S B O R N f K P R A C Ï F I L O S O F I C K É F A K U L T Y B R N Ë N S K É U N
S B O R N f K P R A C Ï F I L O S O F I C K É F A K U L T Y B R N Ë N S K É U N I V E R S I T Y 1964, A 12 ANTONlN VASEK L A C O L O N I S A T I O N E T L A L A N G U E La langue est un phénomène social. Elle se forme et ae développe ensemble avec la formation et avec le développement de la société. Elle est indissolublement liée à la société, elle n'existe pas en dehors de celle-ci. C'est pourquoi elle ne peut être connue que dans le miroir de l'histoire de la société qui la parle et qui la crée. Outre ces facteurs, dits extérieurs, 1 ce sont les facteurs ,,intérieurs", qui décident ensemble du développement de la langue et dirigent 2 (en empêchant les éléments non-désirés d'y pénétrer) l'effet des facteurs extérieurs, à savoir la nature de la structure de la langue donnée et le sens général de son développement. C'est la colonisation 3 qui est un des facteurs extérieurs d'une très grande portée. Note terminologique: Le Dictionnaire de l'Académie 4 définit la colonisation comme „un peuplement par les immigrée, une colonisation des territoires non civilisés ou incultes" ou aussi comme „une organisation moderne collective des menus biens ruraux à l'aide de la réforme agraire sur le sol des anciennes grandes propriétés foncières". Le dictionnaire de Vâsa—Trâvnicek 6 dit que „la colonisation est une activité de poser les fondements des colonies, un peuplement". En parlant ici de la colonisation, je pense à la signification plus commune du mot, employée couramment, c'est-à-dire à n'importe quel peuplement d'un certain lieu. Ainsi, on trouve sous un nominateur commun des colonisations assez hétérogènes. La dénomination ne distingue pas si les colonistes sont venus dans les régions désertes, dans les régions où la population était rare, ou en nombre courant, si cette colonisation a été précédée d'une autre, qui avait déjà trouble dans quelque mesure le caractère ethnique et celui de langue de la première population indigène, ou s'il s'agit de la première colonisation d'un territoire déjà peuplé, s'il s'agit de la colonisation d'un ensemble ethnique prochement apparenté ou d'un ensemble éloigné, si les colonistes forment un tout homogène du point de vue ethnique et de langue ou non, etc., même quand toutes ces circonstances se reflètent, bien sûr, dans les conséquences concernant la langue. Au cours de la colonisation a régulièrement lieu — s'il ne s'agit pas d'une ancienne colonisation primitive des régions incultes — une action d'une ou de plusieurs langues sur l'autre. Or, il s'agit ici des problèmes de la mixtion des langues. Au cours de la mixtion de deux langues ne prend pas naissance, comme on le sait, une langue nouvelle, une troisième, mais une langue conserve sa structure grammaticale et son fond de base de mots, tandis que l'autre, en son tout, meurt peu à peu et ses restes apparaissent dans la langue vainqueur comme un substrat, un adstrat tempo- raire ou un superstrat. La langue en retraite est repoussée, pas à pas, de ses domaines de communication et la langue vainqueur prend successivement sa place. Quelle langue sera conservée, dépend de beaucoup de circonstances, entre autres de la supériorité quantitative et surtout qualitative (économique, politique et culturelle) d'une composante, d'une partie sur l'autre. En direction vers la langue vainqueur commencent à se développer — surtout si les langues qui se mêlent sont apparentées — aussi les formations de structure de la langue mourante. Tout ce procédé de la mixtion des langues se réalise par une interférence multiple de chaque structure de langue dans les deux formes de fonction, celles écrite et parlée; en même temps se manifeste d'une façon caractéristique la position dominante des formations de toute la société (de toute la nation) et une nette tendance d'évolution vers celles-ci. Cette 48 A N T O N l N V A S E K intégration d'évolution se manifeste, il est vrai, dans chaque type de colonisation, mais, au cours de la colonisation à l'intérieur de la même langue national (à comparer p. ex. la récente colonisation de notre territoire limitrophe), elle est évidemment plus rapide. A la différence de la colonisation au cours de laquelle deux ou plusieurs langues subissent l'influence mutuelle — dans ce cas l'une est vainqueur et l'autre (les autres) vaincue — dans la colonisation tautolinguistique les deux formations (ou toutes) de la langue nationale (d'ordinaire dialectales) qui rivalisent sont dans un sens vaincues et de la lutte sort lentement en tant que vainqueur la formation ayant la fonction communicative pour toute la nation, chez nous aujourd'hui la langue littéraire. Les conséquences