LA VOCATION DE L’ARBRE D’OR est de partager ses admirations avec les lecteurs,
LA VOCATION DE L’ARBRE D’OR est de partager ses admirations avec les lecteurs, son admiration pour les grands textes nourrissants du passé et celle aussi pour l’œuvre de contem porains majeurs qui seront probablement davantage appréciés demain qu’aujourd’hui. Trop d’ouvrages essentiels à la culture de l’âme ou de l’identité de cha cun sont aujourd’hui indisponibles dans un marché du livre transformé en industrie lourde. Et quand par chance ils sont disponibles, c’est finan cièrement que trop souvent ils deviennent inaccessibles. La belle littérature, les outils de développement personnel, d’identité et de progrès, on les trouvera donc au catalogue de l’Arbre d’Or à des prix résolument bas pour la qualité offerte. LES DROITS DES AUTEURS Cet e-book est sous la protection de la loi fédérale suisse sur le droit d’auteur et les droits voisins (art. 2, al. 2 tit. a, LDA). Il est également pro tégé par les traités internationaux sur la propriété industrielle. 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L’ÂME CELTE 5 Introduction Lorsqu’en voyageant dans la presqu’île armoricaine, on dépasse la région, plus rapprochée du continent, où se prolonge la physionomie gaie, mais commune, de la Normandie et du Maine, et qu’on entre dans la véritable Bretagne, dans celle qui mérite ce nom par la langue et la race, le plus brusque changement se fait sentir tout à coup. Un vent froid, plein de vague et de tristesse, s’élève et transporte l’âme vers d’autres pensées ; le sommet des arbres se dépouille et se tord ; la bruyère étend au loin sa teinte uniforme ; le granit perce à chaque pas un sol trop maigre pour le revêtir ; une mer presque toujours sombre forme à l’horizon un cercle d’éternels gémissements. Même contraste dans les hommes : à la vulgarité normande, à une population grasse et plantureuse, contente de vi vre, pleine de ses intérêts, égoïste comme tous ceux dont l’habitude est de jouir, succède une race timide, réservée, vivant toute au dedans, pesante en apparence, mais sentant profondément et portant dans ses instincts religieux une adorable délicatesse. Le même contraste frappe, dit-on, quand on passe de l’Angleterre au pays de Galles, de la Basse Ecosse, anglaise de langage et de mœurs, au pays des Gaëls du nord, et aussi, mais avec une nuance sensiblement différente, quand on s’enfonce dans les parties de l’Irlande où la race est restée pure de tout mélange avec l’étranger. Il semble que l’on entre dans les couches souterraines d’un autre âge, et l’on ressent quelque chose des impressions que Dante nous fait éprouver quand il nous conduit d’un cercle à un autre de son enfer. On ne réfléchit pas assez à ce qu’a d’étrange ce fait d’une antique race conti nuant jusqu’à nos jours et presque sous nos yeux sa vie propre dans quelques îles et presqu’îles perdues de l’Occident, de plus en plus distraite, il est vrai, par les bruits du dehors, mais fidèle encore à sa langue, à ses souvenirs, à ses mœurs et à son génie. On oublie surtout que ce petit peuple, resserré maintenant aux confins du monde, au milieu des rochers et des montagnes où ses ennemis n’ont pu le forcer, est en possession d’une littérature qui a exercé au moyen âge une im mense influence, changé le tour de l’imagination européenne et imposé ses mo tifs poétiques à presque toute la chrétienté. Il ne faudrait pourtant qu’ouvrir les monuments authentiques et maintenant presque oubliés du génie gallois pour se convaincre que cette race a eu sa manière originale de sentir et de penser, que nulle part ailleurs l’éternelle illusion ne se para de plus séduisantes couleurs, et 6 Introduction que, dans le grand concert de la nature humaine, aucune famille n’égala celle- ci pour les sons pénétrants qui vont au cœur. Hélas ! elle est aussi condamnée à disparaître, cette émeraude des mers du couchant ! Arthur ne reviendra pas de son île enchantée, et saint Patrice avait raison de dire à Ossian : « Les héros que tu pleures sont morts ; peuvent-ils renaître ? » Il est temps de noter, avant qu’ils passent, ces tons divins, expirant à l’horizon devant le tumulte croissant de l’uniforme civilisation. Quand la critique ne servirait qu’à recueillir ces échos lointains et à rendre une voix aux races qui ne sont plus, ne