Lila Clairence Vers un théâtre sans spectateur : l'exemple des jeux de rôles Gr
Lila Clairence Vers un théâtre sans spectateur : l'exemple des jeux de rôles Grandeur Nature Mémoire réalisé sous la direction de Pierre Katuszewski et Sandrine Dubouilh Soutenu le 23 juin 2014 Master Recherche Histoire et Analyse des arts de la scène - Théâtre UFR Humanités Université Bordeaux Montaigne Année universitaire 2013/2014 1 2 3 Remerciements Je tiens à remercier mes directeurs de Mémoire Sandrine Dubouilh et Pierre Katuszewski pour leur accompagnement éclairé et éclairant ces cinq dernières années. Ils sont ceux qui m'ont donné envie de me lancer dans la recherche et de me dépasser. Merci à Sandrine pour m'avoir fait découvrir l'Architecture, André Degaine et les Fééries Romantiques. Merci à Pierre pour m'avoir fait découvrir le théâtre Nô, Florence Dupont et Kateb Yacine. Merci également à mes relecteurs Leila Teteau-Surel, Rémi San Miguel et Vincent Choupaut. Merci à tous ceux qui m'ont soutenu durant cette année difficile, et merci à tous ceux qui me liront. 4 Sommaire Remerciements.....................................................................................................................................4 Introduction .........................................................................................................................................6 L'alibi..................................................................................................................................................12 Le lieu : un ailleurs pour s'évader..................................................................................................13 Le cercle magique ....................................................................................................................13 Des lieux dédiés........................................................................................................................17 Utopion.....................................................................................................18 Blackbox..................................................................................................19 Un troisième lieu ?....................................................................................................................21 Je(u) est un autre............................................................................................................................23 Le masque.................................................................................................................................23 Le bleed.....................................................................................................................................25 Quels personnages pour un théâtre sans spectateur ?................................................................28 Présenter son jeu............................................................................................................................31 A quoi joue-t-on ?.....................................................................................................................32 Des outils pour aller plus loin...................................................................................................33 Le Langage.........................................................................................................................................38 La simulation.................................................................................................................................38 Simulation physique et matérielle.............................................................................................38 Le nu et le sexe en GN..............................................................................................................42 Un théâtre du jeu............................................................................................................................46 Le jeu de rôle : un rituel séculier...............................................................................................46 Le jeu et le meta-jeu..................................................................................................................49 Conclusion..........................................................................................................................................54 Bibliographie......................................................................................................................................57 5 Introduction Les concepts de spectacteur, de théâtre participatif, de théâtre sans spectateur, sont de plus en plus invoqués dans les professions de foi des metteurs en scène contemporain. Pourtant, force est de constater que le résultat est bien souvent décevant. Le public est éduqué depuis plusieurs siècles maintenant à adopter dès qu'il est face à un spectacle un rôle de récepteur anonyme. Récepteur, parce que depuis Diderot et l'invention du quatrième mur, le théâtre est une école de morale, avec un maître (l'auteur tout d'abord, et dans une moindre mesure, l'acteur) et un élève (le public). Récepteur également parce que depuis le XVIIème siècle et l'invention de la Littérature Théâtrale et de la règle des trois unités, ce qui compte sur la scène ce n'est plus la représentation, la fête et le corps, mais le texte, l'histoire et les personnages. Anonyme parce que depuis le théâtre à l'italienne, la salle est un espace clos dirigé vers la scène, parce que depuis Bayreuth, le théâtre est un espace obscur, où le spectateur se doit de se taire, est là pour regarder, pour recevoir, et non pour participer. Comment inventer un théâtre sans spectateur ? « Proclamons-le fermement : le dramaturge ne sera jamais en mesure de libérer sa vision s'il continue de la projeter dans un espace strictement séparé du public. Cela peut être souhaitable à l'occasion, mais ne doit jamais être pris comme la norme. Il est à peine nécessaire de souligner que la construction de nos théâtres devrait évoluer vers un concept plus libre, plus souple de l'art dramatique. Tôt ou tard, nous allons réaliser ce qui sera connu comme la Salle [hall, auditorium], cathédrale