Mathématiques en Mésopotamie – Christine Proust – Site CultureMath (ENS Ulm - D
Mathématiques en Mésopotamie – Christine Proust – Site CultureMath (ENS Ulm - DESCO) Mathématiques en Mésopotamie Christine Proust, équipe REHSEIS Document mis en ligne sur CultureMath en novembre 2006 _________________________________ Sommaire Chronologie............................................................................................................................ 1 Carte ....................................................................................................................................... 3 Présentation générale.............................................................................................................. 4 Bibliographie.......................................................................................................................... 9 Ressources en ligne.............................................................................................................. 11 Chronologie IIIe millénaire avant notre ère et périodes antérieures Années Périodes Cadre social et culturel Documentation 6000- 3700 Obeid Sédentarisation, irrigation, premiers villages (Jéricho, Catal Hüyük). 3700- 2900 Uruk ancien, moyen et récent Naissance de l’écriture. Premières villes (Uruk et Suse). Invention du bronze et de la roue. Comptabilités : Uruk, Kish, Jemdet-Nasr, Suse 2800- 2350 Dynasties Archaïques Civilisation sumérienne. Développement des cités- états. Commerce des métaux sur de longues distances. Comptabilités, listes lexicales, textes littéraires, textes scolaires (tables de surfaces). 2350- 2150 Dynastie d’Akkad Premier Etat unifié. Réformes de la métrologie, des codes de lois, de l’écriture, de la comptabilité, du calendrier. idem + Cadastres Exercices de calcul de surface. 2100- 2000 Dynastie d’Ur III Développement des écoles de scribes. Planification du travail à grande échelle. idem + Apparition de la numération sexagésimale positionnelle (tables d’inverses). Mathématiques en Mésopotamie – Christine Proust – Site CultureMath (ENS Ulm - DESCO) IIe millénaire avant notre ère (chronologie moyenne) Années Périodes Cadre social et culturel Documentation 2000- 1600 Paléo- babylonienne L’akkadien devient la langue parlée dans toute la Mésopotamie. Le sumérien est une langue scolaire et d’érudition. Ecoles de scribes dans toute la Mésopotamie et en Elam. A partir de 1750 dans le sud : destruction des villes, disparition des sources cunéiformes. Textes scolaires : tables métrologiques et numériques, exercices de calcul, listes de parties du corps, d’animaux, de plantes, d’étoiles, etc. Textes savants : littérature, mathématiques, listes de prescriptions médicales, listes de formules juridiques, etc. ; textes médicaux hittites. 1600- 1150 Cassite Compilation de Enuma Anu Enlil (le plus important traité d’astrologie). 1150-900 Seconde dynastie d’Isin Canonisation de Enuma Anu Enlil. Ier millénaire avant notre ère Années Périodes Cadre social et culturel Documentation 900-550 Néo- babylonienne ; Néo- assyrienne Bibliothèques (Ninive, Assur). Stations d’observation du ciel. Compendium « MUL.APIN » (=Constellation de la charrue; le plus important traité d’observations astronomiques). Textes médicaux des bibliothèques d’Assur et de Ninive. 550-300 300-100 Achéménide Séleucide Bibliothèques (Uruk, Babylone). Astronomie : éphémérides, almanachs, horoscopes, apparition des 12 signes du zodiaque. Textes mathématiques (peu; surtout du calcul numérique). Mathématiques en Mésopotamie – Christine Proust – Site CultureMath (ENS Ulm - DESCO) Carte Mésopotamie à l'époque paléo-babylonienne (cercles rouges) (2000-1700 av. n. e.) - Ecoles de scribes (cercles rouges) [Fond de carte Martin Sauvage, EPHE, publié dans F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne] Mathématiques en Mésopotamie – Christine Proust – Site CultureMath (ENS Ulm - DESCO) Présentation générale La découverte des mathématiques cunéiformes A la fin du XIXe siècle, la mission archéologique de l’Université de Philadelphie, dont le directeur scientifique était H. Hilprecht, découvrait dans le site de Nippur (Mésopotamie centrale) une extraordinaire profusion de tablettes scolaires, dont plusieurs centaines étaient des exercices de mathématiques. La publication en 1906 de Mathematical, Metrological and Chronological Tablets from the Temple Library of Nippur par H. Hilprecht fait découvrir au monde des chercheurs et au grand public l’existence d’activités mathématiques en Mésopotamie, précédant de plus de mille ans celles de Grecs. A partir des années 1920, les musées européens et américains allaient acquérir, principalement par achat sur le marché des antiquités, plus d’une centaine de textes mathématiques de provenance inconnue. F. Thureau- Dangin, O. Neugebauer et A. Sachs, ont alors réalisé une tâche considérable : déchiffrer, traduire et interpréter ces textes qui témoignaient du très haut niveau d’érudition des scribes mésopotamiens. De nombreux articles sont publiés dans les années qui suivent, et cette somme de travail est rassemblée dans les ouvrages qui constituent encore aujourd’hui un ensemble de références essentiel pour les spécialistes des mathématiques cunéiformes : les trois volumes de Mathematische Keilschrifttexte d’O. Neugebauer, publié en 1935-37, Textes mathématiques babyloniens de F. Thureau-Dangin, publié en 1938, et Mathematical Cuneiform Texts d’O. Neugebauer et A. Sachs publié en 1945. Les historiens ont alors pris conscience de l’importance et de l’originalité de la contribution de l’Orient cunéiforme à l’histoire des mathématiques. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, ce corpus s’est enrichi de collections exhumées dans le cadre de fouilles légales, notamment en Mésopotamie du nord (Tell Harmal, Tell Haddad, Ešnunna) et en Elam (Suse). Par ailleurs, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, les archéologues n’ont cessé de mettre à jour des tablettes scolaires mathématiques dans la plupart des grands centres de Mésopotamie et d’Elam (Ur, Uruk, Larsa, Kiš, Nippur, Sippar, Tell Haddad, Šaduppum, Ešnunna, Mari, Suse) et jusqu’à l’Anatolie – voir l’article Calculer chez les marchands Assyriens au début du II e millénaire av. J.-C.1. Cette documentation n’avait que peu intéressé, dans un premier temps, les assyriologues et les historiens des sciences, et ces « brouillons » d’écoliers, souvent de piteuse apparence, se sont accumulés dans les réserves des musées ; ce n’est que récemment qu’ils ont commencé à être publiés de façon systématique. Une répartition contrastée des sources Les textes mathématiques parvenus jusqu’à nous, qu’ils soient des exercices scolaires ou des œuvres d’érudits, ont dans leur très grande majorité été écrits dans le contexte des écoles de scribes à l’époque paléo-babylonienne (début du deuxième millénaire avant notre ère – voir chronologie), et sont attestés sur une vaste aire géographique (Mésopotamie depuis Ur au sud jusqu’à Mari au nord et Elam). Les textes d’époque plus tardive (néo-babylonienne, achéménide et séleucide), beaucoup moins nombreux que ceux d’époque paléo-babylonienne, proviennent essentiellement des bibliothèques du sud. Ils témoignent d’une part de la transmission de l’héritage mathématique ancien, d’autre part d’un renouveau illustré par le développement du calcul numérique. Ces ruptures dans la documentation ne sont pas propres aux mathématiques. On constate des contrastes importants dans d’autres domaines des savoirs mésopotamiens, par exemple l’astronomie et la médecine. L’astronomie est née au premier millénaire et elle est documentée principalement dans les bibliothèques d’Uruk et Babylone 1 http://www.dma.ens.fr/culturemath/histoire%20des%20maths/index.htm#michel Mathématiques en Mésopotamie – Christine Proust – Site CultureMath (ENS Ulm - DESCO) aux époques achéménide et séleucide. La médecine est documentée principalement dans les sources hittites du deuxième millénaire et dans les bibliothèques néo-assyriennes. La notation positionnelle Une des particularités les plus remarquables des mathématiques cunéiformes, des époques anciennes aussi bien que des époques récentes, est l’utilisation d’une numération sexagésimale positionnelle, attestée depuis la fin du troisième millénaire jusqu’au début de notre ère – voir encart ci-dessous. Le texte le plus ancien connu attestant de l’usage de la notation positionnelle date de la période d’Ur III (YBC 1793)2. Certains auteurs pensent que cette invention pourrait remonter à l’époque de l’empire d’Akkad, mais cette hypothèse est contestée, notamment par J. Friberg – voir On the Alleged Counting with Sexagesimal Place Value Numbers in Mathematical Cuneiform Texts from the Third Millennium BC3 Encart 1 - La numération sexagésimale positionnelle 1) Il y a deux signes : 1 ( ) et 10 ( ) 2) Il y a 59 « chiffres », écrits en répétant les 1 et les 10 autant que nécessaire (numération décimale additive) unités : dizaines : Exemple : = 59 3) La numération obéit à un principe de position à base 60 : une unité dans une position représente soixante unités de la position qui la précède (placée à sa droite). Par exemple, une soixantaine s’écrit 1 en deuxième position. Exemples : = 1.3 (1 soixantaine et 3 unités, soit 63 en numération décimale) = 2.15 (2 soixantaines et 15 unités, soit 135 en numération décimale) 4) Il n’y a pas de signe écrit pour indiquer l’ordre de grandeur, comme nous le faisons en écrivant des zéros en position finale ou une virgule, nous permettant par exemple de distinguer une unité (1), une dizaine (10), un dixième (0,1). Le signe peut désigner le nombre 1, ou 60, ou 1/60, ou toute puissance de 60 positive ou négative. Il en est de même pour tous les autres nombres : peut désigner 2, ou 2×60, ou 2/60, etc. 2 http://cdli.ucla.edu/dl/lineart/P142357_l.jpg 3 http://cdli.ucla.edu/pubs/cdlj/2005/cdlj2005_002.html Mathématiques en Mésopotamie – Christine Proust – Site CultureMath (ENS Ulm - DESCO) Les textes scolaires Les textes scolaires nous apportent des témoignages sur le contenu et l’organisation de l’enseignement des mathématiques. On peut ainsi reconstituer le cursus de formation mathématiques des scribes avec une grande précision pour certaines écoles (par exemple, les écoles de Nippur de l’époque paléo-babylonienne) : les apprentis scribes apprenaient d’immenses listes de mesures de capacité, poids, surface et longueur, toujours dans le même ordre et des listes de conversions, puis des tables numériques (inverses, multiplications, carrés, racines carrées, racines cubiques) ; ensuite, ils étaient entraînés à effectuer des opérations sur les nombres positionnels (inversion et multiplication) et au calcul des surfaces et des volumes. Les textes scolaires nous fournissent aussi de précieuses indications sur les méthodes de calcul enseignées aux apprentis scribes, et ainsi éclairent indirectement les concepts élaborés par les scribes érudits. Les textes d’apprentissage montrent notamment comment les scribes utilisaient plusieurs systèmes numériques différents, les uns pour exprimer des grandeurs uploads/Histoire/ chrono-mesopotamie.pdf
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- Publié le Jul 14, 2022
- Catégorie History / Histoire
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