ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 433–434, 2010 31 * Insee et Crest (Paris). Adresse m

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 433–434, 2010 31 * Insee et Crest (Paris). Adresse mél : romain.aeberhardt@ensae.fr ** CNRS et Crest (Paris), CEPR (Londres), IZA (Bonn). Adresse mél : fougere@ensae.fr *** Insee et Crest (Paris), IZA (Bonn). Adresse mél : julien.pouget@insee.fr **** Crest (Paris). Adresse mél : roland.rathelot@ensae.fr Les auteurs tiennent à remercier, pour leurs remarques et suggestions constructives, les deux rapporteurs anonymes d’Économie et Statistique, les participants à différents séminaires et conférences, ainsi que Jim Albrecht, Manon Domingues Dos Santos, Guy Laroque, David Neumark, Sébastien Roux, Patrick Simon et François-Charles Wolff, qui ont bien voulu lire et commenter des versions antérieures de cette étude. Nous restons toutefois entièrement responsables des insuffisances et erreurs qui pourraient subsister dans cet article. TRAVAIL - EMPLOI L’emploi et les salaires des enfants d’immigrés Romain Aeberhardt*, Denis Fougère**, Julien Pouget*** et Roland Rathelot**** Les Français ayant au moins un parent immigré originaire du Maghreb ont des taux d’emploi inférieurs de 18 points et des salaires 13 % inférieurs à ceux des Français dont les deux parents sont français de naissance. Notre étude cherche à déterminer quelle part de ces écarts peut être attribuée aux niveaux de diplômes obtenus, à l’âge, au lieu de résidence, à la situation familiale des personnes, etc. Pour cela, nous commençons par estimer des équations d’emploi et de salaire sur la population des Français n’ayant pas de parents immigrés. Puis, nous utilisons ces esti- mations pour attribuer aux Français d’origine maghrébine un niveau d’emploi et un salaire « potentiels » qui tiennent compte de leurs caractéristiques individuelles obser- vées. Un soin particulier est apporté au traitement de la sélection pouvant affecter le processus d’accès à l’emploi. Les résultats montrent que le fait que cette population soit, entre autres, plus jeune et moins diplômée en moyenne, ne rend compte que de 4 des 18 points d’écart de taux d’emploi. En revanche, les différences de caractéristiques individuelles observées expli- quent totalement les écarts de salaires entre les deux groupes. Ces résultats demeurent identiques si l’on considère séparément les hommes et les femmes. Les Français ayant au moins un parent immigré originaire d’Europe du Sud ont des taux d’emploi égaux à ceux des Français dont les deux parents ne sont pas immigrés et des salaires inférieurs de 2 %. Là encore, cet écart s’explique entièrement par les différen- ces de caractéristiques observables entre ces populations, en particulier par des niveaux d’éducation différents. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 433–434, 2010 32 M algré l’abondante littérature internatio- nale, tant théorique que statistique, consa- crée à l’analyse des discriminations (voir enca- dré 1), la situation française a été jusqu’ici peu examinée par les économètres, alors même que les statistiques disponibles (Insee, 2005) font apparaître des écarts importants, notamment en termes d’accès à l’éducation et à l’emploi, entre les immigrés et le reste de la population. Toutefois, l’intérêt pour cette question a cru au cours de ces dernières années, sous l’influence combinée de l’actualité politique et sociale et de la mise à disposition d’ensembles de sources statistiques plus précises et plus riches. Plusieurs études, relativement récentes, témoi- gnent de cet intérêt croissant (1). Ainsi, Fougère et Safi (2005, 2009) ont utilisé des données lon- gitudinales provenant des recensements généraux de la population pour montrer que l’acquisition de la nationalité française a un impact positif sur l’accès à l’emploi des immigrants. Cette « prime à la naturalisation » semble particulièrement importante pour les groupes d’immigrants qui s’insèrent plus difficilement sur le marché du tra- vail, notamment les hommes originaires d’Afri- que sub-saharienne et du Maroc et les femmes originaires de Turquie et du Maghreb. Les études de Silberman et Fournier (1999), et de Meurs et al. (2006) montrent que les descendants d’im- migrés pourraient subir des discriminations sur le marché du travail. Pouget (2005) centre son analyse sur les difficultés d’accès à la fonction publique. Dans une étude similaire, Aeberhardt et Pouget (2010) décomposent les écarts de salai- res entre les Français dont les deux parents sont nés en France et ceux dont les deux parents sont nés au Maghreb, en prenant en compte la sélec- tion affectant l’accès aux différentes catégories socioprofessionnelles. Ils ne trouvent pas d’écarts salariaux systématiques, mais des probabilités inégales d’accès aux emplois de cadres. On peut également noter une série de travaux réalisés par le Céreq à partir de l’enquête Génération 92, por- tant plus spécifiquement