Dynamique d’une situation linguistique : Le marché linguistique au Maroc 1. Les
Dynamique d’une situation linguistique : Le marché linguistique au Maroc 1. Les variétés linguistiques en présence .......................................................71 1.1. Introduction ................................................................................................71 1.2. Genèse du marché linguistique ..............................................................71 1.2.1. L’amazighe ..........................................................................................71 1.2.2. L’arabe ................................................................................................73 1.2.3. L’espagnol ..........................................................................................74 1.2.4. Le français .........................................................................................75 1.3. Typologie des langues ..............................................................................75 1.3.1. La standardisation ............................................................................75 1.3.2. L’histoire .............................................................................................76 1.3.3. L’autonomie ........................................................................................76 1.3.4. La vitalité .............................................................................................77 1.4. Statut des langues ....................................................................................79 1.4.1. L’arabe standard ...............................................................................79 1.4.2. L’arabe dialectal ................................................................................79 1.4.3. L’amazighe ..........................................................................................79 1.4.4. Le français ........................................................................................79 1.4.5. L’espagnol ...........................................................................................80 1.5. Degré d’usage des langues ......................................................................80 1.6. Usage sociaux des langues ......................................................................81 1.7. Fonctions sociolinguistiques des langues .............................................83 1.7.1. L’arabe standard ................................................................................83 1.7.2. L’arabe dialectal .................................................................................83 1.7.3. L’amazighe ...........................................................................................84 1.7.4. Le français .........................................................................................84 1.7.5. L’espagnol ...........................................................................................84 1.8. Conclusion ...................................................................................................85 2. Marché linguistique et compétition symbolique..........................................86 2.1. Introduction .................................................................................................86 2.2. Habitus linguistique et représentation ...................................................86 2.2.1. Habitus linguistique et choix des langues ....................................87 2.2.2. Savoir linguistique, attitudes et représentations ........................88 69 somgt9-5 69 22/12/05, 14:22:50 70 2.3. Bilinguisme avec et sans diglossie .........................................................92 2.4. Diglossies enchâssées ..............................................................................94 2.4.1. La diglossie arabe standard-arabe dialectal ................................95 2.4.2. La diglossie arabe dialectal-amazighe ..........................................95 2.4.3. La diglossie arabe standard-français ............................................96 2.5. Conclusion ...................................................................................................97 3. Modernité et conflit linguistique ....................................................................97 3.1. Introduction .................................................................................................97 3.2. Arabisation et stratégie de légitimation .................................................98 3.3. Francophonie et capital symbolique .....................................................103 3.4. Anglophonie et nouvelle technostructure ...........................................107 3.5. Conclusion .................................................................................................111 Références et bibliographiques........................................................................111 AHMED BOUKOUSS 70 somgt9-5 70 22/12/05, 14:22:51 71 1. Les variétés linguistiques en présence 1.1. Introduction Les variétés linguistiques que les locuteurs marocains peuvent utiliser pour leurs besoins de com- munication à des degrés de maîtrise inégaux sont, d’un côté, les langues nationales, viz. (l’amazighe avec ses différents dialectes, l’arabe standard, l’arabe normalisé, indépendamment de son caractère classique ou moderne, et l’arabe dialectal avec ses diverses variétés, et, de l’autre côté, les langues étrangères qui appar- tiennent au paysage linguistique marocain depuis leur imposition par la colonisation, viz., l’espagnol et le fran- çais). Nous allons procéder dans ce chapitre à la description du marché linguistique en nous intéressant notamment à la formation de ce marché et aux caractéristiques sociolinguistiques des langues en présence. 1.2. Genèse du marché linguistique Considérons succinctement la genèse du marché linguistique en examinant sommairement l’arrière-plan historique des différentes langues qui fonctionnent dans la communauté linguistique marocaine actuelle (v. la carte linguistique en fin d’ouvrage). 1.2.1. L’amazighe Nous entendons par amazighe, ce que l’on dénomme traditionnellement le berbère dans la tradition dialec- tologique occidentale ou tamazighte dans la littérature linguistique et culturelle maghrébine. Nous préférons la dénomination amazighe pour les raisons suivantes : (i) Le terme berbère est dérivé de barbare, cette dénomination est étrangère aux communautés qui uti- lisent cette langue, il est le produit de l’ethnocentrisme gréco-romain qui qualifiait de barbare tout peuple, toute culture et toute civilisation marqués du sceau de la différence. (ii) Le terme tamazighte est la dénomination originelle que donnent les communautés concernées à leur langue; ce terme, du genre féminin, ne peut être employé sous cette forme en français où les noms de langue sont employés au masculin, e.g., le chinois, le wolof, le flamand, le guarani, etc.; ainsi pour dénommer en français la langue arabe et la langue persane, on emploie respectivement les termes l’arabe et le persan non al-carabiya et al-fârsi, par exemple. (iii) L’emploi du terme amazighe, qui présente l’avantage d’être conforme à la morphologie des noms de langue en français, est également attesté sous cette forme dans la littérature classique, notamment par Awzal (XVIIè siècle) qui écrit dans Al-ëawY, awal amazighe et non tamazighte ou barbariya. (iv) L’adoption du terme amazighe permet de distinguer l’amazighe en tant que langue-mère du tama- zighte en tant que dialecte spécifique à la région du Maroc central. 72 (v) Concernant l’usage de ce terme comme anthroponyme, pour éviter la variation morphologique propre à la langue amazighe mais qui n’est pas censée être connue de ceux qui n’en maîtrisent pas la gram- maire, on utilisera l’appellation Amazighes au lieu des termes Berbères ou Berbers consacrés dans la littérature occidentale, on évitera le terme Imazighen qui est la forme du pluriel de amazighe; de même on emploiera amazighe comme forme de l’adjectif au masculin et au féminin singulier, la forme du plu- riel sera amazighes; selon la même logique, les locuteurs de l’amazighe seront appelés amazig- hophones et non berbérophones ou tamazightophones. L’amazighe constitue la langue la plus anciennement attestée dans le pays et au Maghreb en général. En effet, des documents archéologiques de l’Égypte ancienne font remonter l’histoire écrite des Amazighes (les Berbères) à 5 000 ans au moins (v. Vycichl, 1988). Les protohistoriens postulent que les Amazighes se sont installés en Afrique du Nord au Néolithique, certains les considèrent comme des autochtones, d’autres comme originaires de la rive nord de la Méditerranée, d’autres encore ramènent leurs origines au sud de la péninsule arabique; l’origine des Amazighes est une question fortement marquée par les présupposés idéo- logiques, elle ne nous intéresse pas ici (v. Camps, 1987). Présentement, la langue amazighe est fractionnée en aires dialectales; elle est employée surtout à travers les régions rurales, voire montagneuses, elle est aussi de plus en plus en usage dans les villes, suite à l’exode rural des Amazighes et à l’urbanisation des régions amazighophones. L’amazighe se subdivise grosso modo en trois groupements dialectaux dénommés le tarifite, le tama- zighte et le tachelhite; les frontières entre les aires dialectales ne sont pas toujours évidentes, à défaut d’enquêtes dialectologiques et d’atlas linguistiques, il est difficile de délimiter avec quelque précision les iso- glosses. Considérons sommairement les trois variétés dialectales retenues. 