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All Rights Reserved © Canadian University Music Society / Société de musique des universités canadiennes, 2010 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 08/26/2021 3:05 p.m. Intersections Canadian Journal of Music Revue canadienne de musique Aspects de l’ethos musical dans l’antiquité grecque Fabien Delouvé Volume 29, Number 2, 2009 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1000039ar DOI: https://doi.org/10.7202/1000039ar See table of contents Publisher(s) Canadian University Music Society / Société de musique des universités canadiennes ISSN 1911-0146 (print) 1918-512X (digital) Explore this journal Cite this article Delouvé, F. (2009). Aspects de l’ethos musical dans l’antiquité grecque. Intersections, 29(2), 52–65. https://doi.org/10.7202/1000039ar Article abstract Studies relating to the notion of musical ethos in Antiquity, while plentiful in number, have suffered from a piecemeal approach that pervades them. The result is that musical ethos is often ignored for being poorly understood. The goal of this article is to examine the discourse surrounding the study of musical ethos; it proposes that the absence of musicological interest in the subject has been caused by the structure of ancient knowledge itself, which could be characterized today as interdisciplinary. This interdisciplinary aspect leads the researcher to adopt an epistemological stance that implies a return to primary sources, and as such to the study of ancient languages and nonmusicological sources. Aspects de l’ethos musical dans l’antiquité grecque Fabien Delouvé S’il est une notion récurrente dans les textes antiques, c’est celle de l’ethos, as- sociée à la musique. Cette notion dont les origines sont très anciennes, puisque l’on en retrouve des éléments dans les mythologies assyro-babyloniennes, fut largement transmise et développée tout au long de l’Antiquité. La musicologie moderne, qu’il semble courant de faire débuter au XIXe siècle avec François- Joseph Fétis1, a notamment traité de l’ethos musical dans l’Antiquité grecque : les écrits focalisés sur cette notion ou en traitant brièvement sont assez nom- breux2. Toutefois, il apparaît rapidement à leur lecture qu’une vision globale n’a jamais été réellement proposée, et que ceux qui l’ont fait proposèrent après re- censement des textes anciens relatifs à l’ethos musical des descriptions parfois hasardeuses et erronées des notions et objets concernés. Parmi ces travaux, ce- lui d’Hermann Abert de 1899 servit longtemps de référence sur le sujet jusqu’à l’édition de Warren Anderson de 19663. Le texte d’Abert, l’un des premiers sur la notion d’ethos musical dans l’Antiquité grecque, montre que les différents objets musicaux antiques étaient considérés comme les véhicules de l’ethos ; il propose alors un recensement assez détaillé des sources relatives à cette notion, mais donne une vision assez confuse de l’articulation des nombreux éléments qui la constituent. Warren Anderson, quant à lui, a surtout développé un aspect de l’ethos : son rapport avec l’éducation, tel qu’on le trouve dans la République de Platon et les Politiques d’Aristote, ainsi que sa fonction au théâtre. Ces deux travaux méritent d’être remis à jour et complétés ; ce fut — entre autres — le but de notre thèse de doctorat4. Cet article a pour objectif de présenter l’en- semble des éléments relatifs à l’ethos musical dans l’Antiquité et de faire ainsi le point sur cette notion souvent ignorée car mal comprise. Cette ignorance et cette incompréhension résident dans la structuration même des savoirs anti- ques qui fonctionnent de manière interdépendante au sein de l’encyclopédie5, le cercle des connaissances que tout homme libre instruit devait posséder6. Il en résulte qu’une recherche musicologique de ce type se doit d’être interdis- ciplinaire et de nature épistémologique. Nous présenterons donc les pistes de recherches ­ propres à la notion musicale d’ethos : celle de la lexicologie, celle de 1 Voir par exemple Aubry 1975, p. 9, Tinel 1971, Heller 1981, p. 294, Legras 2003, p. 168. 2 Citons parmi ceux qui développent le plus cette notion : Wiegandt 1881 ; Walter 1890 ; Abert 1899 ; von Hornbostel 1929 ; Wilkinson 1938 ; Anderson 1966 ; Mathiesen 1984 ; Boccadoro 2002 ; Bundrick 2005 ; Woerther 2007. 3 Voir Feaver 1968. 4 Voir Delouvé 2009. 5 Enkuklios paideia (ἐγκύκλιος παιδεία). 6 L’enseignement de l’encyclopédie aux hommes libres était en tout cas valable à Athènes (Fla- celière 2008, p. 71). 