Augustin Guillamón Chronologie d’Amadeo Bordiga Introduction « … Les marxistes
Augustin Guillamón Chronologie d’Amadeo Bordiga Introduction « … Les marxistes révolutionnaires n’apprécient ni les commémorations ni les souvenirs. L’individu naît et meurt, il est transitoire : seule l’espèce survit. La personne n’a pas d’histoire ; l’espèce oui. C’est l’histoire humaine, une histoire de classes, de divisions et de luttes entre les classes. L’individu, tant que l’humanité vit sa préhistoire classiste, peut s’identifier à la classe quand les impulsions déterministes, irrationnelles et irrépressibles le catapultent sur la scène de l’histoire. Il est télécommandé. En avoir conscience est la seule chose dont il a besoin pour fonctionner du mieux possible. Les révolutions que se sont déroulées depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui ont été des révolutions bourgeoises ou doubles, c’est-à-dire bourgeoises au plan économique et prolétariennes au plan politique, à la seule exception de la Commune de Paris en 1871. La Commune a éclaté sans nom de personnes illustres : elle a été massacrée en même temps que ses militants anonymes. On se souvient, cependant, de ses fossoyeurs sanguinaires, les méprisables démocrates style Thiers et des prétoriens à la Mac Mahon. Le prolétariat n’a pas besoin de mythes individuels. Il a lutté et il est mort pour la Commune, c’est tout. La révolution de demain sera ainsi : univoque, anonyme, avec un seul et grand chef invincible : le parti marxiste révolutionnaire. Nous laissons aux ennemis qui commémorent leurs grands chefs dans la bataille, pendant qu’ils ont le temps et la possibilité de le faire. Le romantisme révolutionnaire est mort avec la victoire du contre-révolutionnaire Staline. Le communisme, maintenant, n’a plus besoin de phrases romantiques. Lui conviennent mieux le langage logarithmique et le costume guerrier. Amadeo et avec lui les générations passées de communistes révolutionnaires ne sont pas morts. Leurs corps sont retournés à la terre dont ils avaient surgi. Son travail, sa lutte quotidienne vivent en fusion dans la continuité du communisme, dans la direction où va, inconsciente, l’humanité travailleuse, déshéritée et opprimée.» Il Programma comunista n°15 (01/09/1970) Quel sens peut avoir, dans l’Espagne ou la France de 2002, une biographie sur le militantisme et la pensée politique Amadeo Bordiga ? Il ne s’agit pas de commémorer le equis(e) anniversaire de sa mort. Il ne s’agit pas de faire un panégyrique ou un hommage, il s’agit plus modestement d’une façon d’expliquer qui fut Amadeo Bordiga, ce qu’il a représenté dans le mouvement ouvrier révolutionnaire et, surtout, quel fut son combat et quel est son héritage. Si l’ignorance volait comme les nuages, on ne verrait jamais le soleil. Même ceux qui ont entendu quelques fois le nom de Bordiga ne connaissent pas très bien sa trajectoire militante et théorique. D’autre part, il y a ceux qui confondent la situation minoritaire (alors inévitable) avec le silence monastique et l’intransigeance sur les principes (les principes sont l’arme de la révolution) avec le sectarisme d’un anachorète qui prêche dans le désert du haut d’une colonne, angoissé à l’idée qu’un autre ermite essaie un jour de se situer à la même altitude que lui et ne change la solitude stérile en monastère. La chronologie que nous proposons est perfectible. Et il ne fait pas de doute qu’elle n’apportera pas de grandes connaissances sur la pensée de Bordiga. Pour cela, il est nécessaire de lire Bordiga. Et c’est là le premier objectif de cette chronologie : inciter le lecteur à connaître et à approfondir les thèses de la Gauche Communiste. Le second objectif est de faciliter un abord, ici et aujourd’hui, d’une tradition et d’une expression révolutionnaire de la pensée marxiste qui, confrontée au stalinisme, a tenté de sauvegarder, de restaurer et de continuer le marxisme comme théorie révolutionnaire du prolétariat. Et ce n’est pas peu, étant donnée la misère théorique et pratique qui, aujourd’hui, nous avilit, nous anéantit et nous enterre. «AUJOURD’HUI est le disciple d’HIER.» CHRONOLOGIE DE BORDIGA 1872 Fondation de la Fédération italienne de l’AIT. 1892 Fondation à Gênes du Parti dei Lavatori Italiani, avec exclusion des anarchistes. Parmi les fondateurs, on remarque Filippo Turati, Ana Kulischof et Enrico Ferri. 1895 Le Congrès de Parme change le nom du parti pour celui de Partito Socialista Italiano (PSI). Le PSI apparaît comme un parti fragmenté, constitué de la somme de quelques sections très jalouses de leur propre autonomie. Cette caractéristique, qui plus tard démontrera ses faiblesses, lui donne au niveau immédiat une grande force puisque cela lui permet de pénétrer tous les aspects de la vie locale : les Bourses du Travail (Camera del Lavoro), les coopératives, les Maisons du Peuple, les universités populaires, qui débouchent sur les municipalités rouges ou l’administration socialiste de la commune, doté d’instruments d’autogestion et avec une volonté morale propre. Une autre caractéristique notable du PSI est la facilité, et même l’impulsion organisative qu’il donne à la formation de fractions, surtout pour la préparation de motions à présenter au Congrès du parti. 