Soldats de France Magazine d’histoire militaire de l’armée de Terre LIBAN 1860

Soldats de France Magazine d’histoire militaire de l’armée de Terre LIBAN 1860 - 1980 N°3 - SEPTEMBRE 2017 2 SOMMAIRE Directeur de la publication : GBR Dominique Cambournac Rédacteur en chef : LCL Rémy PORTE Rédacteur en chef adjoint : LTN (R) Rémi MAZAURIC Comité de rédaction : COL Thierry NOULENS, LCL Vincent ARBARETIER, LCL Jean BOURCART, LCL Frédéric JORDAN, CDT Rémi SCARPA, CNE Julien MONANGE Adresse mail : emat-histoire.referent.fct@intradef.gouv.fr En couverture : Avril 1983 - Poste du 2e RIMa à Chatila, Beyrouth ©Benoît Dufeutrelle/ECPAD Réalisation : SIRPA Terre/CPIT 5 Cesson-Sévigné Témoignage : Liban 1980. ................................................................................................3 Opérations : L’intervention française au Liban en 1860...................................4-7 Equipements : Le Zouave de Napoléon III (1860). ..............................................8-9 Batailles : La nuit de Thaï Binh - 3 décembre 1853.........................................10-11 Matériel : La radio dans les armées, de 1940 aux années 1990. ...............12-14 Traditions : La tenue des chasseurs à pied des origines à nos jours......15-16 Unité : Le 92e régiment d’infanterie, le régiment d’Auvergne......................17-18 Cas concret : Couper la guérilla de sa base-arrière : la ligne « Morice » en Algérie. .................................................................................19-20 En partenariat avec l'ECPAD 3 ©François-Xavier Roch/ECPA/ECPAD Témoignage « Quand j’ai entendu la déflagration, je suis allé sur le balcon avec Daniel. Il y avait aussi Éric et Fassi. Quelqu’un a dit « les Américains ont morflé. » Je suis rentré dans le bâtiment pour finir de me préparer et, à ce moment-là, il y a eu l’explosion. Le souffle est passé par la cage d’escalier. J’ai vu un bloc de béton m’arriver en pleine figure. Je me suis senti projeté sur le balcon contre les sacs de sable. J’ai senti le bâtiment monter, tous les étages monter et après, en une fraction de secondes, l’immeuble entier s’est effondré. J’étais KO. Mes tympans avaient explosé, je n’entendais plus rien, juste un bourdonnement énorme. Je sentais les morceaux de ferrailles qui me tailladaient. Au-dessus, au- dessous de moi, il y avait les étages qui m’écrasaient. J’étais complètement dans les vaps. Ce sont les sacs de sable qui m’ont sauvé. […]Tout à coup ça s’est arrêté. Plus rien. Le noir complet. Je suis conscient, j’ai du mal à respirer. Je ne sais pas où je suis, des gravats, une poussière irrespirable. Je n’ai plus d’air, je suffoque. Je ne sais pas ce qui se passe. J’entends que ça marche au-dessus mais je ne sais pas si c’est des ennemis. J’ouvre l’œil, je vois un trou, du jour au-dessus de moi. Je ne peux pas rester comme ça. Je gratte, je me glisse à travers les morceaux de ferraille, j’arrive à sortir du trou. Un parachutiste me chope : « ça y est, arrête, calme toi, calme toi ! — Non ! Je veux retourner dans le bâtiment, ils sont là, mes camarades ! » Je retourne la tête la première dans le trou, il me retire, on m’amène dans une ambulance. Je suis en pantalon de rangers, torse nu, je suis esquinté, surtout les bras […] ». Farid, Caporal au 9ème RCP en 1983 (cité dans Paroles de soldats, Tallandier, 2015) Liban 1980 ©Joël Brun/ECPA/ECPAD 4 Opérations À la suite de massacres qui se répètent entre Druses et Maronites dans la montagne libanaise depuis le mois de mars 1860, la France décide d’intervenir à des fins « d’humanité ». Première intervention humanitaire de l’Histoire, la projection de force française au Levant – c'est-à-dire en Syrie et dans la montagne libanaise – s’effectue avec l’autorisation des autres puissances européennes, reconnaissant ainsi à la France son titre traditionnel de protectrice des chrétiens d’Orient. L’intervention française au Liban en 1860 Carte du Liban d'après les reconnaissances de la brigade topographique du Corps Expéditionnaire de Syrie en 1860-61, archive d’officiers d’état-major Julie d’Andurain Le Mont-Liban est un étroit corridor étendu le long de la côte méditerranéenne de Syrie. Depuis le Moyen-Age, Maronites et Druses se partagent le territoire. Venus de la vallée de l’Oronte, les Maronites sont des agriculteurs qui suivent les enseignements de Maron, un ermite chrétien du V e siècle. Les Druses, communauté rurale et guerrière, appartiennent à l’une des branches du chiisme qui s’est installée dans la région au XIe siècle. Les populations se fixent au nord pour les Maronites (chrétiens), au sud pour les Druzes (musulmans). Se tenant à l’écart des autres populations, elles vivent globalement dans une bonne entente. Mais une première fracture communautaire apparaît en 1840 quand la Syrie, passée sous tutelle égyptienne, se révolte contre les innovations