leurs exactions trop visibles. Mais cela ne remettait pas en cause un équilibre de la terreur d’où le souci des populations locales était exclu (c’est le seul point qui ne change qu’en s’aggravant). Depuis la chute du mur de Berlin, par contre, c’est visiblement le contrôle pur et simple des ressources minières qui domine. Certes, les ac cords entre compagnies pétrolières ne sont pas remis en cause, mais le morcellement de l’Afrique en entité minières cohérentes semble bien être le fil rouge de ce qui se passe au jourd’hui et, différence essentielle par rapport à l’avant 1989, avec une seule superpuissance, sans véritable adver saire jusqu’à une période très récente. Cette notion d’« entité minière co hérente » peut surprendre. Pourtant, qu’est-ce qui justifie la partition du Soudan, si l’on va au-delà de la ques tion religieuse ? Qu’est-ce qui a jus tifié la partition de la Côte d’Ivoire dont la cartographie des fonds ma rins, disponible depuis une vingtaine d’années, est éloquente ? Qu’est-ce qui justifie les massacres sans fin, à l’Est de la RDC – au moins 7 mil lions de morts depuis 1997 dans le plus grand silence ? Qu’est-ce qui justifie ces études, souvent réalisées par des universitaires, sur la nécessité, dans une Afrique où le métissage in ter-ethnique représente un bon tiers des populations, de revenir à des eth nies pures, dominant leur territoire ancestral pour sortir « enfin » de la colonisation ? Est-ce que les hasards de la géo graphie et de l’histoire n’auraient pas accumulé, sous d’anciens royaumes, des ressources essentielles ? Est-ce que les frontières issues de la colo nisation, qui ont, qu’on le veuille ou non, conduit à l’émergence d’un sen timent national dans des territoires sur lesquels personne ne pariait la moindre chance de pérennité (pen sez à l’ex-Zaïre), ne sont pas un obs tacle à l’exploitation sans entrave des richesses du sous-sol ? Les coups très durs portés aux souverainetés locales (mise sous tutelle de Khartoum ou d’Abidjan, No. 01 · 23 December 2012 2 Prospective africaine · La lettre · Informations et analyses du continent africain · n° 1 · 23 December 2012 anéantissement politique de Tripoli ou de Bamako), la tendance à vider les organisations internationales de toute capacité réelle de jugement in dépendant (que reste-t-il de l’Union Africaine, de la CEDEAO ?), les interventions militaires occidentales brutales dans des affaires nationales, sous couvert de protection de ressor tissants dont on met, en réalité, forte ment l’existence en danger, tout cela participe d’une volonté nette : casser tout ce qui s’oppose à la libre exploi tation des ressources du continent. Certes, cela ne s’applique pas de façon uniforme. Cela touche plus les Afriques arabophones et les fran cophones que les autres, mais toute l’Afrique est touchée. Cependant, l’échec occidental en Libye, conjugué à l’incapacité du même camp à conclure rapidement en Syrie, aboutissent à rendre malai sée et très risquée l’application d’une phase essentielle du plan, celle de l’ef fondrement de l’Algérie et de la prise de contrôle des immenses ressources minières du Sahel. La partition du Mali, voulue par les Occidentaux, est en train de de venir leur épine dans le pied car ils ne savent plus comment en sortir. Surtout dans un contexte internatio nal ou les BRICS, en particulier la Russie (surtout diplomatiquement et par des accords de défense) et la Chine (surtout économiquement, mais de plus en plus également diplomati quement), ne tolèrent plus l’absence de respect des résolutions votées par eux à l’ONU (les affaires ivoirienne et libyenne) et bloquent désormais le fonctionnement du conseil de Sécurité (l’affaire syrienne). Nous assistons à la mise en place des relations internationales d’un monde multipolaire. Il peut en res sortir une forme d’équilibre. Tentons d’y parvenir en n’oubliant pas, cette fois, que le bien des populations de l’Afrique est la tranquillité des popu lations de l’Europe. Pascal Maurin Si l’on admet que la colonisation consiste d’abord à spolier l’autre de sa substance, alors l’Afrique a subi à ce jour trois grandes vagues de colonisation. La pre mière fut celle des « comptoirs » qui la vida de ses po pulations, la seconde fut celle des « territoires » qui la vida de ses libertés et l’asservit, la troisième – qui sera la pire puisqu’elle confisque l’avenir – est celle des « res sources » qui vise à la vider de ses richesses, et qui se déroule maintenant, sous nos yeux. Ce sont toujours les mêmes qui colonisent, ou presque, à savoir les puissances dites « occidentales » ainsi que leur golem, l’Amérique du nord, et ils peuvent toujours compter sur d’indéfectibles complicités locales. La colonisation n’est en rien une question de nombre. Elle ne saurait être effective que dans l’exer cice terrible de la supériorité au plan du développe ment social d’une population sur une autre. Cette supériorité s’exerce pleinement au travers de capacités fondamentales qui relèvent essentiellement de la maîtrise de l’énergie, de l’information, de l’orga nisation… et de la science guerrière qui les met en œuvre. C’est tout particulièrement la supériorité dans cette ultime capacité qui fonde le véritable « succès » de la colonisation, car la guerre est d’abord un transfert ac céléré de puissance uploads/Geographie/ association-prospective-africaine-la-lettre-no-01.pdf
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- Publié le Oct 04, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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