MERLEAU-PONTY ENTRE MOUNIER ET LE PÈRE MAYDIEU Hervé Le Baut Institut Catholiqu

MERLEAU-PONTY ENTRE MOUNIER ET LE PÈRE MAYDIEU Hervé Le Baut Institut Catholique de Paris | « Transversalités » 2009/4 N° 112 | pages 131 à 145 ISSN 1286-9449 ISBN 9782220061603 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-transversalites-2009-4-page-131.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Institut Catholique de Paris. © Institut Catholique de Paris. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 05/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) © Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 05/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) MERLEAU-PONTY ENTRE MOUNIER ET LE PÈRE MAYDIEU Hervé LE BAUT Docteur en philosophie Comment comprendre que Merleau-Ponty, dans son premier texte publié, « Christianisme et ressentiment », en juin 1935 dans La Vie intellectuelle, en vienne à nous rappeler « la foi des pêcheurs de Tibériade » et « l’existence de saint François d’Assise », et que par ailleurs en 1960, dans sa Préface de Signes, il en vienne encore à nous conseiller de « prendre les autres à leur apparition dans la chair du monde […]. Il faut qu’ils soient là comme reliefs, écarts, variantes d’une seule Vision à laquelle je participe aussi: […] ils sont mes jumeaux ou la chair de ma chair »? Il est difficile de ne voir là que de simples réminiscences bibliques et ne convient-il pas de s’interroger sur la forte « prégnance » théologique ou du moins religieuse de toute sa philosophie? Notre objectif est bien plus modeste ici et se limite à brosser à grands traits sa propre insertion dans le milieu intellectuel qui fut le sien dans les années 1930 à 1940, l’époque de ses propres découvertes et de ses dix premières années professionnelles. En effet, en juillet 1930, il vient de réussir brillamment son agrégation (2e) et se prépare à faire son service militaire comme EOR, mais il se remet très durement de la mort brutale de sa fiancée Elisabeth Lacoin (la célèbre Zaza des Mémoires d’une jeune fille rangée de S. de Beauvoir), emportée en une dizaine de jours par une encéphalite virale le 25 novembre 1929 à vingt-deux ans, et toute sa vie Merleau-Ponty gardera précieusement les lettres échangées avec elle. Il enseigne deux ans au Lycée de Beauvais, décroche la première bourse d’un an offerte à un étudiant en philosophie par le tout nouveau et futur CNRS, dont la demande de renouvellement sera l’occasion d’un premier point de 131 Transversalités, octobre-décembre 2009, n° 112, p. 131-145 © Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 05/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) © Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 05/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) ses recherches sur la perception et le corps. La demande est refusée et il enseigne un an au Lycée de Chartres en 34-35 avant d’être nommé caïman à l’École Normale de 1935 à 1939, tout en donnant des cours de Morale au tout proche collège Sévigné; parmi ses meilleures élèves, Yvonne Picard étudiera la philosophie, sera agrégative, conseillée par Merleau-Ponty, avec un DES sur « Le temps chez Husserl et Heidegger », s’engage dans la Résistance, sera arrêtée par la Gestapo et mourra dans les camps à vingt- deux ans. Pour résumer l’évolution de Merleau-Ponty, nous pourrions dire qu’au plan des idées, progressivement et parfois simultanément, il passe des six M. aux trois H.: i.e. de Ch. Maurras, J. Maritain, G. Marcel, E. Mounier, le P. A. Maydieu et K. Marx à la découverte de Fr. Hegel, E. Husserl et M. Heidegger! Tout cela est bien factice, car il transite également des six B. aux quatre G., i.e. de H. Bergson, M. Blondel, H. Brémond, L. Brunschvicg, J. Baruzi et G. Bachelard pour découvrir Gelb et Goldstein, en relation avec sa thèse et s’attardant au cas Schneider, grâce à l’appui momentané des deux « faux frères » G. Gurvitch et A. Gurwitsch. L’on pourrait penser à une immersion totale dans la pensée venue d’Allemagne. Pas tout à fait, car durant cette même période de recherches, il fréquente et prend en considération les écrits de G. Politzer (sa Critique des fondements de la psychologie, et son éphémère revue de Psychologie concrète), mais également les ouvrages de son camarade Paul-Yves Nizan (qui en 1932, coup sur coup, publie Aden Arabie et surtout Les Chiens de Garde). Nizan (tué en mai 1940 sur le front du Nord) et Politzer (fusillé par la Gestapo en mai 1942 avec