Bernard GmAUD RÉVOLUTION ET DROIT D'ASSOCIATION AU CONFLIT DE , DEUX LIBERTES P

Bernard GmAUD RÉVOLUTION ET DROIT D'ASSOCIATION AU CONFLIT DE , DEUX LIBERTES Préface de Michel VOVELLE Paris, Mutualité Française 1989 ~AUTt FRANÇAISE REMERCIEMENTS Je remercie Jean Bennet pour l'inestimable documenta- tion, fruit de quarante années de recherche au service de l'histoire de la mutualité, qu'il a bien voulu me confier. Je remercie François Hincker pour ses précieuses et ami- cales remarques sur les aspects généraux de l'histoire de la Révolution française. . Je remercie Chantal Castel, Antoine Capell et Michel Dreyfus pour leur indéfectible soutien. Couverture : Gravure satirique ayant pour cible Le Chapelier. Le biribi, équivalent du loto classique, est le jeu d'argent le plus répandu à la fin du XVIIIe siècle. Le surnom de « Chapelier-Biribi» a été lancé par Marat dans « l'Ami du peuple ». Légende de la gravure : « Toi qui portas les premières atteintes à la franchise de la presse et châtras impitoyablement la constitution, le signe de la réprobation est sur ton front; partout sur ton passage on te montrera du doigt en disant : voiçi Chapelier, ce député breton, qui mit à ses pieds le bonnet de la liberté ». 4 TABLE DES MATIÈRES Préface 7 Introduction 9 Chapitre 1 Sous le régime ancien de la coercition 13 Chapitre II L'association en chantier 41 Chapitre III La cassure 63 Chapitre IV Le despotisme du contrat 79 Chapitre V Le trou noir 99 Chapitre VI La protection une affaire d'Etat 119 Conclusion L'effet Le Chapelier 145 Liste des travaux cités 153 Index des noms des personnes citées 161 5 PRÉFACE L 'histoire sociale de la Révolution Française que certains disent épuisée est encore un terrain fécond, et ce livre en témoigne. Bernard Gibaud y fait rhistoire du droit d'association sociale sous la Révolution. On pouvait croire la question réglée: en 1791, les fameuses lois d'Allarde et Le Chapelier n'ont-elles pas tué ce droit pour un siècle? Mais rauteur prouve qu'i! y a encore beaucoup à chercher, à trouver et à réfléchir sur le « pourquoi » de cette idéologie antiassocia- tive qui semble si unanimement partagée, et qui aura une vie si longue que la liberté d'association sera la dernière des grandes libertés républicaines à entrer dans le droit (1901, vingt ans après la liberté de la presse, les libertés commu- nales, les lois scolaires ... ) : hantise de la reconstitution des « corps », hantise de la rupture de runité de la nation, reli- gion du contrat, tel fut, me semble-t-il, le fonds des argu- ments utilisés. Mais, plus encore, il convient de s'interroger sur le « comment », entendons sur le déroulement du combat entre adversaires et partisans de l' association. Car des parti- sans, il y en eut, chez les salariés eux-mêmes. En effet, une réalité salariale, déjà relativement moderne, était plus pré- sente, au moins dans les grandes villes, à la fin du XVIIIe siècle, qu'on ne le pense généralement. Comme d'autres chercheurs, à propos de l'affaire Réveillon ou des femmes ouvrières parisiennes, Bernard Gibaud a rencontré cette réa- lité. Il produit un impressionnant corpus de libelles échangés - et à un haut niveau d'argumentation - entre patrons et ouvriers pendant les mois qui ont précédé le vote de la loi Le Chapelier. Les deux camps s'appuient sur la Déclaration des Droits de rHomme dont on mesure ainsi rimmédiate opérativité et rimmédiate ambiguïté. A la lumière de cette documentation inédite, il ne sera plus pos- sible désormais de dire, comme Louis Blanc, que, sous la 7 AU CONFLIT DE DEUX LIBERTÉS Révolution Française, « la voix des salariés ne faisait que proférer des sons inarticulés ». L'auteur souligne d'autre part combien il serait inexact d'attribuer le refus de l'association de la part des révolu- tionnaires à une insensibilité bourgeoise à l'égard de la question sociale. L'argument vaut sans doute pour certains. Mais on ne peut soupçonner un Robespierre, un Marat, ou même ces nobles libéraux philanthropes, comme Clermont- Tonnerre qui, le 27 août 1789, proposait déjà d'ajouter un article à la Déclaration des Droits de l'Homme sur le « droit des indigents aux secours ». La véritable explication est ailleurs, elle tient à ce que les révolutionnaires, toutes tendances confondues, attribuent à la Nation, donc à l'Etat, la responsabilité de la bienfaisance. Le malheur fut que le temps et les moyens manquèrent à la réalisation de ces prin- cipes, alors que la charité ecclésiastique et les associations fraternelles de l'Ancien Régime disparurent. Mais le prin- cipe resta. A cet investissement dans le « tout politique», les sala- riés eux-mêmes ne furent pas insensibles, c'est le moins qu'on puisse dire. On peut ainsi expliquer le peu de contes- tations que suscita la loi Le Chapelier, une fois votée. Même si, Bernard Gibaud le montre, il y eut sur le terrain des compromis avec la loi, des initiatives associatives de type mutuelliste généralement « interprofessionnelles» - tout au moins se présentaient-elles ainsi, pour tourner une l(Ji condamnant les coalitions professionnelles. Mais il est bien vrai qu'il y eut ainsi désormais une spéci- ficité française du traitement de la question sociale. Cette approche eut-elle un caractère positif ou négatif? Ce n'est peut-être pas à l'historien d'en juger. Que Bernard Gibaud soit remercié d'avoir ainsi labouré un chantier qui, décidément, est loin d'être refermé. 