1 Faculté de lettres et Des sciences humaines LGC, S3 L’autobiographie Genres v
1 Faculté de lettres et Des sciences humaines LGC, S3 L’autobiographie Genres voisins Et Éclatement du genre Tarik LABRAHMI 2013 2 SOMMAIRE Les genres voisins de l’autobiographie La biographie Les mémoires Le journal intime Les Carnets et les Cahiers Le récit de vie L’autoportrait L’autobiographie et éclatement du genre Les essais de définition L’éclatement du genre La résistance du genre Synthèse 3 Autobiographie et genres voisins Eclatement du genre Les genres voisins de l’autobiographie Le « biographique » désigne aujourd’hui l’ensemble des textes racontant la vie d’une personne ayant existé. Ces parcours de vies sont dits référentiels et s’opposent aux œuvres de fiction – comme le roman, le conte ou la nouvelle. Si l’autobiographie occupe une place importante dans le champ de la littérature personnelle, elle n’est pas pour autant la seule forme d’écriture de soi ; elle voisine avec d’autres genres qui ne se soumettent pas à tel ou tel de ses traits distinctifs mais qui, comme elle, contribuent à donner une image fidèle du « moi ». 4 La biographie Le mot « biographie » vient du grec bio, vie et graphein, écrire, et signifie donc littéralement : écriture d’une vie. Le mot et ses dérivés (biographe, biographier, biographique) n’apparaissent en France qu’aux XVIIe et XIXe siècles, et servent à distinguer le genre des anciennes formes de l’éléquence sacrée ou officielle, comme le panégyrique, l’éloge ou l’oraison funèbre. Des termes plus savants concurrencent celui de biographie en insistant sur la spécificité du sujet biographié : l’hagiographie raconte la vie des saints. Les exemples les plus célèbres venus de l’Antiquité sont Les vies des hommes illustres de Plutarque, et les Vies des douze Césars de Suétone. Au Moyen Age, ce sont les vies de saints qui prolifèrent (hagiographies) ; mais à la Renaissance, un auteur comme Boccace va, avec sa Vie de Dante, se rapprocher d’une conception moderne de la biographie fondée sur le document authentique. Au XVIIe siècle, l’oraison funèbre sélectionne les moments les plus glorieux de la vie du biographié, en passant sur ses défauts, comme le fait Bossuet dans son Oraison funèbre du Prince de Condé. Au XVIIIe siècle, il faut signaler Les éloges des Académiciens de Fontenelle. Pour les biographes, ce sont la plupart du temps des écrivains et des journalistes (mais l’un n’exclut pas l’autre). Certains sont même spécialistes du genre, et leur volumineux ouvrages visent un large public, souvent parce qu’ils choisissent de raconter la vie de personnalités célèbres : hommes politiques, artistes à succès, grands de ce monde… Biographie et autobiographie utilisent les mêmes techniques rhétoriques et romanesques pour présenter la vie d’une personne existant ou ayant existé. Les frontières entre ces deux genres deviennent encore plus floues lorsque le narrateur autobiographique utilise la troisième personne, racontant sa vie comme s’il s’agissait d’un personnage qui lui serait extérieur. On aperçoit déjà ici ce qui va opposer fondamentalement la biographie et l’autobiographie, c’est la hiérarchisation des rapports de ressemblance et d’identité ; dans la biographie, c’est la ressemblance qui doit fonder l’identité, 5 dans l’autobiographie, c’est l’identité qui fonde la ressemblance. L’identité est le point de départ réel de l’autobiographie ; la ressemblance, l’impossible horizon de la biographie. La fonction différente de la ressemblance dans les deux systèmes s’explique par là. La biographie et l’autobiographie semblent radicalement s’opposer : la première reconstitue-restitue une vie en amassant des documents, tandis que la seconde se fonde sur un travail de remémoration. En gros, si l’autobiographie se définit par la triade, auteur=narrateur=personnage, la biographie lui diffère par la simple variation, auteur=narrateur≠personnage. La frontière entre biographie et roman est, elle aussi, facile à franchir. Nous avons vu comment la biographie tend à utiliser les mêmes procédés d’écriture et de mise en scène que le roman. De son côté, le roman, à la recherche du vrai, intègre des éléments biographiques ou autobiographiques. Mais si l’apparence littéraire est semblable, la finalité des opérations diverge profondément, surtout pour le lecteur : ou bien il s’agit d’un personnage ayant réellement existé ou qui vit encore ; ou bien le personnage est totalement inventé par l’auteur. Dans le premier cas, la vérité est idéale ; dans le deuxième, elle est « factuelle » : le biographe, doit tenir compte des « faits » et ne peut inventer à sa guise. Les mémoires Les mémoires sont une autobiographie où le public prime sur le privé, l’historique sur le personnel. Les mémorialistes font partie de la noblesse et veulent rendre compte des événements de leur siècle. Il s’agit là surtout de mémoires militaires et politiques. Pour Chateaubriand, les français ne sont pas naturellement historiens, mais mémorialistes, car ils parlent mieux de l’homme et de la société que des systèmes généraux. 