123 Éducation & formations n° 80 [ décembre 2011 ] Méthodes internationales pou
123 Éducation & formations n° 80 [ décembre 2011 ] Méthodes internationales pour comparer l’éducation et l’équité L e niveau d’éducation de la population d’un pays résume l’enseignement qu’elle a reçu. C’est le « capital humain » d’un pays, le stock de connaissan- ces et savoir-faire de sa population. Les données, recueillies par enquête auprès de la population, d’adultes comme de jeunes, traitent de l’éduca- tion, façonnée par l’histoire de chaque pays et complexe à comparer de l’un à l’autre. Cet article complète ceux, dans cette même revue, de Annick Kieffer sur les méthodes des sociologues com- paratistes, de Rémi Tréhin-Lalanne sur le contexte et l’usage des statistiques internationales de l’éducation, celui sur les notions d’éducation et enfin celui de Claude Sauvageot sur la nouvelle Classification Internationale Type de l’Éducation (CITE) soumise à l’approbation de la Conférence géné- rale de l’UNESCO de 2011. La première partie présente l’ori- gine des méthodes, au plan mondial, de l’après-guerre à la fin des années quatre-vingts. La deuxième partie décrit l’utilisation croissante des statistiques et leurs traitements par les pays les plus développés de l’Or- ganisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) et de l’Union européenne. La troisième partie montre, entre 1997 et 2008, le recul de la proportion des moins for- més et la hausse de celle des diplômés de l’enseignement supérieur, parmi les jeunes adultes de treize pays. La quatrième partie expose les dévelop- pements méthodologiques importants accomplis récemment, en connexion avec la révision de la classification internationale. Précisons que la terminologie exacte des traductions françaises et anglaises des textes officiels est res- pectée, sauf mention contraire. PREMIÈRES DONNÉES ET DÉFINITION DE L’UNESCO Après un bref rappel du contexte, sont examinés ici l’origine de la notion de niveau d’enseignement des statis- tiques internationales sur les effectifs d’élèves et étudiants, les modalités d’introduction d’une définition statis- tique du niveau d’instruction, absente des premiers projets, dans la recom- mandation UNESCO, puis son mode de mesure et les tableaux publiés par les annuaires statistiques. Niveau d’éducation : que mesurent les statistiques internationales ? Pascale Poulet-Coulibando Bureau des études statistiques sur la formation des adultes Le niveau d’éducation de la population est, depuis l’origine, un sujet à la frontière entre disciplines et compétences. Il décrit des choses différentes, l’année d’études la plus élevée accomplie par une personne, le degré d’enseignement auquel elle a accédé, ou bien encore qu’elle a terminé avec succès. Cet article est méthodologique. Sa démarche est historique. Il présente les normes internationales de l’éducation guidant les statistiques, de la première définition d’un niveau d’instruction de la population par l’UNESCO jusqu’aux derniers développements d’Eurostat et du projet d’indicateurs sur les systèmes éducatifs de l’OCDE. Éducation & formations n° 80 [décembre 2011 ] 124 L’UNESCO est dépositaire de rap- ports des pays sur la situation de l’éducation, étayés de statistiques, pour veiller à la concrétisation du droit à l’éducation pour tous, proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les statistiques nationales sont difficiles à comparer entre elles. Pour améliorer leur comparabilité et permettre leur récapitulation, un jeu concis de définitions, classements et tableaux est arrêté par la Conférence générale de l’UNESCO de 1958, sous forme d’une recommandation (voir p. 17 « Les notions statistiques de l’éduca- tion , de l’enseignement habituel à l’éducation formelle »). Le degré d’enseignement, « niveau » en anglais Au début des années cinquante, les premières enquêtes mondiales sur l’éducation de l’UNESCO exposent ensemble explications sur l’organisation des enseignements et statistiques natio- nales. Dans tous les pays, des établisse- ments dispensent des enseignements de complexité inégale, se succédant les uns aux autres selon des règles particu- lières. Partout, des enseignants trans- mettent des savoirs élémentaires aux jeunes enfants, avant de transmettre des connaissances de plus en plus élaborées et complexes aux plus âgés. Comment comparer entre pays ces ensei- gnements ? Les noms des établissements s’y prêtent mal. « Collège », par exemple, revêt un sens différent au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France. Depuis les années trente, les comparatistes préconi- sent de créer une terminologie artificielle que les pays puissent appliquer uniformé- ment. Aussi, parallèlement à l’exploita- tion des premières enquêtes mondiales, un comité d’expert international, autour du Professeur Idenburg (Pays-Bas), s’emploie à élaborer des règles d’équi- valence des contenus d’enseignements. Le comité intergouvernemental chargé d’élaborer la recommandation met à pro- fit son expérience. La recommandation de 1958 définit trois degrés qui, aujourd’hui encore, structurent la connaissance des « systèmes » éducatifs. Le premier degré est l’enseignement primaire. Le second degré est l’enseignement