1896 Publication des thèses révisionnistes de Bernstein. 1903 Les bolcheviks en Russie et les «étroits» en Bulgarie s’organisent comme gauche de la social démocratie. 1906 Fondation à Milan de la Confederazione Generale del Lavoro (CGL) en étroite collaboration avec le PSI. 1909 Les tribunistes apparaissent en Hollande comme gauche de la social démocratie. 1910 Rupture de Lénine avec Kautsky. Turati est nommé président du PSI. Intégration Amadeo Bordiga dans le PSI. A Naples, se constitue un bloc électoral dominé par les francs-maçons et auquel participent des socialistes et des syndicalistes révolutionnaires. Jusqu’à 1912, ce bloc «laïc» maintient sa domination électorale sur le bloc «clérical». 1911 Février Le groupe parlementaire socialiste vote contre l’annexion de la Libye. Avril Bordiga fonde le Cercle Socialiste Karl Marx. Le Cercle considère que la section napolitaine du PSI a cessé d’être socialiste. Le Cercle présente des candidats socialistes aux élections face à la coalition électorale des socialistes et des francs-maçons. Ruggero Grieco (futur membre de la CE du PCI à partir de 1921), Ortensia di Meo (compagne d’Amadeo Bordiga) et Mario Bianchi (futur leader syndicaliste) font partie de ce Cercle. Mai Les députés socialistes Bonomi, Bissolati et Cabrini félicitent le roi d’être sorti sain et sauf d’un attentat anarchiste. Mussolini exige l’exclusion de ces députés réformistes. Juillet XII(e) Congrès du PSI a Reggio-Emilia : le groupe formé autour de Bissolati, Bonomi et Cabrini qui soutient la guerre est exclu des rangs du PSI. Mussolini, un des leaders de la gauche du PSI, est nommé directeur de Avanti à la place du réformiste Claudio Treves. Le PSI décide d’inclure dans son programme la république, la lutte de classes et le rejet de toute forme de collaboration avec le réformisme bourgeois. Septembre Début du débat au sein de la Jeunesse socialiste, entre Amadeo Bordiga et Angelo Tasca, sur la question des socialistes face à la culture et à l’éducation. Tasca défend des thèses favorables à l’assimilation de la culture bourgeoise par les jeunes socialistes et s’oppose à l’orientation antimilitariste, anticléricale et anti-réformiste de la presse socialiste des jeunes. Bordiga défend cette orientation de la presse comme organe de la lutte de classes et s’oppose à sa transformation en un périodique culturel. Par rapport à l’éducation, Tasca propose une réforme du système éducatif italien dans le sens laïc et démocratique. Bordiga conteste que cette réforme puisse changé le caractère bourgeois et anti-socialiste de cette éducation. Bordiga caractérise la culture et l’éducation bourgeoises d’anti-solidaire, compétitive, individualiste et darwiniste. La culture socialiste devra être solidaire et altruiste et ne pourra naître que comme négation de la culture dominante, dans la pratique de la lutte de classes. La polémique confère à Amadeo Bordiga une grande notoriété au sein de la jeunesse socialiste. 1913 Importantes luttes ouvrières, dans toute l’Italie, en protestation contre le décret du président (libéral) Giolitti sur quelques impôts de guerre qui enchérissent le coût de la vie de 25 %. Généralisation du suffrage universel (pour les hommes) en Italie. 1914 Avril XIV(e) Congrès du PSI à Ancone : Amadeo Bordiga et Mario Bianchi représentent le Cercle Karl Marx. Mussolini propose et obtient l’exclusion des francs-maçons du PSI. Débats sur les blocs électoraux et sur la nécessité d’unifier la politique du PSI aussi bien au Nord qu’au Sud de l’Italie. Pas de débat sur la position des socialistes en cas de guerre. Mai L’union Socialiste Napolitaine quitte le PSI. Le Cercle Karl Marx reconstitue la section napolitaine du PSI il a atteint ses objectifs, à savoir l’exclusion des francs-maçons. Juin La semaine rouge. Le 7 juin, jour de la commémoration du Statut Royal, c’est-à-dire de la constitution italienne, se déroulent des manifestations antimilitaristes. La troupe ouvre le feu contre les manifestants. Ce fut le début sanglant de ce que l’on appela la semaine rouge. L’insurrection populaire se propage aux principales villes : Turin, Parme, Milan, Florence, Naples. Le 12 juin la CGL ordonne la fin de la grève générale sans consulter le PSI. Conflits entre réformistes et révolutionnaires. 28 juillet L’Autriche déclare la guerre à la Serbie pour l’assassinat, à Sarajevo, du successeur de l’empereur. 29 juillet Le Bureau Socialiste International, convoqué à Bruxelles, lance un manifeste contre la guerre. 31 juillet Assassinat du socialiste et pacifiste uploads/Histoire/ chronologie-d-amadeo-bordiga-a-guillamon.pdf
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- Publié le Dec 22, 2021
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