LA FRANCOPHONIE : essence culturelle, nécessité politique Session octobre 2016
LA FRANCOPHONIE : essence culturelle, nécessité politique Session octobre 2016 - 1 - SEANCE 0 : AMORCE DU COURS B. Les idées reçues sur la francophonie Voyons à présent ce que la francophonie n’est pas, car un certain nombre d’idées reçues se retrouvent parfois dans les discours qui nous entourent. 1. « La Francophonie n’est qu’un projet néocolonialiste ! » S’il est vrai que les pays qui ont été sous l’emprise coloniale de la France ou de la Belgique se retrouvent en grand nombre au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie, un coup d’œil à la liste de ses membres suffit pour se rendre compte que ce cliché-là est largement dépassé. En effet, les anciennes colonies françaises ne constituent plus le bloc majoritaire en Francophonie, car de plus en plus de pays qui n’ont jamais été colonisés ni par la France, ni par la Belgique rejoignent la Francophonie. Aujourd’hui, plus de la moitié des pays membres de l’Union européenne s’y trouvent même en tant que membres et pays observateurs ! Par ailleurs, le projet d’unir les pays francophones n’a pas été initié par la France ni par la Belgique, mais plutôt par de grandes figures et de chefs d’État représentants le mouvement des indépendances sur les continents africain et asiatique. Il aura même fallu près de 20 ans à la France pour reprendre l’initiative et assumer son rôle de rassembleur, tant attendu par les pays francophones dans la vie institutionnelle et politique de la Francophonie. Dans les faits, le général de Gaulle était très réticent à prendre la tête du mouvement francophone dans les premières années de la deuxième francophonie. Il estimait justement qu’on risquait d’accuser la France de se servir du projet francophone pour assouvir son ambition insidieuse de mainmise sur ses anciennes colonies, en plus de vouloir jeter de l’huile sur le feu dans les relations tendues entre le Québec et le Canada. En effet, ce dernier a vu d’un mauvais œil la participation québécoise à la table francophone étant donné que le Québec ambitionnait d’être indépendant vis-à-vis du Canada fédéral. Il faut souligner à cet égard que l’on était alors en pleine période de décolonisation et de guerre froide. Le contexte international n’était donc pas vraiment favorable à la formation des regroupements rassemblant des pays si divers du Nord et du Sud. Boutros Boutros-Ghali constatait donc à juste titre que : « La Francophonie est un désir né hors de France ». Général De Gaulle. Source : https://en.wikipedia.org/wik i/Charles_de_Gaulle#/media /File:De_Gaulle-OWI.jpg LA FRANCOPHONIE : essence culturelle, nécessité politique Session octobre 2016 - 2 - Ajoutons que la francophonie avec un petit « f » s’est étendue notamment grâce aux pays francophones hors de France. Depuis les indépendances, la majorité des pays africains anciennement colonies françaises et belges ont adopté le français comme langue d’enseignement et administratif, ce qui a multiplié le nombre de francophones dans le monde. Voilà pourquoi la thèse du projet néocolonialiste ne tient pas la route. 2. « La Francophonie n’est qu’une copie du Commonwealth en langue française ! » Bien sûr, ces deux espaces géopolitiques sont tous les deux issus d’une volonté d’association postcoloniale entre les ex-métropoles et leurs anciennes colonies respectives. Mais la ressemblance s’arrête là. Certes, Léopold Sédar Senghor, ancien Président sénégalais et un des initiateurs du projet francophone international a, dès les premières années postindépendance, souvent utilisé, pour parler de ce qui deviendra la Francophonie, l’expression « Commonwealth à la française », dans le but de pousser ses homologues africains à adhérer au projet de francophonie politique. En réalité, ce que les pays membres du Commonwealth ont tous en commun est d’avoir appartenu à la couronne britannique. Le symbole d’unité du Commonwealth est justement la Reine d’Angleterre. Les pays de la Francophonie, quant à eux, et contrairement à ce que certains médias affirment, n’ont pas une histoire ancienne commune. Ce qui rassemble les pays francophones, c’est une langue et des « affinités culturelles » communes, selon l’expression de Senghor. Jean-Marc Léger, un autre père fondateur de la Francophonie originaire du Québec, a bien résumé la différence entre ces deux organisations (Jean-Marc Léger, La Francophonie grand dessein, grande ambigüité, Québec, Hurtubise HMH, 1987): « Le Commonwealth est essentiellement l’héritier de l’Empire britannique en vertu d’une transformation habile et féconde. [La Francophonie, quant à elle, représente] une tentative inédite d’organisation des rapports entre pays infiniment divers sur tous les plans, mais enclins à œuvrer ensemble par une communauté de langue et – partiellement – de culture. » Jean-Marc Léger LA FRANCOPHONIE : essence culturelle, nécessité politique Session octobre 2016 - 3 - Finalement, comme on peut le constater, contrairement aux pays du Commonwealth, qui partagent une histoire coloniale commune, il peut parfois sembler difficile de voir ce qui rassemble les pays de la Francophonie, tant leur diversité