A LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ Geneviève RODIS-LEWIS L'ŒUVRE DE DESCARTES LIBRAIRI

A LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ Geneviève RODIS-LEWIS L'ŒUVRE DE DESCARTES LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN NUNC COCNOSCO EX PARTE THOMAS J. BATA LIBRARY TRENTUNIVERSITY Digitized by the Internet Archive in 2019 with funding from Kahle/Austin Foundation https://archive.0rg/details/luvrededescartesOOOOrodi 'la ^T^A'LVHG A LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ m U publiée sous la direction de M. Georges DAVY Membre de 1 Institut, Doyen honoraire de la Faculté des Lettres de Paris Directeur de la Fondation Thiers Geneviève RODIS-LEWIS Professeur à l’Université de Lyon-II L'ŒUVRE DE DESCARTES LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN 6, Place de la Sorbonne, V* PARIS 1971 fo \ -t , ! © Librairie Philosophique J. VRIN, 1971 Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Printed in France INTRODUCTION « Avancer en la recherche de la vérité... c’est en cela que consiste mon principal bien en cette vie » : cet aveu est d’autant plus émouvant que Descartes allait mourir quatre mois plus tard 3. Le thème traverse toute son oeuvre, des Règles utiles et claires pour la direction de I esprit en la recherche de la vérité, au Discours pour « bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences »b, et à La Recherche de la vérité par la lumière naturelle, inachevée peut-être parce qu’il la commençait à Stockolm k Car la découverte du fonde¬ ment de toute vérité donne « le moyen d’acquérir une science parfaite touchant une infinité de choses » <= ; et « il pourra se passer plusieurs siècles avant qu’on'ait ainsi déduit de ces principes toutes les vérités qu’on en peut déduire » d. Descartes lui-même projetait de . ajoutait : <t Mais je ne puis absolument répondre de l'avenir » à Elisabeth, 9-10-1649, V, 430 (Pour ces abréviations, voir au début du tome II les Notes regroupant, sous une numérotation continue par chapitre, les éclaircissements bibliographiques, historiques et critiques. Mn de ne pas alourdir la première lecture, nous ne gardons en bas de page que les références à Descartes et les textes du philosophe qui eclairent directement notre présentation). Descartes était arrivé à Stockholm au début d’octobre, et aspirait déjà à « retourner en sa solitude » pour mieux travailler. Il mourut le 11 février 1650 : il aurait eu 54 ans le 31 mars. h. DM., VI, 1 et 3 sur le progrès accompli en cette recherche et les « espérances pour l’avenir ». Pour les titres des Regulae, X, 351, 354, 355, et R. 1, ib., 360, sur « la voie droite pour chercher la vérité ». c. Méd., 5, IX, 56. d. Pr., préface, IX-2, 20. 8 DESCARTES compléter les Principes par l’étude des animaux et des plantes, puis par celle de l'homme, s'il ne manquait pas « d’expériences ou de loisir » : la « philosophie » devait, telle un arbre enraciné dans la métaphysique, déployer ses plus hautes branches jusqu’aux disciplines appliquées, mécanique, médecine et « la plus parfaite morale... présupposant une entière connaissance des autres sciences »<=. Mais le savoir humain est-il jamais total ? Le progrès de la recherche est la contrepartie de nos limitations. La première dimension de l’entreprise cartésienne est donc un développement dans le temps. Cependant la fécondité et la validité de la décou¬ verte sont fonction de la solidité des principes : la genèse est subordonnée à la structure. L’ordre analytique des raisons « montre la vraie voie par laquelle une chose a été méthodiquement inventée » f. Encore faut-il avoir forgé la méthode, puis l’avoir justifiée. Descartes est parti de la pratique des mathématiques, et a commencé à éclairer ainsi quelques questions de physique. Cette phase initiale, avec ses lenteurs et ses aspirations encore confuses à trouver la clé de l’univers, est bien loin du système. Or cette histoire de son esprit g, le philosophe a jugé bon de la publier, en la simplifiant quelque peu pour lui donner une continuité exemplaire : certes le lecteur n’en peut revivre les singularités, tandis qu’il sera invité à parcourir lui-même la voie de l’invention, à laquelle les Méditations conservent « la vérité de l’his¬ toire » h, parce qu’elle est alors universalisable. Les deux démarches ne sont pas exclusives, mais complé¬ mentaires 2. La mise en place des rapports de fait et de droit entre la méthode et la science, la science et la e. Ib., 14 et Pr., 4, a. 188. f. 2‘ rép., IX, 121. L’ordre synthétique d’exposition est tantôt la démarche complémentaire, progressant à la façon des géomètres à partir des axiomes et demandes (ih., 122-132), tantôt, dans les Principes, un ordre des matières (H. Burm., V, 