serait-ce pas assez pour l’absoudre du reproche qu’on lui adresse trop souvent et sans raison de n’être que négative ? D’excellents ouvrages facilitent aujourd’hui la tâche de celui qui entreprend l’étude de cette curieuse phase de l’esprit humain. Le pays de Galles surtout se distingue par une activité scientifique et littéraire vraiment surprenante. Là, des travaux qui honoreraient les écoles les plus savantes de l’Europe sont l’œuvre d’amateurs dévoués. Un paysan, Owenn Jones, publia en 1801, sous le titre d’Ar chéologie galloise de Myvyr, ce merveilleux répertoire qui est encore aujourd’hui l’arsenal des antiquités kymriques. Une foule de travailleurs érudits et zélés, MM. Aneurin Owenn, Thomas Price de Crickhowel, William Rees, John Jones, marchant sur les traces du paysan de Myvyr, s’attachèrent à compléter son œu vre et à tirer parti des trésors qu’il y avait entassés. Une femme aussi distinguée par son esprit que par la haute position qu’elle occupe dans la société anglaise, lady Charlotte Guest, s’est chargée de faire connaître à l’Europe le merveilleux recueil des Mabinogion1, la perle de la littérature galloise, l’expression la plus complète du génie kymrique. Ce magnifique ouvrage, achevé en douze années avec un soin philologique digne de l’érudit le plus consommé et ce luxe que le riche amateur anglais peut seul donner à ses publications, restera sans contredit comme l’un des plus beaux monuments littéraires de notre temps, et attestera un jour combien la conscience des races celtiques a produit son contingent de travaux estimables. Puisqu’il a su inspirer à une femme le courage d’entreprendre et d’achever un aussi vaste monument. L’Ecosse et l’Irlande se sont enrichies éga lement d’une foule de mémoires sur leur ancienne histoire. Notre Bretagne en fin, quoique trop rarement étudiée avec cette rigueur de philologie et de critique que l’on exige maintenant dans les œuvres d’érudition, a fourni aux antiquités celtiques son contingent de travaux estimables. Il y a donc dans ce domaine tout 1 Le mot mabinogi (au pluriel mabinogion) désigne une forme de récit romanesque particulière au pays de Galles. L’origine et la signification primitive de ce mot sont fort incertaines. (NdA). Réédition : Les Mabinogion, traduction de Joseph Loth, arbredor.com, 2002. 7 Introduction un ensemble de recherches à mettre en lumière, une série de résultats à constater, quelques-uns à contester peut-être, et telle est la tâche où nous voudrions nous essayer aujourd’hui. 8 I Si l’excellence des races devait être appréciée par la pureté de leur sang et l’inviolabilité de leur caractère, aucune, il faut l’avouer, ne pourrait le disputer en noblesse aux restes encore subsistants de la race celtique2. Jamais famille hu maine n’a vécu plus isolée du monde et plus pure de tout mélange étranger. Res serrée par la conquête dans des îles et des presqu’îles oubliées, elle a opposé une barrière infranchissable aux influences du dehors : elle a tout tiré d’elle-même, et n’a vécu que de son propre fonds. De là cette puissante individualité, cette haine de l’étranger qui, jusqu’à nos jours, a formé le trait essentiel de ces peuples. La civilisation romaine ne les atteignit qu’à peine et ne laissa parmi eux que peu de traces. L’invasion germanique les refoula, mais ne les pénétra point. À l’heure qu’il est, ils résistent encore à une invasion bien autrement dangereuse, celle de la civilisation moderne, si destructive des variétés locales et des types nationaux. L’Irlande en particulier (et là peut-être est le secret de son irrémédiable faiblesse) est la seule terre de l’Europe où l’indigène puisse produire les titres de sa des cendance, et affirmer avec assurance, jusqu’aux ténèbres anté-historiques, la race d’où il est sorti. C’est dans cette vie retirée, dans cette défiance contre tout ce qui vient du dehors, qu’il faut chercher l’explication des traits principaux du caractère de la race celtique. Elle a tous les défauts et toutes les qualités de l’homme soli taire : à la fois fière et timide, puissante par le sentiment et faible dans l’action ; uploads/Geographie/ renan-ernest-l-x27-ame-celte.pdf
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- Publié le Fev 08, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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