La citation de la semaine… Gloria Anzaldúa… Publié le 25 août 2014 par Bruno Ri

La citation de la semaine… Gloria Anzaldúa… Publié le 25 août 2014 par Bruno Rigolt – « Pour survivre à la Frontière, il te faut vivre sans frontières, être un croisement de chemins… » To survive the Borderlands you must live sin fronteras be a crossroads… – To Live in the Borderlands Vivre à la Frontière To live in the borderlands means you Vivre à la frontière ça veut dire are neither hispana india negra española que tu n’es ni latina, indienne, black, espagnole ni gabacha¹, eres mestiza, mulata, half-breed ni blanche¹, tu es métisse, mulâtre, sang-mêlée caught in the crossfire between camps prise dans le feu croisé des camps ennemis while carrying all five races on your back tandis que tu portes les cinq races sur ton dos not knowing which side to turn to, run from; Ne sachant de quel côté te tourner, ni où aller ; To live in the Borderlands means knowing that the india in you, betrayed for 500 years, Vivre à la frontière ça veut dire assumer que l’indienne qui est en toi, trahie pendant 500 ans, is no longer speaking to you, ne te parle plus, the mexicanas call you rajetas, that denying the Anglo inside you ça veut dire que les mexicanas te traitent de renégate, et que nier l’Anglo qui est en toi is as bad as having denied the Indian or Black; est aussi néfaste que d’avoir nié l’Indienne ou la Noire ; Cuando vives en la frontera Quand tu vis à la frontière people walk through you, the wind steals your voice, les gens marchent dans tes pas, le vent vole ta voix, you’re a burra, buey, scapegoat, tu es une bourrique, un bœuf, un bouc émissaire forerunner of a new race, mais annonciatrice d’une nouvelle race, half and half —both woman and man, neither—a new gender; moitié-moitié —autant une femme qu’un homme et aucun des deux— d’un nouveau genre ; To live in the Borderlands means to Vivre à la Frontière, ça veut dire put chile in the borscht, mettre du chili dans le bortsch, eat whole wheat tortillas, manger des tortillas au blé complet² speak Tex-Mex with a Brooklyn accent; parler Tex-Mex avec l’accent de Brooklyn ; be stopped by la migra at the border checkpoints; être arrêtée par les patrouilles de la migra³ aux points de contrôle ; Living in the Borderlands means you fight hard to Vivre à la Frontière, ça veut dire qu’il te faut batailler Espace Pédagogique Contributif Cours de Français de M. Bruno Rigolt – Lycée en Forêt – Montargis (France). Cahier de texte électronique – Ressources Pédagogiques en Ligne – Culture générale ferme resist the gold elixir beckoning from the bottle, pour résister à l’attrait de l’élixir d’or qui coule à flot, the pull of the gun barrel, à l’appel du pistolet, the rope crushing the hollow of your throat; à la corde qui noue le creux de ta gorge ; In the Borderlands À la Frontière you are the battleground c’est toi le champ de bataille where enemies are kin to each other; sur lequel les ennemis pactisent entre eux ; you are at home, a stranger, même chez toi, tu es une étrangère, the border disputes have been settled les conflits frontaliers ont été réglés the volley of shots have scattered the truce mais la détonation des tirs a réduit à néant la trêve you are wounded, lost in action tu es blessée, abandonnée à toi-même, dead, fighting back; morte, résistante ; To live in the Borderlands means Vivre à la Frontière ça veut dire the mill with the razor white teeth wants to shred off que le laminoir aux dents blanches acérées veut déchiqueter your olive-red skin, crush out the kernel, your heart ta peau rouge-olivâtre, broyer le noyau, écraser ton cœur pound you pinch you roll you out te pilonner te compresser t’étaler smelling like white bread but dead; jusqu’à ce que tu sentes le pain blanc à en crever ; To survive the Borderlands Pour survivre à la Frontière you must live sin fronteras il te faut vivre sin fronteras [sans frontières] be a crossroads. être un croisement de chemins. Gloria E. Anzaldúa Borderlands, La Frontera: The New Mestiza San Francisco Spinsters/Aunt Lute, 1987, page 194 Traduction française : Bruno Rigolt NOTES 1. gabacho/a : à l’origine, ce terme péjoratif désignait en argot espagnol les étrangers, essentiellement français. Au Mexique, le terme fait référence aux non-latinos (les Anglo-saxons). Ici, le terme désigne dans le vocable des Chicanos et dans les communautés hispaniques les Américains blancs. 