J. Decour) vont disparaître prématu- rément, mais leur influence sera considérable sur la jeune génération. N’oublions pas que cette période est aussi celle où Merleau-Ponty s’inté- resse à Nietzsche et à Kierkegaard qu’il découvre aussi avec l’aide d’un passeur dont les historiens ne tiennent pas assez compte qui deviendra son ami et parfois son conseil, Jean Wahl, et son célèbre Vers le concret et ses Études kierkegaardiennes. Quelques dernières présences dans ce « tableau avec personnages »: Freud à travers ses traductions au début, mais très vite surtout à travers un de ses disciples, L. Binswanger, son médiateur entre lui et son futur jury de thèse (E. Bréhier, son patron, lui demandera de supprimer ou du moins de réduire son chapitre sur « Le Corps être sexué »). Signalons deux autres introducteurs à Freud: R. Dalbiez, (le « prof de philo » de P. Ricœur à CHRONIQUE 132 © Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 05/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) © Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 05/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) Rennes), ancien officier de marine, converti au thomisme par Maritain et qui soutient en 1936 la première thèse de philosophie sur l’inconscient avec La Méthode psychanalytique et la doctrine freudienne; et aussi un jeune et brillant médecin de marine, Angélo Hesnard, qui dès 1912 crée à l’Hôpital maritime de Rochefort un service de neuropsychiatrie freudienne pour soigner certains marins de retour de Cochinchine ou de Madagascar, souffrant du paludisme et parfois assujettis aussi à l’opium, aux drogues, à l’alcool et aux jeux d’argent; et qui parmi ses premiers patients comptera Jean Merleau-Ponty, le père putatif de Maurice, qui meurt subitement un an plus tard en 1913, auprès de sa mère à Saint-Vincent de Paul, près de Bordeaux1. Ce même Dr A. Hesnard se rendra célèbre par sa Morale sans péché dans les années 1955-1960 et sollicitera M. Merleau-Ponty pour préfacer son ouvrage sur L’œuvre de Freud et son importance pour le monde moderne, en 1960. Une boucle est bouclée… mais pas notre panorama des années 1930- 1940, sans signaler la présence des revues bien connues de philosophie et de psychologie, mais aussi d’une nouvelle, à partir de 1931, celle de Recherches Philosophiques créée par A. Spaïer, H.-Charles Puech et A. Koyré: six parutions de très haute valeur dont un numéro spécial sur le premier Congrès de Phénoménologie en France organisé par la Société Thomiste à Juvisy chez les Pères Dominicains en 1932 avec la participation de Maritain, de J. Héring, de Kojéve, d’H. Corbin. Ajoutons dans ces précieux numéros les noms de quelques collaborateurs, tels Lachièze-Rey, Lévinas, Souriau, Ruyer, E. Weil, P. Klossowski, E. Minkowski, R. Caillois, Groethuysen, E. Meyerson, H. Lévy-Bruhl, M. de Gandillac, B. Parain, P. Vignaux, G. Dumézil, G. Bataille, D. de Rougemont, J. Lacan, et (last but not least) de J.-P. Sartre avec son célèbre article sur « La Transcendance de l’Ego » en 1936. Il y a donc là des valeurs bien établies mais aussi plusieurs valeurs montantes de la jeune génération qui vont s’imposer dans l’après- guerre. Reflet donc des idées de l’époque mais également annonce ou esquisse du raz-de-marée phénoménologico-existentialiste d’après 1945. Pour mieux situer l’engagement de notre jeune doctorant en philosophie dans les événements socio-politiques des années 1930-1940, examinons sa 1. Plus précisément au château du Petit Campsec transformé en musée kanaque par le grand-père, Samuel Anatole Mazeppa Merleau-Ponty, après trente ans de présence en Nouvelle-Calédonie, à soigner prisonniers et indigènes. II fut le correspondant du Dr Paul Rivet, le fondateur du Musée de l’Homme. 133 MERLEAU-PONTY ENTRE MOUNIER ET LE PÈRE MAYDIEU © Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 05/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) © Institut Catholique de Paris | Téléchargé le 05/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.65.32.248) présence ou son absence dans l’un ou l’autre Manifeste ou pétition des années 1930-19402. Le manifeste « Pour le bien commun, les responsabi- lités du chrétien et le moment présent » pouvait susciter sa signature. Il est élaboré dans le groupe de Meudon en mars 1934, après les émeutes de février à Paris, essentiellement fomentées par la droite et l’Action Française. uploads/Geographie/ trans-112-0131 1 .pdf

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