Christian LÉVÊQUE RECONQUÉRIR LA BIODIVERSITÉ, MAIS LAQUELLE ? Février 2021 fon
Christian LÉVÊQUE RECONQUÉRIR LA BIODIVERSITÉ, MAIS LAQUELLE ? Février 2021 fondapol.org Henri Rousseau, Paysage exotique avec singes et un perroquet, 1908. New York, collection privée. RECONQUÉRIR LA BIODIVERSITÉ, MAIS LAQUELLE ? Christian LÉVÊQUE La Fondation pour l’innovation politique est un think tank libéral, progressiste et européen. Président : Nicolas Bazire Vice-Président : Grégoire Chertok Directeur général : Dominique Reynié Président du Conseil scientifique et d’évaluation : Christophe de Voogd FONDATION POUR L’INNOVATION POLITIQUE Un think tank libéral, progressiste et européen Née en 2004, la Fondation pour l’innovation politique s’inscrit dans une perspective libérale, progressiste et européenne. Par ses travaux, elle vise deux objectifs : contribuer à un débat pluraliste et documenté, et inspirer la décision publique. Reconnue d’utilité publique, la Fondation met gratuitement à la disposition de tous la totalité de ses travaux sur le site fondapol.org. De plus, sa plateforme data.fondapol permet à chacun de consulter l’ensemble des données collectées dans le cadre des enquêtes. Ses bases de données sont utilisables, dans le prolongement de la politique d’ouverture et de partage des données publiques voulue par le gouvernement. Enfin, lorsqu’il s’agit d’enquêtes internationales, les données sont proposées dans les différentes langues du questionnaire, soit par exemple 33 langues pour l’enquête Démocraties sous tension, menée dans 42 pays. La Fondation peut dédier une partie de son activité à des enjeux qu’elle juge stratégiques. Ainsi, le groupe de travail « Anthropotechnie » examine et initie des travaux explorant les nouveaux territoires ouverts par l’amélioration humaine, le clonage reproductif, l’hybridation homme-machine, l’ingénierie génétique et les manipulations germinales. Il contribue à la réflexion et au débat sur le transhumanisme. « Anthropotechnie » propose des articles traitant des enjeux éthiques, philosophiques et politiques que pose l’expansion des innovations technologiques dans le domaine de l’amélioration du corps et des capacités humaines. La Fondation pour l’innovation politique est indépendante et n’est subventionnée par aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et privées. 6 SOMMAIRE INTRODUCTION..................................................................................................................................................................................................9 I. LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE EN EUROPE : UNE COCONSTRUCTION ENTRE PROCESSUS SPONTANÉS ET ACTIVITÉS ANTHROPIQUES...............14 1. Une biodiversité appauvrie par les glaciations..........................................................14 2. Une anthropisation très ancienne..................................................................................................14 II. L’ÉQUILIBRE DE LA NATURE : UN CONCEPT ÉCOLOGIQUE ÉQUIVOQUE.................................................................................................16 1. L’héritage culturel et la représentation mécaniste de la nature....16 2. Les systèmes écologiques sont dynamiques et adaptatifs. ................17 3. Des futurs incertains et la difficulté de prévoir........................................................19 III. LES ESPÈCES QUI DÉRANGENT. ..........................................................................................................................21 1. Les espèces nuisibles : un qualificatif litigieux........................................................21 2. Les espèces invasives : un phénomène inéluctable ?. ..................................22 3. Peut-on se protéger des pathogènes ?...................................................................................25 4. Services écosystémiques : des biais surprenants..............................................26 IV. L’ÊTRE HUMAIN DÉTRUIT-IL LA NATURE ?.......................................................................................27 1. Des ambiguïtés concernant la notion de nature.....................................................27 2. Des discours paradoxaux..............................................................................................................................28 3. Les aménagements détruisent-ils la biodiversité ?..........................................29 4. Reconquérir quoi ?....................................................................................................................................................30 5. Penser différemment : des « nouveaux écosystèmes »............................32 V. COMMENT CONSTRUIRE LE FUTUR ?..........................................................................................................33 1. Des situations hétérogènes. ......................................................................................................................33 2. Anticiper les réponses à apporter par une diversité d’approches adaptées aux contextes écologiques locaux.................................................................34 3. Les aires protégées ne sont pas la solution universelle............................35 4. Pour un droit de l’environnement flexible et réactif............................................36 7 RÉSUMÉ Adoptée en 2016, la loi sur la biodiversité parle de « reconquérir » la biodiversité. Mais laquelle ? La biodiversité en France métropolitaine est le produit d’une coconstruction entre processus spontanés et aménagements qui se sont succédé au cours des siècles. Elle a changé en permanence sous l’effet des changements climatiques, de l’anthropisation des territoires et des nombreuses espèces introduites volontairement ou accidentellement. Il n’y a donc pas de situation historique qui puisse servir de référence à des projets de restauration. Et s’il n’y a pas d’équilibre de la nature, il n’est pas possible non plus d’établir de normes en la matière sur lesquelles s’appuyer pour élaborer des lois. Pour gérer notre biodiversité, il est donc nécessaire de répondre à la question : quelle(s) nature(s) voulons-nous ? Il faut se fixer des objectifs réalistes qui tiennent compte à la fois de la préservation de ce patrimoine naturel et de considérations économiques et sanitaires, tout en anticipant les changements à venir qui sont inéluctables (réchauffement climatique, naturalisation d’espèces…). L’avenir étant incertain, il faut privilégier une démarche adaptative et pragmatique, en fonction d’objectifs qui peuvent être réactualisés si nécessaire. Nous devons en effet intégrer la prise en compte du changement et le rôle des événements aléatoires dans nos politiques environnementales. 