secondaire. Le troisième degré est l’enseignement supérieur. Le second degré est défini de la façon suivante. Il « implique quatre années au moins d’études préalables dans le premier degré et […] donne une formation générale ou spécialisée ou les deux » (UNESCO, 1958b). Les traductions officielles de la recommandation de 1958 nomment degré en français, ce qu’en anglais elles nomment « niveau » (level). Ce terme « niveau » est utilisé, ci-dessous, pour traduire John Smyth : «… bien qu’évitant une définition formelle du terme niveau, le comité intergouver- nemental […] comme le comité d’ex- perts de 1951, ont conçu les “niveaux” comme les marches d’une échelle, en étapes successives d’un processus d’instruction allant de l’école enfantine ou maternelle […] jusqu’à l’université. […] La terminologie “niveaux” […] était artificielle au sens d’avoir été “produite artificiellement”, mais elle peut être plus facilement comprise en tant que métaphore, la métaphore étant celle d’une échelle de longueur indéterminée avec un certain nombre de marches. » (traduit de Smyth, 2008). Des statistiques sur le niveau d’instruction en plus de celles sur l’analphabétisme Le texte final de la recomman- dation de 1958 comprend des para- graphes sur le niveau d’instruction de la population, absents de son projet initial. Ceux-ci sont séparés de ceux sur l’analphabétisme, présentés brièvement. L’UNESCO calcule que la popula- tion adulte de la moitié des pays et territoires est en majorité analpha- bète en 1950. Les données sur l’anal- phabétisme viennent alors le plus souvent des recensements, pour les- quels la Commission de la population des Nations unies a développé ses propres recommandations. L’UNESCO élabore des recommandations sur leur mesure, au motif que l’évaluation projetée est continue et que d’autres sources que le recensement peuvent être mobilisées (UNESCO, 1958a). Différentes sources et méthodes sont envisagées par le rapport pré- liminaire, soumis à la consultation des pays. Au titre des méthodes, le projet envisage une question directe sur la capacité à lire et comprendre un « exposé simple et bref relatif à la vie quotidienne », une épreuve-type « conçue spécialement à cet effet », ou encore une question indirecte sur le nombre d’années « pendant lesquelles l’intéressé a fréquenté l’école avec succès » (UNESCO, 1958a). Lors de la consultation, les Pays- Bas, influents, suggèrent deux ques- tions différentes, l’une sur la capacité à lire et écrire et l’autre sur le « degré d’instruction atteint ». L’Inde suggère également à l’UNESCO d’introduire des statistiques sur les « différents niveaux d’instruction auxquels les gens sont parvenus » (UNESCO, 1958a). Les pays dont les recen- sements ou sondages mesurent le niveau d’instruction procèdent alors en majorité au moyen d’une question commune à l’analphabétisme et en minorité au moyen d’une question distincte (UNESCO, 1961). Thème 125 Éducation & formations n° 80 [décembre 2011 ] LE NIVEAU D’INSTRUCTION MESURE L’ANNÉE D’ÉTUDES ACCOMPLIE OU, À DÉFAUT, LE DEGRÉ ATTEINT (RECOMMANDATIONS DE 1958 ET 1978) La définition du niveau d’instruc- tion ne décrit pas un objet, ni un concept, mais deux types de données passibles d’être présentées. Aux fins statistiques, « Le niveau d’instruction d’une personne est celui qui correspond à la dernière année d’études accomplie ou au plus haut degré atteint par cette personne dans le système d’enseignement de son État ou d’un autre État. » (UNESCO, 1958b). Les données sont recueillies par une question du recensement ou d’une enquête par sondage, si possi- ble. La question porte de préférence sur l’année d’études et, à défaut, sur le degré d’enseignement atteint (pri- maire, secondaire ou supérieur). Les données peuvent être décomposées en fonction de l’orientation générale ou technique d’un enseignement secondaire et du cursus, universitaire ou non, de l’enseignement supérieur. Le niveau d’instruction est ainsi défini, en 1958, par une distribution de la population, soit en fonction de l’année d’études la plus élevée accomplie, soit en fonction du degré d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur auquel la personne a eu accès. Ces deux distributions diffèrent l’une de l’autre. De fait, le niveau d’instruction est défini par les données existantes, possibles à présenter sous forme de tableaux. Les soixante-dix pays qui mesurent le niveau d’instruction de leur population, par recensement ou enquête, opèrent de deux manières différentes. La moitié distribue la population en fonction de la dernière année d’études achevée avec succès, conformément aux recommandations de l’ONU et de l’Institut américain de statistiques. L’autre moitié, compre- nant la majorité des pays d’Europe et certains d’Asie et d’Afrique, recueille le degré d’enseignement atteint (UNESCO, 1961). La nette préférence en faveur du recueil de l’année d’études, terminée avec succès, est justifiée par l’intérêt accordé au uploads/Geographie/depp-eetf-2011-80-niveau-education-statistiques-internationales-203312.pdf
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- Publié le Nov 20, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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