1. Le tarifite est un ensemble de parlers employés dans la région du nord-est en général et dans la chaîne du Rif en particulier. Cette aire comprend entre autres les tribus suivantes : Temsamane, Ayt Touzine, Ayt Ouaryaghel, Iboqqoyen, Ayt Hteft, IqerCiyen, Igznayen, etc. Les principales villes où le tarifite est parlé sont Melilla, Nador, Alhouceima, Aknoul, Zaio, Tétouan, Tanger, etc. Il existe aussi une importante communauté tarifitophone émigrée en Europe occidentale, notamment en Allemagne et en Hollande (v. Otten, 1990). La région des Beni Iznassen à l’est et celle des Senhaja de Sraïr à l’ouest sont fortement marquées par le contact avec les parlers de l’arabe dialectal, respectivement le parler bédouin (bedwi) et le parler jebli. 2. La variété tamazighte est utilisée comme premier idiome dans une aire s’étendant entre le Jbel Saghro au sud et le couloir de Taza au nord, entre l’oued Grüu à l’ouest et le cours de la Moulouya moyenne à l’est. Les principaux groupements humains installés dans cette aire sont Ayt Ouarayne, Ayt Seg- hrouchen, Ayt Youssi, Ayt Sgougou, Zemmour, Guerouane, Ayt Mguild, Zayyane, Ayt Yafelmane, Ayt Sokhmane, Ayt Catta, etc. Parmi les centres urbains dans lesquels cette variété est employée, il y a Meknès, Azrou, Sefrou, Khenifra, El Hajeb, Khemisset, Boulmane, Errachidia, Goulmima, etc. Les zones de contact avec l’arabe bédouin se situent dans les basses régions et dans le piémont (dir), notamment les tribus Zemmour et Guerouane dans la plaine du Gharb, les tribus Zayyane, Ayt Sokhmane, Ayt Err- bac et Ayt Selti dans la plaine de Tadla; les tribus Ayt Yafelmane et Ayt cAna dans le Tafilalet et les tri- bus Ayt Seghrouchen et Ayt Ouarayne à l’est, etc. 3. Le tachelhite est employé dans une aire ayant la forme d’un parallélogramme limité au nord par une ligne cartographique reliant Essaouira à Tanant dans la province d’Azilal, à l’est et au sud par le cours du Dra et à l’ouest par l’Océan Atlantique. Cet ensemble comprend un certain nombre de communautés, dont les suivantes : à l’ouest, Ihahane, Ida Outanane, Achtouken, Ayt Baâmrane, Ilalen, Ida Oultite, etc.; au centre, Imtouggen, Idemsiren, Igedmiwen, Ida Ouzddaghe etc.; à l’est Ayt Ouaouzguite, Indouzal, 73 Isouktan, etc. Les principales villes où l’on parle ce dialecte sont les agglomérations urbaines de la région comme Agadir, Tiznit, Inezgane, Taroudant, Ouarzazate, Imi N Tanoute, Essaouira et également les villes où résident les émigrants, principalement Casablanca, Marrakech, Rabat, Fès, Meknès, Mohammedia, Tanger. Il existe également une forte communauté tachelhitophone à l’étranger, surtout en France, en Belgique et en Hollande. Les zones de contact avec l’arabe bédouin se situent au nord de cette aire aux alentours de Chichaoua, de Marrakech, de Taroudant, de Tiznit, de Goulimine, de Ouar- zazate et à proximité des tribus Achtouken et Massat dans le Souss. 1.2.2. L’arabe L’histoire de la présence de la langue arabe au Maroc peut être segmentée en quelques phases relative- ment nettes : l’intromission au VIIè siècle, l’implantation au IXè siècle, le renforcement au XIIè siècle et enfin la consolidation au XVè siècle (v. G. Marçais 1946, Terrasse, 1949). 1. La langue arabe est introduite au Maroc vers le milieu du VIIè siècle de l’ère chrétienne avec les pre- mières troupes musulmanes, d’abord sous la direction de COqba Ibnou Nâfic en l’an 640 puis sous celle de Moussa Ibnou Noussayr en l’an 711. Il est vraisemblable que la densité de la présence de la langue arabe était alors négligeable dans la mesure où le nord-ouest du Maroc était quasiment la seule région concernée par la uploads/Geographie/boukous-pdf.pdf
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- Publié le Jan 26, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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