, LA SENSIBILITE DANS LES TRAGEDIES DE VOLTAIRE. , LA SENSIBILITE DANS LES TRAG

, LA SENSIBILITE DANS LES TRAGEDIES DE VOLTAIRE. , LA SENSIBILITE DANS LES TRAGEDIES DE VOLTAIRE. RESUME. La sensibilité dans les tragédies de Voltaire apparaft comme un amalgame complexe formé d'influences historiques, socio- logiques et psychologiques. Déjà, au dix-septième siècle, le pu- blic recherche au théâtre l'attendrissement. Les oeuvres de Cor- ~ neille et Racine comportent de nombreux éléments d'ordre affectif. Les thèmes de l'amour et de l'amour maternel dans les tragédies de Voltaire relèvent de cette influence et comportent une part d'ori- ginalité due à la personnalité de l'auteur. Voltaire transpose ensuite dans son oeuvre sa haine du fa- natisme et des pr~tres cruels. D'autre part, il présente l'image d'un christianisme attendrissant et de nombreux personnages dont la haute tenue morale provient de leur sensibilité. Le dix-huitième siècle rattache également au domaine de l'affectivité certains termes tels l'humanité et la nature. Leur analyse nous fait déc ou- vrir comment s'accomplit une telle relation. Enfin, toute cette époque est caractérisÉe par un phénomène bien particulier, les larmes, moyen par excellence de manifester son émotion. L'analyse des tragédies de Voltaire rév~le certains as- pects, peut-~tre moins connus de la personnalité de l'auteur et nous apporte également le reflet des aspirations de toute une époque. Gaétane Hinse-Serre Frencrr Department. ~. .. LA SENSIBILITE DANS LES TRAGEDIES Department of French MCGi11 University Montreal DE VOLTAIRE by Gaetane Hinse~Serre A thesis submitted of the Faculty of Graduate Studies and Research in partial fu1fi11ment of the requirements for the degree of Master of Arts Gaetane Hinse-Serre 1969 June, 1968 LA SENSIBILITE DANS LES TRAGEDIES DE VOLTAIRE. INTRODUCTION Voltaire domine tout le dix-huiti~me si~cle. Cette épo- que voulut établir le r~gne de la raison. Cette nouvelle mentalité entraina une ardeur sans précédent pour les sciences, sorte de pa- nacée universelle, qui allait enfin débarrasser l'humanité de tou- te superstition. Malgré la frivolité de la Régence, ~n se mit avec ardeur à la recherche de la vérité, et tout le si~cle s'engagea dans une lutte qui devait établir la suprématie des lumi~res. Voltaire est souvent considéré comme le représentant le plus illustre de cette littérature de combat. Ne fut-il, en effet, que ce défenseur acharné des droits de la raison, ce pur cerveau dont les raisonnements rigoureux voulaient secouer la frivolité naturelle des Welches? Cet homme d'une mobilité extraordinaire, engagé corps et âme dans la lutte, n'a pas su ou n'a pas voulu s'arrêter ê l'analyse de ses états d'âme; croyait-il à l'instar du "misanthrope sublime" que "le moi est ha!ssable"? Son enfance demeure toujours secr~te, ses sentiments à l'égard de sa famille et surtout certains aspects de sa vie amoureuse font partie des énigmes de l'histoire. Chez cet écrivain qui, par son refus du lyrisme, a lui-même contribué ê répandre cette réputation de pur cerveau qu'on lui attribue volontiers, o~ trouverons-nous des marques de sensibilité? 3 La postérité opare souvent un décalage entre les oeuvres d'un même auteur. Les écrits les plus célabres de Voltaire se clas- sent évidemment parmi ses ouvrages philosophiques. Or, dans ces oeuvres brille avant tout cet esprit fin et malicieux dont les multiples facéties enchantaient l'Europe entiare. Toutefois, cette existence si mouvementée fut également jalonnée d'une production thé8trale abondante et variée. Mais, comme ses tragédies n'attei- gnent pas, selon la plupart des critiques, la perfection formelle de ses écrits philosophiques, elles constituent maintenant les parties mortes de son oeuvre. L'importance énorme qu'elles ont tenue dans la vie de l'écrivain nous laisse cependant présumer .. leur intérêt. Voltaire aimait passionnément le théâtre. Et ce goût chez lui remonte presque à l'enfance. En effet, ~ l'âge de douze ans, il compose déjA une tragédie, Amulius et Numitor. A ce pre- mier essai succédera Oedipe, présenté au public français en 1718. La prodigieuse carriare de Voltaire débuta et se termina sous les feux de la rampe. L'apothéose d'Irane représente en 1778, ses adi- eux à la scane qu'il avait longtemps dominée par sa présence. Soixante années voient naitre de façon ininterrompue opéras, comé- dies et tragédies, elles révalent une passion peu commune pour le théâtre. Apras avoir écrit ses tragédies, une préoccupation le hante, les faire jouer. Aussitôt dans un séjour étranger, il cons- trult un théâtrë et les représentations s'organisent. Si le projet réussit, sa joie ne connatt plus de bornes, et ses "ange~n reçoi- vent alors des lettres remplies d'un enthousiasme juvénile et dé- bordant. Et puisqu'on ne peut constamment recourir aux services de comédiens professionnels, on met les mains ~ la pâte, Madame Denis joue Zalra et lui-même, n'en déplaise aux bien-pensanta, celui de Lusignan. Transporté d'enthousiasme, il écrit alors: Madame Denis est entourée de tailleurs, de coif- feurs et d'acteurs ••• elle joue Zalre ••• elle nia pas les beaux yeux de Gaussin, mais elle joue infiniment mieux qu'elle ••• ! Je fais Lusignan, ce rôle me convient et l'on pleure. (1) Comment expliquer une telle prédilection pour le théa- tre? Voltaire n'était pas le seul ~ vibrer devant les artifices de l'ert dramatique. A cette 'poque, jouer la comédie constituait le divertissement par excellence. Tous les châteaux possédaient leurs petits théâtres. Les hôtes de marque offraient ~ leurs invi- tés la représentation d'une ou plusieurs tragédies. Le théâtre de société connut alors une vogue incroyable. Les princes du sang, la Duchesse du Maine, le Prince de Conti, le Duc d'Orléans et les riches bourgeois, tel La Poplini~re possédaient leurs sc~nes par- ticuli~res. A cause de cet engouement, le théâtre devient le (1) Cité par Perey, Lucien et Maugras, Gaston, La Vie Intime de Voltaire, Paris, Calmann L'vy, 1892, p. 13. 4 5 moyen par excellence de briller dans la société. L'art dramatique conduit à la gloire. Le bruit des applaudissements enivre Vol- taire et rien ne lui procure un plus grand bonheur que le succ~s d'une représentation thé~trale. Corneille et Racine brillaient alors de tout leur éclat. mais rien n'effarouchait ce jeune ambitieux. Le défi s'avérait dif- ficile à relever; la gloire à conquérir balayait toute hésitation. Un tel désir de réussite ne suffit pas toutefois pour justifier la constance avec laquelle Voltaire produisit ses tragédies. Cet homme était véritablement habité par le démon du théâtre et, si ses oeuvres dramatiques p~chent par de nombreux défauts, elles démontrent da la part de l'auteur un don indiscutable. La varlé- té de ses productions prouve la facilité avec laquelle il imagi- nait les intrigues les pfus complexes et la réussite de certaines de ses créations rév~le qu'il savait également animer ses person- nages, En outre, nous dit Bruneti~re, "nul n'a eu plus que lui cet ~clat, ce brillant, ce "COloris", qui durent d'ailleurs ce qu'ils peuvent, mais, vous le savez, qui charment les contempo- rains." (1) Ces qualités ont évidemment perdu un peu de leur relie~ -" mais Voltaire n'écrivait pas pour la postérité. Le succ~s (1) Bruneti~re, Ferdinand, Les époques du théâtre français, Paris, Calman, Lévy, 1892, Ile conférence, p. 258-259. 6 immédiat lui importait davantage. Il ne concevait d'ailleurs le thé@tre qu'en fonction des représentations. "Il faut avouer, di- sait-il, que sans les grands acteurs, une pi~ce de théâtre est sans vie; c'est vous qui lui donnez l'âme. La tragédie est enco- re plus faite pour être représentée que pour être lue.n(l) Une telle conception explique la connaturalité existant entre l'écrivain et son public dont il cherchera sans cesse à percevoir les goûts et les désirs. Voilà pourquoi ses tragédies reflètent la plupart des caractéristiques du dix-huiti~me si~cle. Comment apparatt la sensibilité dans le théâtre de Vol- taire? Elle provient tout d'abord de l'époque précédente, puisque la tragédie classique comporte déjà de nombreux éléments d'ordre ~ffectif. D~s lors, nous voyons, grâce à différents facteurs, se dessiner peu à peu une évolution du public qui recherche avant tout au théâtre l'attendrissement. L'émotion se manifestera en premier lieu dans les secteurs traditionnels, l'amour, l'amour mater- nel et, progressivement, envahira tous les domaines. On s'interroge souvent sur la valeur et la sincérité de ces manifestations. En effet, nous dit Blondel, à distance la caract~re conventionnel des thèmes affectifs selon lesquels nos prédécesseurs ont (1) Voltaire, Thé@tre, Paris, Garnier, Moland, 1883, Préface de Zulime, p. 6, t. 3. conçu leurs émotions et leurs nous saute d'emblée aux yeux. (1) 7 Chaque époque élabore son propre code et Voltaira nous transmet celui du dix-huiti~me si~cle. On peut donc considérer la sensibi- lité dans son oeuvre en partie comme un phénomène social. Mais, par un jeu d'inter-influences, le milieu ambiant joue un grand rôle dans la formation de l'individu, on verra comment les dif- férentes tendances de cette époque rejoignent tr~s souvent la per- sonnalité de l'auteur. La sensibilité apparatt donc comme un amal- game tr~s complexe d'influences historiques, sociales et psycholo- giques. (1) Blondel, Charles, Introduction ~ la psychologie collective, Paris, Colin, 1928. CHAPITRE PREMIER: CAUSES DE LA SENSIBILITE. 9 Le dix-septième siècle produisit deux grands dramaturges, Corneille et Racine. Ils présentent un univers dramatique et une conception de l'homme accusant de multiples différences. Leurs oeuvres proviennent de moments historiques déterminés. Le contras- te entre leurs tragédies pourrait-il s'expliquer en partie par une évolution uploads/Histoire/ cazuri-si-functii-sintactice.pdf

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  • Publié le Apv 02, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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