de l'avenir, qui, dans un espace libre, vaste et souple, réunira les manifestations les plus diverses de notre vie sociale et artistique - l'endroit idéal pour que l'art dramatique prospère - avec ou sans public. Il n'y a aucune forme d'art dans laquelle la solidarité sociale peut être mieux exprimée que dans le théâtre, en particulier si elle retourne à ses origines nobles, soit à la réalisation collective d'un grand sentiment religieux ou patriotique, ou tout simplement d'un sentiment humain, en les transformant en notre image moderne. »1 Adolphe Appia, dans cette préface écrite en 1918 pour l'édition anglaise de Die Musik und die Inscenierung von Adolphe Appia2, Music and the Art of Theater, affirme que le théâtre doit se libérer du rapport scène/salle, acteur/spectateur, pour redevenir cet acte social et collectif célébrant un grand sentiment religieux, patriotique ou « tout simplement », humain. Qu'est-ce qui rend une performance collective possible ? Pour Appia, c'est, entre autres, le lieu (n'oublions pas que l'homme, même s'il ne se considérait pas comme tel, est aujourd'hui reconnu comme un grand scénographe), transcription spatiale d'une structure musicale. L'enjeu principal de la Musique et la Mise en scène est de trouver l'harmonie entre l'espace (la mise en scène) et le temps (la 1 APPIA, Adolphe, Music and the Art of Theater, 1962, p.30 (traduction de la rédactrice) 2 APPIA, Adolphe. Die Musik und die Inscenierung von Adolphe Appia, 1899 (édition française : Adolphe Appia. La Musique et la mise en scène, 1892-1897, 1963, Theaterkultur Verlag) 6 musique3). Cette harmonie crée l’œuvre parfaite, totale. En créant le concept d'espaces rythmiques avec Émile Jacques Dalcroze entre 1906 (création de l'institut Jacques Dalcroze à Hellerau, en Allemagne) et 1910, Adolphe Appia crée des espaces scénographiques conçus pour que le corps de l'acteur puisse y évoluer librement, dans un rapport organique, esthétique, géométrique et plus dans une volonté de reproduire le réel comme c'était alors la mode sur les planches. Un espace dédié à l’œuvre, au texte ou au livret. Dans Le Tombeau d'Oedipe4, William Marx affirme que les éléments indispensables à la présentation d'une « tragédie sans tragique » (la tragédie grecque) sont le lieu (encore), l'idée, le corps et le dieu. Tous ces éléments nécessaires au théâtre, que ce soit la musique et l'espace chez Appia, ou ceux que nous venons d'énoncer dans Le Tombeau d'Oedipe, tentent d'établir de nouvelles règles du jeu. Mais pour l'instant, ce jeu n'inclut pas le spectateur. Tout est construit pour que quelqu'un regarde. Comment faire pour que le public soit inclus dans le processus de représentation autrement que comme simple récepteur, comment faire pour qu'il participe ? En premier lieu, dans une de ses acceptions les plus courantes, les plus proches aussi de sens propre, le terme de jeu désigne non seulement l'activité spécifique qu'il nomme, mais encore la totalité des figures, des symboles ou des instruments nécessaires à cette activité ou au fonctionnement d'un ensemble complexe. […] Le mot jeu désigne encore le style, la manière d'un interprète, musicien ou comédien, c'est-à-dire les caractères originaux qui distinguent des autres sa façon de jouer d'un instrument ou de tenir un rôle.[...]Le terme de jeu combine alors les idées de limites, de liberté et d'invention.[...] 5 Selon Roger Caillois, le jeu est à la fois le moment du jeu, l'appareil qui permet de jouer, la liberté et la contrainte qui en découlent. Enfin, « tout jeu est système de règles ». Sans règles, sans codes, pas de rituel, pas de jeu. Le jeu est ce qui permet que, le temps d'un spectacle, la scène et la salle parlent le même langage. Si l'on s'éloigne des représentations strictes du théâtre, trop souvent considéré comme de la littérature mise en scène, et pas assez comme une représentation, une performance, on s'aperçoit qu'il existe des activités, ludiques ou artistiques, qui mettent la participation du public non seulement au centre du processus de création, mais également au centre de la performance elle-même. Notre étude s'attardera sur un exemple précis, celui du jeu de rôle grandeur nature (que nous appellerons Grandeur Nature ou GN). La définition la plus juste qui existe aujourd'hui de cette activité est « une rencontre entre des personnes qui, à travers le jeu de personnages, interagissent physiquement dans un monde fictif ». Cette définition a été établie lors de l'Assemblée Générale de la Fédération Française de Jeu de 3 « [...]la musique dans le drame du poète musicien ne mesure plus seulement le temps, n'est plus seulement une durée dans le temps, mais elle est le temps lui-même, parce que sa durée fait partie intégrante de l'objet de son expression » in APPIA, Adolphe. Oeuvres complètes : Edition élaborée et commentée par Marie L. Bablet Hahn, tome II 189C5-1905, 1986, L'Âge d'homme, p. 55 4 MARX, William. Le tombeau d'Oedipe : pour une tragédie sans tragique. 2012, Les Éditions de Minuit. 5 CAILLOIS, Roger. Les jeux et les hommes : le masque et le vertige. 1967, Gallimard, p.9-11 7 Rôle Grandeur Nature en décembre 2013, en regard du Dogme 996, manifeste nordique publié en 1999 par Lars Wingard et Eirik Fatland. Le jeu de rôle Grandeur Nature est souvent (et faussement) considéré comme "un genre". Le GN est une forme et une méthode d'expression individuelle et collective. Le GN est un médium. Ce médium, comme tous les autres médias (la télévision, le jeu de rôle papier, le théâtre, Internet…) fonctionne selon ses propres et uniques lois7 Le choix de cette activité s'explique par plusieurs raisons ; tout d'abord par les passerelles évidentes qui existent entre le théâtre et le jeu de rôle grandeur nature : nous verrons en effet lors de cette étude que les notions de mise en scène, de catharsis, de public sont très souvent interrogées dans le cadre du GN. Le jeu de rôle a adopté de nombreux codes théâtraux : à quelqu'un qui affirmait un jour « uploads/Geographie/ vers-un-theatre-sans-spectateur-lila-clairence.pdf
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- Publié le Apv 03, 2021
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