sur les jeunes (2). Toutefois, aucun de ces travaux n’examine de façon simultanée l’accès à l’emploi et les salai- res des Français d’origine étrangère, notamment de ceux nés de parents immigrés. C’est l’objectif que poursuit notre article en mobilisant les don- nées des enquêtes Emploi réalisées par l’Insee de 2005 à 2008 (3). Plus précisément, notre but est ici d’estimer les parts explicable et plus diffici- lement explicable des écarts de salaire et de pro- babilité d’emploi qui existent entre les Français d’origine étrangère et ceux dont les deux parents sont nés français. Cette estimation est conduite ici en tenant compte de la sélection potentielle affectant l’accès à l’emploi, la discrimination (si discrimination il y a) pouvant survenir tout aussi bien à ce stade qu’au moment de la rémunération proprement dite. Ce faisant, nous devons tenir compte d’une difficulté à laquelle les chercheurs utilisant des données d’enquête en population générale font fréquemment face, à savoir la fai- blesse relative des sous-échantillons de personnes potentiellement discriminées et l’imprécision sub- séquente des paramètres qui sont au centre de ce type d’étude. Les propositions méthodologiques que nous faisons dans cet article sont une réponse à cette difficulté, inhérente au sujet traité. Un champ d’étude plus large que celui lié à la nationalité et au lieu de naissance des parents 1 2 3 Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l’Intégration, un immigré est une personne vivant en France, et née étrangère à l’étranger. En France, rappelons qu’il existe peu de sour- ces statistiques permettant de connaître tout à la fois la situation des personnes enquêtées sur le marché du travail, leur salaire et leur origine nationale. Lorsqu’en outre on souhaite s’intéres- ser aux enfants d’immigrés, il faut, d’une part, connaître la nationalité à la naissance et le lieu de naissance de leurs parents et, d’autre part, dis- poser de l’âge d’arrivée en France des person- nes enquêtées. Ces variables sont disponibles dans l’enquête Formation et qualification pro- fessionnelle réalisée par l’Insee en 2003, mais la taille des échantillons concernés par le champ de cette étude est très réduite. En revanche, dans l’enquête Emploi en continu (EEC), toutes ces variables sont disponibles pour les individus qui sont entrés dans le dispositif à partir du premier trimestre 2005. Cependant, le champ de notre étude est défini à partir d’un critère objectif un peu plus large que celui lié à la nationalité et au lieu de naissance des parents. Nous retenons en effet les personnes nées en France, ou arrivées en France avant l’âge de cinq ans, et dont au moins l’un des deux parents était de nationalité étrangère à la naissance (nationalité d’un pays 1. L ’étude de Dayan et al. (1996) fait toutefois figure d’article précurseur. 2. Voir, par exemple, Dupray et Moullet (2004), qui trouvent notamment des différences plus marquées dans l’accès à l’em- ploi qu’en matière de salaire. 3. Notre étude généralise l’étude de Boumahdi et Giret (2005) qui, avec une méthodologie proche de la nôtre, examinent le cas d’une cohorte de sortants de l’enseignement secondaire en 1994. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 433–434, 2010 33 du Maghreb pour le premier groupe, et d’Eu- rope du Sud pour le second) (4). L’enquête Emploi en continu, une source statistique permettant d’étudier avec suffisamment de précision l’emploi et les salaires des enfants d’immigrés Depuis 2003, l’Insee a remplacé son enquête annuelle sur l’emploi par une enquête trimes- trielle, dite enquête4 Emploi en continu (EEC). Cette enquête est la seule qui permette de mesu- 4. Les personnes arrivées en France après leur naissance, mais avant l’âge de cinq ans, sont peu nombreuses. Dans notre échan- tillon, elles sont au nombre de 76 dans le cas où un seul parent est d’origine maghrébine (contre 1 117 nées en France dans ce même cas), et 333 dans le cas où les deux parents sont de cette origine (contre 2 045 nées en France dans ce même cas) ; elles sont au nombre de 94 dans le cas où un seul des parents est originaire d’un pays d’Europe du Sud (contre 2 782 nées en France dans ce même cas), et 372 lorsque les deux parents sont de cette même origine (contre 2 132 nées en France dans ce même cas). Encadré 1 Les discriminations : arguments théoriques et mises en évidence empiriques On caractérise généralement la discrimination comme une situation dans laquelle des personnes, par ailleurs semblables, sont traitées de manière différente par les employeurs, les loueurs de logement, les agents de l’État, etc., en raison de leur appartenance à des grou- pes démographiques ou sociaux distincts. Depuis une trentaine d’années, les économistes et les économètres ont construit un ensemble d’outils adaptés à l’étude tant uploads/Geographie/l-x27-emploi-et-les-salaires-des-enfants-d-x27-immigres.pdf

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