géographique, culturelle, linguistique, économique et politique est grande. Toutefois, c’est précisément ce qu’incarne la Francophonie ; elle est en soi le rempart de la diversité. C’est en cela que réside sa vocation, la défense de cette diversité culturelle, qui concerne tout le monde dans le contexte actuel de mondialisation. Voilà en quoi la Francophonie se distingue du Commonwealth. Toutefois, comme ces deux organisations ont des membres communs, elles ont travaillé ensemble sur plusieurs projets, notamment en Afrique. Face aux défis de la mondialisation, leurs objectifs se rejoignent de plus en plus. Représentant une majorité des pays du Sud, les deux Secrétaires généraux ont ainsi déjà signé des requêtes communes pour peser ensemble dans le système international. 3. « La Francophonie n’est qu’une ONU bis » Tout d’abord, il faut dire que l’ONU est une organisation mondiale, mais elle ne représente pas la communauté internationale. La Francophonie est, quant à elle, un espace géopolitique des pays ayant le français en partage. Elle dispose d’une organisation internationale qui est l’OIF. Bien sûr, tous les pays membres de la Francophonie sont aussi membres de l’ONU. Le cas échéant, ils peuvent constituer un véritable groupe de pression au sein de l’ONU. Cela s’est clairement manifesté en 2005, quand ils ont obtenu le vote en faveur de l’exception culturelle, résolution qui peut être considérée comme une véritable prouesse, tant les réticences étaient fortes au départ au sein de l’instance onusienne. Source : (Cyril Bailleul/OIF) http://www.francophonie.org/Co mmonwealth-et-Francophonie ONU. Source : https://commons.wikimedia.o rg/wiki/File:Signe_de_l%27ON U,_Gen%C3%A8ve.jpg LA FRANCOPHONIE : essence culturelle, nécessité politique Session octobre 2016 - 4 - Quant à la Francophonie en tant qu’organisation internationale, elle n’est pas une organisation subsidiaire de l’ONU. Il n’y a pas de redondance ni d’empiétement d’actions entre les deux acteurs. Si elle doit agir maintenant sur beaucoup de chantiers, c’est parce que les priorités des sociétés francophones sont multiples. La Francophonie comme acteur du système international intervient, donc, souvent en synergie avec et à côté de l’acteur onusien, à la demande de celui-ci ou de ses pays membres, dans plusieurs programmes tels que les actions de maintien de la paix ou de gestion et règlement de conflit, de formation des maîtres, de coopération universitaire, de réduction de pauvreté, etc. Il est à souligner que la Francophonie constitue une tribune internationale où les voix francophones s’affirment maintenant comme un projet alternatif à une mondialisation univoque. À titre d’exemples, elle s’implique activement sur la scène internationale pour la préservation et la promotion de la diversité culturelle et linguistique, ainsi que pour une vision plus large du développement durable. C’est ainsi qu’un pays francophone peut disposer de plusieurs aires de dialogue international qui ne s’excluent pas mutuellement. Le premier dialogue est à vocation mondiale et se fait au sein de l’ONU et des organisations internationales. La deuxième aire de dialogue est régionale, à travers les unions régionales et sous-régionales. Enfin, la troisième aire de dialogue est francophone, donc transversale et géoculturelle. Il est encore trop tôt pour affirmer que le dialogue francophone est bien ancré dans les sociétés francophones, car la Francophonie est un jeune projet politique qui doit encore faire preuve de plus d’efforts et d’utilité dans notre monde en perpétuel changement. Source : ©Cyril Bailleul/OIF, http://www.francophonie.org/L-OIF-et-Onu- Femmes-signent-un.html LA FRANCOPHONIE : essence culturelle, nécessité politique Session octobre 2016 - 5 - SEANCE 0 : POUR ALLER PLUS LOIN OUVRAGES ET REVUES Deniau (Xavier), la Francophonie, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », n°2111, 2001. Léger (Jean-Marc), La Francophonie : Grand dessein, grande ambigüité, Québec, Hurtubise HMH, 1987 ; http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75061t/f426.image.r=francophonie Revue Esprit, n°311, « Le français langue vivante », novembre 1962. ARTICLES Rosoux (Valérie-Barbara), « Le général de Gaulle et la francophonie », in Revue Politique et Sociétés, Volume 16, numéro 1, 1997, p.61-74. http://www.erudit.org/revue/ps/1997/v16/n1/040049ar.pdf Senghor (Léopold Sédar), « Le français, langue de culture » in Revue Esprit, « Le français, langue vivante », novembre 1962, p.837-844. http://www.esprit.presse.fr/archive/review/article.php?code=32919&folder=0 CONVENTIONS Protocole d'accord entre l'Agence de coopération culturelle et technique et le Secrétariat du Commonwealth. Avenant au mémoire d'entente entre le Secrétariat du Commonwealth et l'Agence de coopération culturelle et technique. Accord de coopération entre l'Organisation des Nations unies et l'Agence de coopération culturelle et technique. VIDEO Destination francophone uploads/Geographie/ seance-0-b-les-idees-recues-sur-la-francophonie-pdf.pdf
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- Publié le Sep 01, 2021
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