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Conférence-Débat: Quelle influence la politique de nos premiers dirigeants de Toussaint Louverture à Pétion en passant par Dessalines et Christophe, a-t-elle sur la formation sociale haïtienne actuelle ? Date : vendredi 29 février 2008. Lieu : Institut Culturel Karl Levêque (ICKL). Présentateur : Professeur Roger Petit- Frère. Modérateur : Marc- Arthur Fils- Aimé. I. Plan : Présentation de la conférence par Marc- Arthur Fils- Aimé. II. Intervention du professeur Petit- Frère. La problématique de l’histoire en Haïti ; Les tendances dominantes dans la façon dont les historiens haïtiens écrivent l’histoire. L’histoire économique, politique et sociale : une autre approche. La conception des historiens marxistes en Haïti. 2.2 L’histoire dans le contexte démocratique de l’Haïti néolibérale d’aujourd’hui. 2.2.1 Les différentes polémiques sur la nature de la formation sociale haïtienne 2.2.2 La formation sociale haïtienne dans le contexte latino-américain 2.3 Saint-Domingue, 1804 au sein de la polémique de la formation sociale haïtienne. 2.3.1 L’influence des stratégies de lutte dans le Nord, le Sud et l’Ouest autour de la formation sociale haïtienne. 2.3.2 Nature des alliances entre les différentes forces sociales et la formation sociale haïtienne. 2.4 Haïti : La formation sociale dans les luttes relatives au projet des sociétés 2.4.1 Victoire du projet de Pétion. I. Débats 1 1. –Présentation de la conférence par Marc- Arthur Fils- Aimé. L’Institut Culturel Karl Lévêque (ICKL) veut participer aux recherches visant à porter une certaine lumière sur la nature de la formation sociale haïtienne et lancer les débats afin d’enlever les confusions les plus grossières qui obscurcissent sa nature. Ce concept difficile à cerner est enrobé de discours des plus divers. C’est pourquoi il s’avère important d’y réfléchir. Les premières études sur la formation sociale haïtienne, à l’exception de l’Analyse Schématique de Jacques Roumain, ont été menées par des camarades vivant en exil ou dans la clandestinité dans le pays sous la dictature des Duvalier. Mais, ces camarades ne disposaient pas de vrais moyens, d’outils et d’éléments indispensables pour conduire ce travail. Il leur manquait des informations, des données pour l’approfondir, ce qui a porté certains auteurs à des conclusions des plus diverses. Par exemple, pour certaines et certains, la formation sociale haïtienne est semi- féodale, semi- capitaliste, et pour d’autres, elle est dominée par le capitalisme depuis l’occupation américaine de 1915 etc. C’est dans l’objectif d’épurer le concept et de le maîtriser que l’Institut a entamé cette première conférence sur un total de cinq projetées au cours de cette année telles que : « l’historique de la formation haïtienne »; « l’aspect culturel de la formation sociale haïtienne ». Les discussions sont lancées pour fouiller la réalité afin de la comprendre parce que l’apparence ne traduit pas obligatoirement la réalité .Cette série de conférences viserait aussi à former un groupe, une équipe de recherches sur la problématique centrale : la formation sociale haïtienne. La première série des discussions débute cet après-midi 29 février avec le professeur Roger Petit- Frère sous le thème : « Quelle influence la politique de nos premiers dirigeants a-t-elle sur la formation sociale haïtienne actuelle ? » La prochaine conférence traitera de « l’influence de la culture bossale et de la culture créole sur la formation sociale haïtienne actuelle. » Elle sera traitée par le professeur John Yves Blot. 2 Intervention du professeur Roger Petit- Frère. Un rappel historique panoramique de la formation haïtienne se veut un exercice très difficile à faire cet après-midi. Dans cette perspective, je vais explorer trois aspects du sujet pour nous donner l’opportunité d’apporter un peu de lumière sur la problématique en question : 1) Les écueils de l’Histoire en Haïti. 2) Une excursion sur la problématique de la formation sociale haïtienne. 3) Un rappel de quelques éléments pour essayer de comprendre ce qui s’était passé en 1804. J’entame la discussion avec une thèse qui a baptisé la révolution haïtienne du nom de « révolution à l’haïtienne ». Tous les soulèvements ou du moins toutes les révoltes populaires sont inscrites sous la rubrique de révolution. Les historiens partisans de cette position et l’historiographie traditionnelle dominante voient une révolution toutes les fois que le peuple a participé à l’éjection d’un gouvernement. C’est dans ce sens que souvent dans les médias, dans la bouche des dirigeants politiques comme sous la plume des intellectuels, l’on entend parler de « révolution de 1946 », « révolution de 1986 », « révolution 1987 » etc. En réalité, nous n’avons jamais eu de révolution sinon des révolutions à l’haïtienne. Nous allons explorer la signification du concept de révolution. 