8 - L’affaire Séralini : l’impasse d’une science militante, Marcel Kuntz, Fondation pour l’innovation politique, juin 2019. Également disponible en anglais. - Des plantes biotech au service de la santé du végétal et de l’environnement, Catherine Regnault-Roger, Fondation pour l’innovation politique, janvier 2020. - Des outils de modification du génome au service de la santé humaine et animale, Catherine Regnault-Roger, Fondation pour l'innovation politique, janvier 2020. - OGM et produits d’édition du génome : enjeux réglementaires et géopolitiques, Catherine Regnault-Roger, Fondation pour l’innovation politique, janvier 2020. Également disponible en anglais. - Les biotechnologies en Chine : un état des lieux, Aifang Ma, Fondation pour l’innovation politique, février 2020. Également disponible en anglais. - Glyphosate, le bon grain et l’ivraie, Marcel Kuntz, Fondation pour l’innovation politique, novembre 2020. Également disponible en anglais. Cette étude est le septième volet de la série de la Fondation pour l’innovation politique sur les agritechnologies et les biotechnologies, sous la direction scientifique de Mme Catherine Regnault-Roger, professeur des universités émérite à l’université de Pau et des Pays de l'Adour (E2S), membre de l’Académie d’agriculture de France et de l’Académie nationale de pharmacie. Déjà parues : 9 INTRODUCTION Le terme « diversité biologique » désigne l’ensemble des différentes formes de vie et de leurs habitats existant sur la Terre. L’expression « biodiversité » est, quant à elle, née dans les années 1980, dans le cadre de débats sur l’impact croissant de l’être humain sur la nature et de l’inquiétude de voir disparaître définitivement des espèces et des systèmes écologiques. Elle a connu un succès indéniable, au point que la protection de la diversité biologique est devenue l’un des grands enjeux de société, et qu’elle a fait l’objet d’une Convention internationale sur la diversité biologique, au même titre que la Convention sur le changement climatique. La biologie de la conservation est une discipline scientifique issue de l’écologie scientifique qui se donne pour objectif de développer des outils et des méthodes en vue de protéger la diversité biologique et de restaurer les systèmes écologiques dégradés par les activités humaines. Elle inspire les politiques environnementales telles que la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, promulguée le 8 août 2016 1, après de longs débats. Cette loi introduit notamment les concepts de préjudice écologique 2, de non-régression du droit de l’environnement ou encore de compensation avec « absence de perte nette de biodiversité », qui ne sont pas sans conséquences sur notre vie quotidienne et nos économies. 1. Loi n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, Journal officiel, 9 août 2016 (www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000033016237). 2. Le préjudice écologique est un principe juridique selon lequel la dégradation d'un écosystème et des services qu’il nous rend constitue un préjudice qui justifie des réparations ou des compensations matérielles ou financières le cas échéant. RECONQUÉRIR LA BIODIVERSITÉ, MAIS LAQUELLE ? Christian Lévêque* Directeur de recherches émérite de l’Institut de recherches pour le développement (IRD), ex-directeur du programme interdisciplinaire « Environnement, Vie et Sociétés » du CNRS, président honoraire de l’Académie d’agriculture de France. * L’auteur de la présente note déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts avec le sujet traité. Les opinions exprimées n’engagent pas les instances auxquelles il appartient. 10 fondapol | l’innovation politique Cependant, si nombre de citoyens affichent une réelle empathie vis-à-vis de la nature et sont favorables à la protection de la biodiversité, ils ne savent pas toujours pour autant à quoi les engage la loi de 2016. Il est vrai que la progression démographique de l’espèce humaine et le développement de moyens techniques de production toujours plus puissants ont conduit inexorablement à une emprise croissante de nos sociétés sur la planète, sur les ressources naturelles et sur le monde vivant en général. Il est donc légitime que cette situation crée des inquiétudes et que l’on essaie d’y remédier. Mais derrière le slogan « protéger la biodiversité », nous ne partageons pas nécessairement la même analyse de la situation et des solutions à apporter. Celles-ci doivent reposer sur des bases objectives et transparentes. C'est bien sur la question de la philosophie qui sous-tend la loi et de la prise en compte effective des connaissances scientifiques qu’il y a débat. En effet, de nombreux mouvements de protection de la nature privilégient l’image d’un « paradis perdu », d’une nature bonne et généreuse, pourvoyeuse de biens et de services, dans laquelle tout est harmonie. Par contraste, ils portent un regard particulièrement négatif sur l’être humain, accusé d’être l’ennemi de la biodiversité et de dégrader la nature, par le canal de messages anxiogènes. Mais ils sont uploads/Geographie/192-leveque-biodiversite-fr-2021-02-08-w.pdf
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- Publié le Oct 02, 2021
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