côté télé BLANCS DE MÉMOIRE À la fin du XIXe siècle, Paris dépêche une expéditi
côté télé BLANCS DE MÉMOIRE À la fin du XIXe siècle, Paris dépêche une expédition militaire en Afrique pour conquérir le Tchad : faire la jonction entre les positions françaises occidentales et équatoriales doit permettre d’unifier l’empire naissant. Cette « Mission Afrique centrale » est dirigée par deux officiers : les capitaines Paul Voulet et Julien Chanoine. Ils débarquent avec une poignée d’officiers en 1898 à Saint-Louis du Sénégal, recrutent des soldats tout au long de leur périple et sèment la désolation sur leur passage avant de connaître une fin tragique. En 1899, en effet, ils assas- sinent l’envoyé de la République qui les a rejoints pour les destituer et auraient, par la suite, eux-mêmes été abattus par leurs propres hommes. Blancs de mémoire retrace l’histoire de la colonne Voulet-Chanoine. Tourné en Afrique, le film s’appuie sur des images, des extraits et le tournage-même du docu-fiction Capitaines des ténèbres, réalisé par Serge Moati en 2004. Le film de Manuel Gasquet se présente donc comme une sorte de « making of » historique. Il est étayé par les interventions de spécialistes de l’Afrique – l’anthropologue Jean-Pierre Dozon et l’historien Elikia M’Bokolo – et comporte également des témoignages relevés dans des villages du Niger, autrefois victimes de la « colonne maudite ». Comme une litanie, une voix off replace les interventions dans leur contexte historique et construit des liens entre passé et présent. Blancs de mémoire remet au jour un épisode méconnu de la conquête coloniale. Il interroge son impact dans les mémoires et permet ainsi de « revivifier l’histoire commune souvent ambiguë de la présence française en Afrique ». L’histoire de la colonisation française est en effet semée d’ambiguïtés qui sont loin d’avoir été toutes explorées. Au nom de la science et de la civilisation, la France s’est lancée au XIXe siècle dans l’expansion coloniale. Elle se donne, notamment sous BLANCS DE MÉMOIRE 1 2 BLANCS DE MÉMOIRE la IIIe République, le devoir d’éduquer les peuples colonisés, considérés comme inférieurs, mais pour accomplir ce dessein, dans un même mouvement, elle a parfois envoyé sur le terrain des hommes prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Les événements liés à l’expédition militaire Voulet-Chanoine se déroulent après la conférence de Berlin (1884-1885) – définissant les règles du partage de l’Afrique entre les puissances européennes –, et la crise franco-britannique de Fachoda (1898). Utile pour mesurer la violence coloniale, ce documentaire permet donc également d’aborder les enjeux géopolitiques et économiques de la colonisation. Les interventions des deux spécialistes de l’Afrique, des comédiens et figurants de Capitaines des ténèbres et de Serge Moati lui-même donnent des clefs pour interroger différents thèmes de l’histoire coloniale de l’Europe et de l’Afrique. Ils mettent en débat l’éventuel impact de la colonisation sur les violences du xxe siècle. DISCIPLINES, CLASSES ET PROGRAMMES Histoire, 4e : « Le partage du monde » ; Première ES, L : « L’Europe et le monde dominé : échanges, colonisations, confrontations » ; Terminale S : « Colonisation et indépendance (la colonisation européenne et le système colonial) ». VOCABULAIRE, NOTIONS ET THÈMES Colonisation, conquête, expansion coloniale, Jules Ferry, conférence de Berlin, partage de l’Afrique, Affaire Dreyfus, Fachoda, histoire, mémoires françaises et africaines, tirailleurs sénégalais, animisme, indigène, violence coloniale, génocide. DÉCOUPAGE ET STRUCTURE 00 min 00 s : Au Niger, deux tombes, celles des capitaines Voulet et Chanoine, officiers français, envoyés pour conquérir des territoires en 1898-1899 dans le cadre de la « Mission Afrique centrale » ; deux officiers responsables de mas- sacres et désormais indignes d’une République qu’ils ont cru servir et qu’ils ont finalement reniée. 01 min 12 s : Le terrain africain (séquence 1) Carte militaire de 1898 délimitant les zones d’influence des puissances euro- péennes. La conquête se fait du littoral vers les royaumes de l’intérieur, vers le Tchad, encore indépendant, enjeu stratégique pour la France face aux positions britanniques et allemandes. La « Mission Afrique centrale » avance en colonne ; elle est dirigée par Paul Voulet, 32 ans, pur produit de la République, secondé par Julien Chanoine, 28 ans, sortant de Polytechnique ; tous deux ont laissé leur nom à cette « colonne maudite ». Il s’agit à présent de retrouver les traces de la colonne Voulet-Chanoine. En suivant le tournage de Capitaines des ténèbres, film de Serge Moati qui met en scène et porte un regard sur les faits, Manuel Gasquet emprunte d’autres détours, à la recherche des jeux de la mémoire et de l’oubli, afin de tenter de comprendre l’aspect