29/2 (2009) 53 l’épistémologie conceptuelle, puis celle — mieux connue — des poètes et des philosophes. Dans son De officiis, Cicéron dit que chaque instruction relative à un sujet entrepris par la raison doit débuter par une définition, afin que puisse être compris ce dont on parle7. Devant répondre, comme nous venons de le dire, à une démarche épistémologique, notre première étape sera donc celle de la terminologie. Il importe en effet de savoir que la première occurrence de la locution « ethos des modes » ne date que de l’Histoire et théorie de la musique de l’Antiquité, recueil de deux volumes écrits par François Auguste Gevaert (1828–1908) et édités en 1875 et 18818. Le terme ethos (ἦθος) est, depuis Aris- tote, compris comme étant la partie de la rhétorique qui traite de l’impression morale produite par un orateur, des moyens qu’il doit employer pour gagner l’intérêt de l’auditoire. L’ethos se différencie du pathos (πάθος) qui soulève la passion et l’émotion c’est-à-dire les affections, les tendances, les désirs de l’auditoire sur lesquels l’orateur peut s’appuyer dans son discours persuasif9. L’ethos est ce vers quoi l’être humain tend naturellement. Comme l’écrit Michel Meyer dans son « Introduction » à la Rhétorique d’Aristote : « L’ethos est ce qui donne alors crédibilité au discours et le pathos, ce qui le fait accepter : les deux moments de la production et de la réception » (Meyer 1991, p. 34). Une étude approfondie de l’évolution du terme ethos (ἦθος) montre son ancienneté et ses nombreuses significations : le poète à qui l’on attribue l’Iliade et l’Odyssée, Ho- mère, l’employait sous la forme plurielle dès le IXe siècle avant notre ère en tant que « séjour habituel », « lieux familiers », ou « demeure », sous l’orthographe ἤθεα (ethea), désignant des lieux fréquentés par les animaux10. Le terme « ha- bituel » accolé à « séjour » ci-dessus comme proposition de traduction d’ethos ne doit pas être oublié : Frédérique Woerther écrit à ce sujet que chez Homère, ethos désigne avant tout un rapport au sujet, qui implique l’idée d’« habitu- de »11. Les Travaux et les jours d’Hésiode proposent le substantif pluriel ethea 7 I, 3 : Placet igitur, quoniam omnis disputatio de officio futura est, ante definire, quid sit officium, quod a Panaetio praetermissum esse miror. Omnis enim, quae a ratione suscipitur de aliqua re insti- tutio, debet a definitione proficisci, ut intellegatur, quid sit id de quo disputetur (« Il convient, puisque tout notre discours doit avoir trait à l’action moralement bonne, de la définir au préalable, ce que Pa- nétius a négligé de faire. Toutes les fois en effet qu’on entreprend de traiter un sujet méthodiquement, on doit prendre comme point de départ une définition, afin d’avoir une idée claire de ce sujet ») le texte latin vient de Cicéron 1913 et la traduction est celle de Appuhn 1933. 8 Premier volume (1875), II, II, 202 : « Constatons d’abord qu’il est certains points par où le sentiment moderne confine sans intermédiaire au sentiment antique. Nous n’en pouvons donner une preuve plus frappante que la classification de l’éthos des modes, par rapport à leur terminaison finale sur la tonique, sur la dominante ou sur la tierce. » 9 « Aristote considérait que les preuves inhérentes au discours étaient au nombre de trois : le caractère moral de l’auditeur (l’ethos, [ἦθος]), la disposition de l’auditoire (le pathos [πάθος]) et le dis- cours lui-même (le logos [λόγος]) (Aristote : Rhétorique, I, 2, III, 1356a). Il se différencierait par là des rhéteurs de son époque, selon lesquels l’ethos ne contribue pas à la persuasion » (Egges 1999, p. 31). 10 Odyssée, 14, 411 ; Iliade, 6, 511. 11 Ce point est la conclusion à son étude sur les dérivés d’ethos que sont aethéssein (ἀηθέσσειν) et etheios (ἠθεῖος) dans l’œuvre d’Homère (Frédérique Woerther : L’ethos aristotélien : genèse d’une notion rhétorique, op. cit. Cette étude concerne les pp. 25–32, cette conclusion apparaissant à la p. 32. Les éléments présentés ici relatifs à l’évolution du terme ethos proviennent principalement de cet ouvrage). 54 Intersections pour désigner un lieu de séjour, applicable aux êtres humains et non unique- ment aux animaux comme c’était le cas chez Homère (Hésiode 1940, p. 167–168 et 220–223). Deux autres acceptions d’ethos se trouvent aussi chez Hésiode qui l’emploie au singulier12 (ἦθος) dans le sens de « caractère »13, et au pluriel (ἤθεα) dans celui de « coutumes »14 et d’« habitudes »15. Le singulier ἦθος conservera ce sens d’« habitudes », désignant alors les « mœurs » comme c’est le cas uploads/Histoire/ aspects-de-l-x27-ethos-musical-dans-l-x27-antiquite-grecque.pdf

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  • Publié le Aoû 22, 2022
  • Catégorie History / Histoire
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