153), adapté à l’enseignement par la division en brefs articles. g. Balzac à Descartes, 30-3-1628, I, 570 : « L'Histoire de votre esprit... est attendue de tous nos amis ». h. A Mersenne, 21-4-1641, III, 363, renonçant ainsi à fondre les objections et réponses dans le texte des Méditations. INTRODUCTION 9 métaphysique, est au centre des principales discussions sur Descartes. Avide d’absolu, il a trouvé son contente¬ ment dans les mathématiques, jusqu’au jour où il s’est demandé si leur certitude ne dépend pas d’un principe supérieur. Les libertins croyaient seulement que 2 et 2 font 4 : en est-on indubitablement sûr si Dieu n’existe pas ? Sans une perfection immuable, que valent nos vérités ? L’historien de Descartes doit à la fois ressaisir le fondement de la justification, et, si possible, discerner ce moment décisif où le modèle mathématique acquiert une portée neuve. Dès lors que la métaphysique est première en droit, le détail des recherches qui l’ont pré¬ cédée n’importe plus pour la compréhension du système. Leur datation exacte intervient pourtant dans les débats sur la signification principale du cartésianisme 2. Liard se demandait si « la méthode et les sciences » consti¬ tuant une « œuvre indépendante », élaborée sans la métaphysique, celle-ci ne serait pas un appendice, non indispensable à l’ensemble. Hamelin oppose à Liard l’apparition de préoccupations métaphysiques dès les pensées de jeunesse, et surtout le fait que « les ouvrages systématiques de Descartes » savant « sont postérieurs » à la révolution de 1629, qui découvre l’essentiel des Méditations. Mais cette détermination du moment fon¬ damental reste discutée. La plupart l’admettent, même si plusieurs maintiennent que la physique est « le véri¬ table but » de Descartes, et la métaphysique seulement une « introduction », voire une « œuvre de circonstance ». Au contraire, pour faire surgir « la découverte métaphy¬ sique » des insuffisances de la perspective mécaniste, F. Alquié reprend la chronologie de Liard, pour en ren¬ verser les conclusions : la physique est « pratiquement terminée » avant que Descartes voie « que la science ne pouvait être pensée qu’à partir de ses conditions métaphysiques ». Notre première tâche sera donc de suivre Descartes dans sa « recherche de la vérité », en essayant d’éclai¬ rer, ou du moins de délimiter les zones d’ombre, sur- 10 DESCARTES tout intenses pour la période de jeunesse. Mais elles apparaissent aussi lorsque le philosophe se retire dans le silence, comme pendant les neuf mois de 1629 consa¬ crés à la métaphysique, pour commencer un traité qui ne nous est pas parvenu. La rigueur historique prescrit bien, selon Alquié, de ne jamais utiliser les écrits posté¬ rieurs pour interpréter des textes plus anciens, et de « s’efforcer de lire chaque ouvrage de Descartes, comme si l’on ignorait ceux qui, dans le temps, doivent suivre » Puisque le commencement de métaphysique a disparu, son contenu précis nous échappera toujours. Ne peut-on pourtant faire état, d’abord de ce qu’en dit Descartes lorsqu il sort de sa retraite, ainsi que de l’orientation nouvelle qui se manifeste alors dans ses autres écrits ? Il nous semble même légitime d’en chercher la trace dans des ouvrages ultérieurs, si l’on a de sérieux motifs de penser qu ils en aient repris certains éléments, ou s ils renvoient formellement, par un retour rétrospectif, au moment qu’il s’agit de restituer. Non moins délicate est la datation des notes de jeunesse, qui nous ont été incomplètement transmises par une copie de Leibniz : elles comportent certaines allusions à des traités projetés, dont on ignore et le pro¬ pos, et ce qui en fut jamais rédigé... A cet égard, les bio- graphes ^ et commentateurs du xvii' siècle sont très préeieux, en tant qu ils corroborent ces fragments, et les complètent parfois. Mais, bien qu’ils aient bénéficié d’une tradition encore proche, et accompli leur tâche avec conscience et scrupule, les facilités que s’octroyaient les historiens d’alors nous imposent la plus extrême reserve, ehaque fois que leurs assertions ne sont confir¬ mées par rien. En effet ils comblaient hardiment les lacunes de leur information en déplaçant des anecdotes de date incertaine, ou en exposant les événements géné¬ raux de 1 époque, pour y faire participer Descartes Notre entreprise critique ne retient d’ailleurs ces pro¬ blèmes biographiques que dans la mesure où ils inté¬ ressent la formation ou le développement de la pensée cartésienne. Toutefois les incidences de ces questions sont assez importantes dans la uploads/Geographie/a-la-recherche-de-la-verite-genevieve-rodis-lewis-l-x27-oeuvre-de-descartes-tome-premier-vrin-1971-pdf.pdf

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