2.1- L’histoire en Haïti : les tendances dominantes dans la façon dont les historiens haïtiens écrivent l’Histoire. La première catégorie des gens qui se sont montrés intéressés à écrire notre histoire, ce sont les mulâtres. (Ce que je suis en train de dire va poser des problèmes, résignez-vous à le prendre ainsi). Beaubrun Ardouin, un libéral et Thomas Madiou, un national. Ce qui signifie que lorsqu’ils font l’histoire, ils défendent une position, une idée. Ils ne font pas l’histoire dans le sens pur du mot. Madiou, si on peut l’appeler un mulâtre modéré, croyait que les Noirs étaient majoritaires dans notre société. D’après lui, les mulâtres devraient s’associer aux Noirs pour diriger le pays. Il était partisan de l’unité entre les Noirs et les Mulâtres. Dans ses recherches, il n’a pas abordé les luttes fratricides entre les Noirs et les Mulâtres. Il n’a pas longuement considéré la guerre entre Toussaint et Rigaud à Saint-Domingue communément appelée « la guerre du Sud ». Il a maintenu la même réserve vis-à-vis des Mulâtres assassinés par Christophe dans le Nord. Longtemps 3 après sa mort, dans un ouvrage posthume, on a découvert que Madiou en a fait quelques allusions. Ardouin de son côté ne portait pas les Noirs dans son cœur. Son œuvre est anti-noir. Il y a une tendance ici pour déclarer que l’histoire est objective, pourtant il suffit d’éplucher l’œuvre d’un historien pour trouver que sa position idéologique n’est nullement neutre, voire objective. -2.1.1- Différents courants autour de la formation sociale haïtienne. Je connais des historiens dont je ne veux pas citer les noms qui disent que 1804 correspond avec l’indépendance de la nation. La préoccupation de ces historiens, c’est que Saint-Domingue est devenu indépendant. D’après une autre catégorie d’historiens, 1804 se veut un mouvement d’émancipation, un mouvement de libération d’esclaves, et c’est ce mouvement qui leur est important, fondamental. Pour eux, l’émancipation et la libération des esclaves constituent l’essence de la révolution. Ce sont ces deux courants qui dominent l’œuvre historique en Haïti. La recherche sur la nature de la formation sociale haïtienne n’a jamais embrassé l’histoire de la domination du pays. Les historiens se contentent de leur idée sur la nation ou sur l’indépendance, et c’est sur cette base qu’ils écrivent l’histoire sans jamais connaître ni le pays ni la société qu’ils étudient. Voici un exemple pour édifier mon propos. Les historiens disent que les esclaves luttaient pour la liberté. Nous pouvons nous poser cette question : Où ont-ils trouvé cette parole ? Pourtant, c’est simple. Les affranchis luttaient pour la liberté, et ils ont décidé que tout le monde luttait pour ce même objectif. L’histoire est l’histoire des positions et des intérêts des affranchis. Bien des aspects de l’histoire ont été ignorés et ne sont pas posés dans les cours d’histoire à l’école: l’aspect économique, la véritable dimension culturelle et politique des esclaves. Les historiens de tendance libérale et nationale ont dominé avec leur approche tout le 19ème siècle. Chacun de ces courants s’est toujours efforcé d’imposer sa compréhension de l’histoire en accord avec sa position politique. Aux yeux des libéraux, Pétion est le père de la démocratie, le fondateur de la République. D’après les nationaux, Pétion est un dictateur. 4 Cette tension entre les deux tendances a occupé une place très importante dans l’historiographie haïtienne pendant longtemps. 2.1.2 L’histoire économique, politique et sociale : une autre approche. La fondation de l’École Normale Supérieure a renversé la vapeur en jouant un grand rôle en intégrant dans les études historiques la dimension économique et sociale. Il faut souligner que c’est sous l’influence de Leslie François Manigat qui enseignait à l’École Normale que ce courant a pu se développer. Il a abordé l’histoire d’une autre façon en considérant ses aspects politique, économique et social. Cela a ouvert la porte aux forces politiques dans l’histoire. C’est dans ce contexte que quelques étudiants, de Manigat à l’instar de Michel Hector, Jean Jacques Dessalines Ambroise et autres ont entrepris des recherches dans ces dimensions. Il faut se rappeler que c’était l’époque de la grande montée du marxisme dans le monde, et quelques années plus tard en Haïti. Les marxistes ont développé une conception de l’histoire qui embrasse l’économie, la politique etc. Nous ne devons pas oublier une personne ou bien un moment important, malgré tout ce qui s’était passé. C’est bien François Duvalier qui allait donner une réponse aux conceptions marxistes de l’histoire. Alors que le courant matérialiste dialectique et historique concevait l’histoire comme une totalité sociale contradictoire avec sa dimension économique, politique et la lutte uploads/Histoire/ conference-petit-frere.pdf

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  • Publié le Mar 29, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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