le plus sombre de la colonisation en Afrique. Au départ de Saint-Louis du Sénégal, Voulet n’a obtenu ni les crédits, ni les effec- tifs suffisants. Paris ne semble pas assumer sa politique coloniale. Pourtant, les deux officiers décident d’avancer. Intervention de l’anthropologue Jean-Pierre Dozon : trois pays s’affrontent sur le terrain africain, la France, la Prusse et le Royaume-Uni. La conquête est le fait de l’armée, alors que la France vient de subir la défaite de 1870 face à la Prusse et qu’elle a un différend ancien avec l’Angleterre. Intervention de l’historien Elikia M’Bokolo : dans cette région de l’Afrique, aux confins de plusieurs empires dont les marges se superposent, il y a un éparpil- lement de la souveraineté politique. En revanche, l’importance des flux com- merciaux atteste que ce n’est pas la colonisation qui introduit de l’histoire dans les sociétés africaines. 05 min 53 s : La violence coloniale (séquence 2) La première étape, de Saint-Louis du Sénégal jusqu’à Say, le poste français le plus avancé vers l’est, ne comporte pas de difficultés majeures car ces territoires sont déjà « pacifiés ». Après cinq mois de route, la colonne Voulet-Chanoine s’installe à Sansane Haoussa, sur les rives du fleuve Niger. Elle compte près de 2 000 per- sonnes : 800 porteurs, 300 femmes et enfants, 500 soldats et 8 officiers, sans oublier les meneurs de troupeaux, guides, interprètes et prisonniers. Nombre qui se doit d’impressionner l’ennemi. Difficultés à faire avancer et à nourrir cette masse humaine dans des régions arides, pauvres et forcément hostiles. La colonne pille tout sur son passage, malgré les consignes de modération venues de Paris. Au Niger, à Sansane Haoussa, les villageois témoignent de cette violence dont le souvenir reste très vif. Sur le site des combats passés, on trouve aujourd’hui encore, à fleur de sol, des ossements humains. Les hommes de la colonne, dressés au combat sous la menace, récompensés au butin, mènent une guerre totale, tuant et pillant, et enrôlent de force de nou- veaux guerriers et porteurs. Voulet écrit : « Ce n’est qu’ainsi que nous mettrons fin à une situation intolérable et obtiendrons le respect qu’ils n’ont pas pour le drapeau français. » BLANCS DE MÉMOIRE 3 4 BLANCS DE MÉMOIRE Elikia M’Bokolo explique : la violence est au cœur du régime colonial. La culture de la violence est inculquée aux tirailleurs irréguliers de la colonne. La France, État démocratique, déploie sur ses marges l’opposé des valeurs qu’elle défend en métropole. 11 min 44 s : Les paradoxes de l’Histoire (séquence 3) Dans une séquence du film de Serge Moati, Voulet rappelle au lieutenant Péteau qui s’émeut de la brutalité des deux officiers : « Il y a un droit des races supé- rieures parce qu’elles ont aussi un devoir : civiliser les races inférieures ! » Il s’en réfère aux valeurs de la Révolution… L’anthropologue puis l’historien expliquent : la France assimile, colonise, apporte les Lumières, donne le nom d’indigènes à ceux à qui elle impose sa civilisation, les indigènes ont des devoirs mais pas de droits. Péteau est écarté. Il témoigne par sa correspondance, tant privée que publique, de l’extrême violence pratiquée par la mission. La colonne se compose désormais de sept officiers français et de cinq cents tirailleurs irréguliers. Cette situation est le résultat de l’ambiguïté du gouverne- ment français : afin de pas provoquer l’impopularité en envoyant des conscrits combattre outre-mer, et par souci d’économie, il fait le choix de recruter des effectifs sur place, parmi la population « indigène » ; dans ses colonies, la France est chez elle et ne se considère donc pas en guerre. Les premiers tirailleurs sont des Sénégalais puis, au gré de l’expansion, chaque territoire soumis fournit de nouvelles troupes. Par la suite, les tirailleurs seront des combattants de première ligne lors des deux conflits mondiaux du XXe siècle et cet engagement se révélera déterminant dans la revendication d’une citoyen- neté qui tardera toujours à venir. Le tournage de Capitaines des ténèbres rattache soudain les fils d’un temps passé, si proche et si lointain : Amadou Yen, figurant sur le film de Serge Moati, et fils de tirailleur engagé volontaire lors de la Seconde Guerre mondiale, témoigne : son père a perdu une jambe pour la France, et a gardé une certaine tendresse pour ce pays, mais n’a pu empêcher de voir une partie de son bétail réquisition- née par l’armée française. Jean-Pierre Dozon souligne que la France n’assume pas toujours son passé colonial et reste embarrassée par les questions et reven- dications de citoyenneté exprimées uploads/Histoire/ 81739-12673-16020blancs-de-memoires.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 19, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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