6 En 1866, dans le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, l’article consacré à définir l’autobiographie prend soin de préciser : L’autobiographie entre assurément pour beaucoup dans la composition des mémoires ; mais souvent, dans ces sortes d’ouvrages, la part faite aux événements contemporains, à l’histoire même, étant beaucoup plus considérable que la place accordée à la personnalité de l’auteur, le titre de mémoires leur convient mieux que celui d’autobiographie. Le mémorialiste s’intéresse donc davantage au monde, à l’histoire, aux autres (surtout si ce sont des personnages importants), alors que l’autobiographie concerne essentiellement le moi, les sentiments et les souvenirs du narrateur. Ainsi, une distinction plus probante oppose le dedans et le dehors, le moi intérieur et le moi social, le privé et le public. Si Loïc Marcou déclare que : « La distinction privé-public, qui marque la ligne de fracture entre l’autobiographie et les mémoires, n’est donc pas toujours pertinente ». Lejeune, en faisant la distinction entre biographie et autobiographie, confirme : Il ne s’agit pas seulement d’une question de proportions entre les matières intimes et les matières historiques. *…+ Il ne faut pas juger seulement des quantités mais voir laquelle des deux parties est subordonnée à l’autre, si l’auteur a voulu écrire l’histoire de sa personne ou de son époque. Dans les mémoires, le narrateur est donc un homme qui a été témoin ou acteur d’événements publics, et qui retrace sa vie privée dans la mesure où elle est inextricablement liée à ses événements. Il justifie alors son entreprise par la volonté d’apporter des matériaux à l’Histoire. Le mémorialiste légitime son discours par le fait d’avoir vu des choses que lui seul peut connaître. Mais en montrant le monde et les grands de ce monde, c’est lui aussi que le mémorialiste met en lumière. Le but du narrateur, dans les mémoires, n’est pas de se connaître, comme dans l’autobiographie, mais de se montrer ; non pas 7 dans sa totalité, comme un autobiographe, mais dans un aspect de sa personne, qui correspond souvent à son rôle social. Ce qui fait que la fin des mémoires et de l’autobiographie est logiquement unique, c’est la personne. Seules les voies choisies (la forme) qui sont différentes en passant de l’un à l’autre. Pourtant, cela ne conteste aucunement l’indépendance de l’un et de l’autre dans la mesure où presque tous les genres se distinguent et se définissent par leurs formes. D’une manière générale, les mémoires se distinguent de l’autobiographie, suivant les quatre contraintes définissant l’autobiographie selon Lejeune, par leur sujet qui n’est pas la vie individuelle du narrateur ni l’histoire de sa personnalité ; ou, même si celle-ci est plus ou moins présente, l’accent est mis, au moins apparemment, non sur elle, mais sur les événements historiques. Le journal intime Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que l’habitude de tenir un journal se répand dans les mœurs. Deux auteurs « maudits » durant cette période prérévolutionnaire font figure de pionniers : le marquis de Sade, emprisonné à la Bastille, et Restif de la Bretonne, qui commença par écrire sur les murs et les parapets avant d’en venir au papier. C’est cependant au XIXe siècle que l’on assiste à l’épanouissement de ce nouveau genre littéraire : à partir 1880, les journaux de Stendhal, Benjamin Constant, Amiel, Maine de Biran sont publiés de façon fragmentaire, et souvent à titre posthume. Ces écrits vont rencontrer un vaste public que passionne un regard au jour le jour et qui porte sur la vie intime ou le monde extérieur. Dans le « journal », on retrouve le mot « jour », alors que dans « autobiographie » et « biographie », la racine bio signifie vie. On écrit donc son journal pour rendre compte non pas de sa vie mais d’un jour (ou d’une semaine, ou d’un mois) de sa vie. On a ainsi parlé d’ « écriture du jour » pour 8 évoquer le journal intime qui est idéalement le fruit d’un acte d’écriture quotidien. Le mot « intime » vient du latin intimus, superlatif correspondant au comparatif interior : est intime ce qui est au plus profond de soi, le plus intérieur. Pour l’un, l’intime sera ainsi d’ordre spirituel, pour un autre, d’ordre sentimental ou encore sexuel. Mais les lectures, la politique, la finance peuvent également rentrer uploads/Histoire/ autobiographie-et-genres-voisins.pdf
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- Publié le Fev 07, 2022
- Catégorie History / Histoire
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