2. tortillas au blé complet : dans la cuisine mexicaine, cette galette est préparée traditionnellement à base de maïs. 3. la Migra : ce terme, dérivé de l’Espagnol migración, désigne familièrement les patrouilles chargées de traquer les immigrants illégaux sur toute la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Gloria Anzaldúa ou la « mestiza consciousness »… Poète, essayiste, féministe convaincue et militante homosexuelle, Gloria Evangelina Anzaldúa (Raymondville, Texas, 1942 – Santa Cruz, Californie 2004)|1| a fortement marqué la vie intellectuelle outre-Atlantique. Ayant grandi près de la frontière américano-mexicaine au sud du Texas, dans la basse vallée du Rio Grande, elle a fait partie des pionnières de la culture Chicana|2| et Latina-états-unienne qui revendique « une politique de l’identité hybride et métisse »|3|. Tel est précisément l’objet de Borderlands, La Frontera: The New Mestiza. Publié en 1987, cet ouvrage qui est lui même hybride (à la fois essai anthropologique et sociologique, témoignage autobiographique, récit de vie et fiction poétique) permet à l’auteure de développer une réflexion originale et profondément novatrice sur l’identité multiple et interculturelle du Borderlands, cette zone frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Ada Savin montre très bien que « l’œuvre de Gloria Anzaldúa est une tentative de transcender les bipolarités : son homosexualité fait pendant à son sang métissé, sa langue n’est ni l’espagnol ni l’anglais mais un permanent va-et-vient entre les deux idiomes. Sa voix se situe dans l’interstice entre les deux pays, dans le no-man’s-borderlands qui est aussi le site d’une kinesis linguistique. Si l’anglais est une langue acquise, que les écrivains chicanos ne possèdent pas vraiment, l’espagnol porte la marque de leur aliénation culturelle, de la perte douloureuse de la langue d’origine »|4|. Le passage présenté ici est très caractéristique de ce déchirement, de cette blessure ouverte : Vivre à la frontière ça veut dire que tu n’es ni latina, indienne, black, espagnole ni blanche, tu es métisse, mulâtre, sang-mêlée prise dans le feu croisé des camps ennemis tandis que tu portes les cinq races sur ton dos Ne sachant de quel côté te tourner, ni où aller ; Mais ce clivage structurel, loin de déboucher sur une culture mono-identitaire hégémonique et globalisante, source de tous les communautarismes, est riche au contraire d’une « pensée frontalière », nomade et hybride, qui est la prise de conscience de la mestiza, c’est-à-dire prise de conscience de la frontière pensée au féminin. Dénonçant l’ethnocentrisme, l’homophobie et le sexisme aussi bien dans la culture dominante des États-Unis que dans les communautés d’origine mexicaine, Gloria Anzaldúa propose de faire de l’identité métisse (mestizaje identity) la base d’une nouvelle archéologie du savoir, assumant ses différences et ses particularités. Comme elle le dit dans un autre passage de Borderlands, « la métisse doit sans cesse glisser […] de la pensée convergente, du raisonnement analytique […] vers une pensée divergente caractérisée par un refus des objectifs et des modèles établis, vers une perspective plus globale, qui inclut plutôt que d’exclure […] [La métisse] possède une personnalité plurielle, elle fonctionne de manière pluraliste »|5|. D’une logique territoriale à une pensée frontalière trans-territoriale… Cette « personnalité plurielle », « inspirée par la réalité quotidienne de la Frontera, faite d’hybridité ethnique, de mélanges interlinguistiques et d’appartenance géopolitique incertaine »|6| qui transcende bien évidemment les catégories d’identité, de citoyenneté, de territoire national, puisqu’elle appelle à la solidarité, est très bien exprimée dans le texte par le « Spanglish » qui oblige à une lecture bilingue dont il est difficile de rendre compte en français : « Cuando vives en la frontera / people walk through you, the wind steals your voice ». Matière première du lien social, le langage pour Anzaldúa est donc une enclave de liberté puisqu’il témoigne de la possibilité la plus concrète de dépasser les valeurs normalisatrices pour promouvoir l’identité plurielle d’une « mestiza consciousness ». De fait, toute sa vie et son œuvre se sont construites dans cette conscience d’une subjectivité hybride et métissée : « Ma réalité spirituelle, je l’appelle métissage spirituel, aussi je pense que ma philosophie est comme un métissage philosophique où je prends de toutes les cultures — aussi bien des cultures de l’Amérique latine, des gens de couleur et aussi des Européens »|7|. Comme le montre très bien Carolina Meloni, « sa propre identité est déjà un croisement de frontières. Anzaldúa se définit par sa condition d’étrangère située entre des cultures qui ne la reconnaissent pas comme une égale ; elle se définit aussi par sa condition uploads/Geographie/la-citation-de-la-semaine-gloria-anzaldua-espace-pedagogique-contributif.pdf

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