linguistiques de chaque colonisation sont, au total, très hétéro- gènes et on pourrait dire que chacune, quant à l'influence mutuelle de la langue (d'une forme linguistique sur l'autre, même de la même langue), apparaît en tant que spéci- fique et diffère d'une façon assez évidente. On se rend compte de ce fait si l'on regarde d'un coup d'oeil rapide quelques colonisations plus ou moins connues. Du monde non-slave hors de l'Europe, on peut citer en un des premiers lieux la colonisation de l'Amérique. Ce continent, et surtout l'Amérique du Nord, était très souvent le but des colonistes — Hollan- dais, Portugais, mais tout d'abord Anglais, Français et Espagnols. Ces courants des colonistes, dont le centre de gravité ne se dirigeait pas toujours à la même place, se succédaient dans un sens, et, en rapport à la grande distance des pays d'origine, ils avaient une grande influence sur l'évolution de langue dans cette partie du monde. Si l'on compare l'anglais actuel de la Grande Bretagne et celui de l'Amérique, on constate facilement, à la première audition, des différences assez caractéristiques, surtout ceux qui concernent la phonétique, p. ex. la prononciation [te daens, tfaens] i= to dance ,,danser", chance ,,hasard") à l'égard de la prononciation standard de l'Angleterre du Sud avec fa:], [te da:ns, tfa:ns], ensuite lexicales, p. ex. am. candy x brit. sweets ,,sucreries", apartmentxflat ,,appartement", elevatorxlift ,.ascenseur", vacation Xholiday „fête", etc., idiomatiques et phraséologiques. En général, on peut dire que la langue des descendants de l'élément ethnique qui avait gagné autrefois conserve, dans de divers aspects, l'état archaïque (p. ex. la prononciation en grands traits de la période où avait eu lieu la colonisation, une série de formes pétrifiées lexicales conservant leur signification sémantique d'autrefois seulement dans les nouvelles circonstances où se conservent en même temps en tant que les éléments du substrat, tout d'abord une série de dénominations spécifiques des Indiens et des nègres. Elle est caractérisée aussi par une couche de termes qui y avaient pénétré avec le temps des langues des autres colonistes, Français, Espagnols, Hollandais et Allemands. — Les différences analogues sont constatées si l'on compare l'espagnol actuel de l'Amérique du Sud et de l'Espagne. Outre la prononciation et la mor- phologie en partie différentes, on rencontre des différences du lexique, p. ex. am. du Sud la papaxesp. la patata ,,pomme de terre", la lata x la conserva ,,conserve" et d'au- tres. — De certaines différences se voient entre le français de la France et du Canada ou entre le français de l'Amérique du Nord et celui de l'Acadie. Parmi les Etats non-slaves de l'Europe, c'est l'Angleterre qui est très convenable pour nos recherches concernant la colonisation et ses influences linguistiques. Elle fut colonisée successivement par les Ibères, les Celtes, puis elle fut occupée par les Romains, au cours de quatre siècles, auxquels suivaient les Anglo-Saxons, puis les Danois venant du Nord et, finalement (après l'an 1066) les Normands. L'évolution complexe historico-sociale ne pouvait pas, bien sûr, ne pas se refléter dans l'évolution de la langue. LA COLONISATION E T LA L A N G U E 49 Pas une trace de la population d'origine de l'Angleterre n'est restée dans le vieux anglais et même le substrat celtique — excepté les couches de noms propres — est tout à fait insignifiant et même l'influence latine de la période de l'ocupation romaine ne compte pas. Le vieux anglais des Germains occidentaux, à cause de sa flexion synthétique et de sa structure de phrase, serait plus proche à l'allemand d'aujourd'hui qu'à l'anglais. Une série d'incursions des Danois s'est manifestée dans la langue et représente, dans l'anglais d'aujourd'hui, un substrat nordique. Bien sûr, il est assez difficile de trouver les traces de l'influence du nordique sur l'anglais, à cause de la proche parenté de la langue des envahisseurs avec la langue des anciens indigènes anglais. L'accord phonétique de l'ancien anglais avec le nordique fait parfois impossible de résoudre avec sûreté s'il s'agit d'un mot indigène ou d'un emprunt d'origine nordique. Seulement là, où le vieux anglais possédait d'autres sons d'alternance pour les sons de l'ancien germanique que la langue nordique, on peut démontrer l'influence nordique d'une façon probante. P. ex.: egg „oeuf" (cf. vieux isl. egg x vieux angl. aej; voir aussi allem. Ei d'aujourd'hui. uploads/Histoire/ a-linguistica-12-1964-1-8.pdf
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- Publié le Fev 12, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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