introduites par les occupants. En réaction, le pouvoir ottoman – ou Sublime Porte - décide de placer l’ensemble du territoire sous son administration directe en coupant la région en deux parties, deux caïmacamats. Aux Maronites, il réserve le Kesrouan au nord, aux Des massacres confessionnels Druzes le Chouf dans le sud. Mais les réformes imposées par le sultan ottoman, en particulier le principe de l’égalité entre les communautés, promulgué par le fameux Hatt-i-Humayun de 1856, brise l’équilibre précaire 5 Opérations existant précédemment. Une querelle interne à la communauté maronite se fait jour en octobre 1858 dans la province du Kesrouan. Elle oppose les paysans maronites soutenus par leur clergé aux féodaux druses, les cheikhs Khâzen. La rébellion paysanne se durcit et se transforme bientôt en jacquerie. S’étendant aux régions mixtes et au sud, l’agitation prend rapidement un caractère confessionnel. Un incident met aux prises Druzes et Maronites à Beit-Mery dans le Metn le 15 août 1859. Dans la mesure où sunnites et chiites se rapprochent des Druzes et que les Melchites et les Grecs catholiques se rapprochent des Maronites, tous les observateurs ont l’impression d’une rivalité qui oppose les musulmans aux chrétiens. En août et septembre 1859, une réaction druze se produit au nord des districts mixtes ; des violences et des vols commis à l’encontre de chrétiens attisent les craintes et la haine. Les Druzes du Chouf puis ceux de la Bekaa se ruent sur leurs voisins chrétiens. En juin 1860, la ville de Zahlé, entre Beyrouth et Damas, symbole de l’ascension d’une nouvelle classe moyenne de chrétiens, est attaquée. D’autres villes sont attaquées pour les mêmes raisons : Jezzine, Deir al-Qamar où les Druzes tuent tous ceux qu’ils trouvent dans les maisons. Dans un premier temps, les autorités ottomanes n’interviennent pas ou peu, voire même participent indirectement aux massacres. Ainsi au début de juin 1860 à Hasbaya et Rashaya, des soldats turcs livrent des populations chrétiennes désarmées aux druzes. Le nombre de tués et de réfugiés se multiplie de façon vertigineuse. À Deir el-Kamar 2600 hommes sont tués, 1500 à Jezzine, 1000 à Hasbaya et 800 à Rashaya. En moins de trois mois, plus de 12 000 personnes sont assassinées. Des milliers de réfugiés sont sur les routes. Mais le massacre ne s’arrête pas là. Du 9 au 18 juillet 1860, la ville de Damas connaît des attaques sans précédent. Les chrétiens qui habitent intra-muros sont pourchassés dans les rues et massacrés. 3 000 maisons sont ravagées de même que le consulat de Russie mis à sac, les employés massacrés. Au cours de ces massacres, l’émir Abd-el-Kader – qui s’est installé en Syrie après avoir quitté l’Algérie - aidé par sa famille et tous ceux l’ayant rejoint en exil, multiplie les efforts pour sauver des vies humaines. Il réussit à ramener chez lui ou à la citadelle des centaines de familles dont les consuls de France, de Russie, de Grèce, les sœurs de la Charité et Carte extraite du livre Devoir d'intervenir ? L’expédition 'humanitaire' française au Liban, 1860 de Yann Bouyrat 6 Opérations Domaine public En France, l’opinion publique est alertée par le diplomate Édouard Thouvenel qui fait de l’intervention une « question d’humanité » et par une presse unanime, tout aussi prompte à exiger une intervention. La Grande- Bretagne refuse de s’engager, mais elle finit par reconnaître à la France le droit d’intervenir à la suite des massacres de Damas. Napoléon III prend donc l’initiative et décide d’intervenir pour « des motifs religieux et humanitaires ». Il ordonne à l’escadre française en Méditerranée d’appareiller vers les côtes syriennes où elle mouille en juillet 1860, en attendant que le principe de l’intervention et ses modalités soient définies entre les Puissances (France, Angleterre, Russie, Autriche, Prusse). Cette division navale du Levant, placée sous les ordres du capitaine de vaisseau de La Grandière est modeste mais elle permet tout de même de transporter en août 1860, un corps expéditionnaire de près de 12 000 hommes dont 7 500 Français (251 officiers, 7 126 sous- officiers et soldats) commandés par le général de division Beaufort d’Hauptoul. En plus de son état-major, le Général dispose de services d’administration, de services de police, de santé, un bataillon de chasseurs à pied (le 16e, commandé par le chef de bataillon Ardant du Picq), des bataillons de zouaves, d’infanterie de ligne, des escadrons de hussards, de chasseurs d’Afrique, de spahis, deux batteries d’artillerie, une compagnie du génie, et environ 700 chevaux. Une partie des troupes est prélevée en métropole tandis que l’autre vient d’Algérie. Le corps expéditionnaire de Syrie les Lazaristes, soit près de 11 000 dans la citadelle uploads/Geographie/ soldats-de-france-n03.pdf

  • 62
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager