Brève histoire des mathématiques « Toute la suite des hommes, pendant le cours
Brève histoire des mathématiques « Toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement. » Blaise Pascal, Préface pour le Traité du Vide « Sans un petit grain de métaphysique, il n'est pas possible, à mon avis, de fonder une science exacte. » Georg Cantor « D'où parle le mathématicien ? D'où vient-il ? Il n'est pas du Ciel, puisque son dire n'est jamais tout entier déjà dit. Il n'est pas de la Terre qui nous tient d'autres discours ; nous « rencontrons » des cailloux et des arbres. Mais trois caillloux, deux arbres ? Jamais. Pour les voir, il y faut déjà quelque opération. On a beau enterrer Pythagore. Le sol qui le reçoit ne portera pas spontanément le fruit mathématique. Quel est donc ce lieu où s'inscrit le texte selon lequel naît la stricte parole mathématique ? Mais parler ? Qu'est-ce que cela veut dire au juste ? Qu'est le lieu de ta parole quand tu ne parles plus ? Et ta « science », Archimède, quel devint son lieu à l'instant même où dit-on sur la plage déserte, un soudard qui peut- être ne parlait pas ta langue, t'a brisé la tête ? Elle était écrite, en partie. Par chance ? Par nécessité ? Et pourquoi, écrite, n'a-t-elle pas dormi, inerte et tranquille ? Quel est dont ce lieu qui n'est ni Ciel ni Terre, où la Mathématique, produite, peut ne pas mourir ? » Jean Toussaint Desanti, Les Idéalités mathématiques. 1. Préhistoire des mathématiques : Égypte, Assyrie, Phénicie, Inde. « Qu’il y ait eu une mathématique préhéllénique fort développée, c’est ce qui ne saurait aujourd’hui être mis en doute. Non seulement les notions (déjà fort abstraites) de nombre entier et de mesure des grandeurs sont-elles couramment utilisées dans les documents les plus anciens qui nous soient parvenus d’Égypte ou de Chaldée, mais l’algèbre babylonienne, par l’élégance et la sûreté de ses méthodes, ne saurait se concevoir comme une simple collection de problèmes résolus par tâtonnements empiriques. Et, si l’on ne rencontre dans les textes rien qui ressemble à une démons-tration au sens formel du mot, on est en droit de penser que la découverte de tels procédés de résolution, dont la généralité transparaît sous les applications numériques particulières, n’a pu s’effectuer sans un minimum d’enchaînements logiques. » (Bourbaki, Éléments d'histoire des maths) Le papyrus Rhind, rédigé par le scribe Ahmès vers 1640 av. J.C., est notre principale source d’information sur les mathématiques égyptiennes. Il contient une table de division de 2 par les nombres impairs compris entre 5 et 101, un recueil de problèmes arithmétiques concrets et regroupés par thèmes (partages de pains selon divers proportions, opérations sur les fractions, équations du premier degré, règle de trois, progressions arithmétiques et géométriques, etc), et une section consacrée à la géométrie : volumes de récipients cylindriques et parallélépipédiques, aires de triangles, rectangles, etc. L’aire d’un cercle de diamètre D est estimée à (8D/9)2. Ahmès déclare avoir copié ces problèmes sur un document remontant à env. 2000 av. J. C. Chaldéens : numération sexagésimale, premiers algorithmes, astrologie-astronomie et mystique des nombres. En Hedu’Anna, fille de Sargon l’Ancien, premier roi d’Akkad, prêtresse de la déesse de la Lune, est la première femme de science connue. Une tablette babylonienne de l’époque d’Hammou-rabi (17ème siècle av. J. C.) enseigne l’art des équations du second degré : « Sachant que x + y = 32 + 60 30 et x.y = 2.60 + 6, on cherche x et y. On remarquera pour cela que x.y = ( 2 y x+ )² − ( 2 y x− )² , on en tirera 2 y x− puis x et y. » Cette tablette se réfère aux Akkadiens, de 2 sorte que la méthode remonte peut-être à l’empire de Sargon (23ème siècle avant notre ère). Comme les jeunes égyptiens, les jeunes mésopotamiens vont à l’école et apprennent la lecture, l’écriture, le calcul. Assurbanipal (668-627) réunit à Ninive une immense bibliothèque (20000 tablettes connues). Panini (entre le VIè et le IVè siècle av. J.C.), grammairien du sanscrit, donne la première théorie rationnelle connue de la phonétique, de la phonologie et de la morphologie. 2. Les mathématiques grecques.1 VIème siècle avant notre ère : La fondation pythagoricienne. Les pères fondateurs : Thalès de Milet (625-547), géomètre et astronome, aurait donné les premiers théorèmes et les premières démonstrations. Pythagoras de Samos (585-500), thaumaturge, moraliste et législateur grec, fonde la philosophie et les mathématiques : « Tout est nombre ». Contemporain de Zarathoustra (628-551), du Buddha (563-483) et de Confucius (551- 479), Pythagore fut, comme eux, un fondateur d’ordre religieux. Mais à la différence des trois autres, la religion pythagoricienne donne une place éminente à la connaissance mathématique. Dans sa Vie de Pythagore, Porphyre écrit : « En ce qui concerne son enseignement, la plupart affirment qu'il a appris des Égyptiens et Chaldéens ainsi que des Phéniciens ce qui touche aux sciences dites mathématiques. En effet, si la géométrie a passionné les Égyptiens depuis des temps très reculés, les Phéniciens, eux, se sont fait une spécialité des nombres et des calculs arithmétiques, et les Chaldéens de la spéculation astronomique.», et Aristoxène de Tarente, dira de Pythagore qu’il « semble avoir attaché une suprême importance à l’étude de l'arithmétique, qu’il développa et éleva au-dessus des besoins des marchands. » Ainsi, les anciens étaient conscients de la double coupure pythagoricienne : • coupure religieuse : le nombre est divin, il enferme la beauté et l’ordre du monde. • coupure rationnelle : il ne suffit pas d’observer les propriétés des nombres et des figures, il faut les démontrer. « Au VIè siècle avant Jésus-Christ, nous trouvons tout à coup, comme créée de rien, une galaxie de philosophes de la nature à Milet, Élée, Samos, qui disputent des origines et de l’évolution de l’univers, de sa forme et de sa substance, de sa structure et de ses lois en des termes qui depuis lors sont à jamais incorporés à notre vocabulaire et à nos matrices de pensée. Ils sont en quête de principes fondamentaux et de substances primordiales sous-jacents à toute diversité : quatre éléments, quatre humeurs, atomes tous identiques se mouvant selon des lois absolues. Les pytha- goriciens tentent la première grande synthèse : ils essayent de tisser les fils séparés de la religion, de la médecine, de l’astronomie et de la musique pour en faire une seule étoffe à dessin géométrique austère. Cette étoffe n’est pas encore achevée aujourd’hui, mais le canevas en fut composé au cours des trois siècles de l’âge héroïque de la science grecque entre Thalès et Aristote. » (A. Koestler, Le cri d'Archimède). Vème siècle avant notre ère, les pythagoriciens : Philolaos de Crotone (nombres premiers et composés), Hippase de Métaponte (découverte des irrationnels), Hippocrate de Chios, Démocrite l’atomiste (formule du volume d’une pyramide), les Éléates (Élée, ville du sud de l’Italie) : Parménide et Zénon, et leurs fameux paradoxes. Le sophiste Hippias d’Élis, et son frère Dinostrate, géomètres. 150 ans avant Euclide, Hippocrate de Chios (~460 av. J.C.) écrit les premiers Éléments de mathématiques, il démontre l’ensemble des propositions mathématiques à l’aide d’un petit nombre de principes : définitions, postulats et axiomes ; il invente le raisonnement par l’absurde, et établit la quadrature des lunules. Avec les pythagoriciens, l’univers des mathématiques s’est agrandi. Ils ont introduit la musique et la mécanique. Leur vision mystique des nombres ne les a pas empêchés de fonder l’arithmétique comme la science des nombres ; ils classifient les nombres entiers. C’est à eux que l’on doit les 1 Cette section 2 est largement inspirée du Théorème du perroquet de Denis Guedj. La section 3, elle, est directement extraite de ce livre. 3 premières véritables démonstrations de l’Histoire. Ils démontrent, par exemple, que tous les triangles ont en commun d’avoir la somme de leurs angles égale à 180 degrés, et découvrent le tétraèdre, le cube et le dodécaèdre. Trois problèmes fameux vont traverser les siècles : duplication du cube, trisection de l’angle et quadrature du cercle. Première crise des fondements : la découverte des irrationnels. On attribue la découverte de l’irrationnalité de 2 (rapport de la diagonale au côté du carré) à Hippase de Métaponte. La légende dit qu’elle s’est produite au cours d’un voyage en mer des pythagoriciens, et qu’ils ont jeté Hippase par-dessus bord, car il contredisait un élément central de la doctrine de Pythagore, qui énonce que tout phénomène naturel se mesure par des rapports en nombres entiers. IVème siècle avant notre ère. École d’Athènes. Théodore de Cyrène, professeur de mathématiques de Platon, démontre l’irrationnalité de 3 , 5 , 7 , 11 et 17 . Théétète, ami de Platon, généralise ce résultat et découvre les deux derniers polyèdres réguliers, l’octaèdre et l’icosaèdre. Platon (428-347 av. J. C.) et son Académie : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre ». « Si la géométrie oblige à contempler l'essence, elle nous convient ; si elle s’arrête au devenir, elle ne nous uploads/Histoire/ breve-histoire-des-mathematiques.pdf
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- Publié le Sep 13, 2021
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