8 Michel V ovelle, Président de la Commission Nationale de Recherche Historique pour le Bicentenaire de la Révolution Française INTRODUCTION AU CONFLIT DE DEUX LIBERTÉS «Au conflit de deux libertés, la liberté d'association contre la liberté du travail, l'arbitrage de la Constituante fait prévaloir celle qui est la plus favorable à la bour- geoisie » Michel VOVELLE (La chute de la Monarchie, 1787- 1792, p. 174) La Révolution française entretient des relations ambiguës avec le phénomène associatif. Les droits de l'homme et du citoyen proclamés en 1789, ont rapidement trouvé les condi- tions de leur exercice dans le cadre de clubs et de sections populaires. Cette sociabilité inédite a ouvert, temporaire- ment, la cour des « grands» aux gens du peuple. Dans le même temps, la théologie individualiste des nouvelles élites condamne sans appel le principe de l'association solidaire entre gens de métiers. Le schéma alternatif d'une Révolu- tion libératrice pour les droits politiques et d'une Révolu- tion carcan pour les droits sociaux founirait- il la clé ? La taille de l'événement interdit de le réduire à un choix sommaire. Les hommes de la Révolution ouvrent les nou- veaux espaces politiques et sociaux, davantage par des che- mins de traverse que par les voies royales. La gestation tourmentée de la nouvelle société brouille le regard que por- tent, à deux siècles de distance, les acteurs de la vie associa- tive sur l'œuvre révolutionnaire. La loi Le Chapelier est- elle l'arbre qui cache la forêt ou son symbole? 10 INTRODUCTION L'influence exercée par le cours de la Révolution sur le destin de la mutualité et sur l'architecture du mouvement social français n'est guère contestable. Reste le plus diffi- cile : déterminer la nature et le degré de cet ascendant, sans jamais perdre de vue que le patrimoine de solidarité accu- mulé sous l'Ancien Régime demeure vivace au cœur des mutations. Nous avons jugé utile de parcourir, en guise de prologue, les principales étapes de la préhistoire associative et mutualiste. La genèse de la loi Le Chapelier, fil conducteur de notre enquête, nous a conduit à rejouer la « dramatique » du printemps 1791, au cours de laquelle le sort de la liberté d'association est scellé. Aveuglement de classe, triomphe de l'individualisme libéral, obsession du maintien de l'ordre, les explications sont connues. Elles laissent subsister des zones d'ombre sur le malentendu qui a séparé compagnons, maîtres et députés de la Constituante. Aussi, avons-nous tenté d'étendre la recherche des facteurs explicatifs aux réfé- rences culturelles du temps. Le récit d'un interdit, lourd de conséquence, ne referme pas le dossier. Les ambitions sociales de la Révolution, l'éclosion de la prévoyance, la métamorphose de la méde- cine, produisent des effets de longue durée dans le champ de l'association et de la solidarité. Ils ont leur place en con- trepoint de notre chronique. S'il a pu exister du fait de 1789 et surtout de 1793 une « exception française» pour penser et pratiquer le plura- lisme, la législation anti-associative en constitue l'expression la plus tenace. Par cette restitution nous souhaitons rendre plus claire, plus sereine la vision d'une page de l'histoire révolutionnaire, sujette aux a priori. 11 Chapitre 1 SOUS LE RÉGIME ANCIEN DE LA COERCITION AU CONFLIT DE DEUX LIBERTÉS L'entraide mutuelle est présente dès l'aube de la civilisa- tion. La technique spontanée des origines s'est peu modifiée au cours des siècles. Il s'agit, toujours, pour les membres d'une communauté de verser une part convenue de leurs ressources dans le but d'aider, sous des formes également convenues, ceux des membres qui viendraient à en avoir besoin. Si la méthode est demeurée immuable, les motivations et les objectifs ont varié selon l'identité des utilisateurs et les circonstances de l'utilisation. Un détour par l'amont s'impose pour comprendre les décisions de la Révolution concernant les uploads/Histoire/ au-conflit-de-deux-libertes-bernard-gibaud 1 .pdf

  • 38
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Fev 13, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
  • Taille du fichier 1.9075MB