See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://ww

See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/37271831 L'alambic dans la cuisine ? Chapter · January 2009 Source: OAI CITATIONS 2 READS 1,229 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: NAVIRES ET MARCHANDISES ISLAMIQUES EN MÉDITERRANÉE OCCIDENTALE DURANT LE HAUT-MOYEN ÂGE (FIN IXÈ -XÈME SIÈCLE) : NOUVELLES DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES ET ARCHÉOMÉTRIQUES View project Nicolas Thomas Institut national de recherches archéologiques préventives 134 PUBLICATIONS 355 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Nicolas Thomas on 04 June 2014. The user has requested enhancement of the downloaded file. L A DISTILLATION a été introduite en Occident avec l’alchimie au cours du XIIe siècle. Par convention, on date la réception des techniques alchimiques de 1148, ce qui correspond à la traduction d’un texte arabe, le Morienus, par Robert de Castre1. Dès le XIIIe siècle, l’alchi- miste Paul de Tarente, ou Pseudo-Geber, distingue plusieurs façons de distiller et propose même une classi- fication de ces différentes techniques2. Ainsi, on distille avec ou sans feu, par élévation de vapeur ou par descente du distillat (per descensum). La distillation par élévation des vapeurs, ou per ascensum, nécessite l’utilisation d’un alambic, dont l’étymologie rappelle l’origine arabe du terme. L’appareil et les conditions d’utilisation sont décrits dans les textes alchimiques, mais également dans quelques traités médiévaux de médecine, plus particulièrement à partir du XIVe siècle. L’alambic évoque donc commu- nément la figure de l’alchimiste ou éventuellement celle de l’apothicaire, mais s’agit-il des principaux utilisateurs de ce type d’appareil? Les découvertes archéologiques d’appareils de distillation ne sont pas exceptionnelles. On retrouve des alambics dans de nombreuses fouilles dans des contextes datés du XIIIe au XVIIe siècle. À l’archéo- logue, ces artefacts posent la question de la finalité des opérations réalisées. Que distillait-on? À quelles fins? Qui pratiquait ces opérations? S’il s’agit d’appareils d’alchimie, s’agit-il pour autant d’appareils d’alchimistes? L’alambic ne peut-il pas être un appareil que l’on trouve dans la cuisine associé à la préparation des mets? 1. Pr rin nc cipe et t prat ti ique e de la disti il llat tion p pe er r a as sc ce en ns su um m Distiller signifie d’abord séparer, même si le mot évoque le distillat coulant goutte-à-goutte du bec de l’alambic. Le principe de l’opération est relativement simple. La cuisine et la table dans la France de la fin du Moyen Âge, Publications du CRAHM, 2009, p. 35-50 Mots-clés : distillation, alambic, alchimie, alcool, eau de rose. * INRAP / UMR 8589 LAMOP , Équipe d’histoire des techniques, Université Paris I – Panthéon Sorbonne. 1. HALLEUX 1979, p. 49. 2. NEWMAN 1991, p. 408. L’ALAMBIC DANS LA CUISINE ? Nicolas THOMAS* NICOLAS THOMAS 36 La cuisine et la table dans la France de la fin du Moyen Âge, p. 35-50 Le liquide à distiller est placé dans un récipient chauffé par-dessous. Ce vase, appelé cucurbite, est surmonté d’un chapiteau sur les parois duquel vont venir se condenser les vapeurs. Celles-ci, à l’état liquide, vont s’écouler le long des parois, vers une gouttière annulaire menant à un bec de décharge pour être recueillies dans un réceptacle extérieur (fig. 1). Les joints entre les trois récipients doivent être lutés afin que les vapeurs ne puissent s’échapper. Le lut est un mélange argileux, ou encore une pâte composée de farine et de blanc d’œuf. Parfois il est recommandé de luter complètement la cucurbite, c’est-à-dire de la recouvrir d’un enduit argileux destiné à la protéger de l’ardeur du feu. La séparation des substances contenues dans un liquide à distiller est fondée sur des températures d’ébullition et de vaporisation différentes. Dans le distillat, on récupère donc une fraction plus impor- tante des matières qui ont une température d’ébullition inférieure à celles qui vont demeurer au fond de la cucurbite. La séparation n’étant pas totale, parfois, il s’agit de distiller plusieurs fois le produit obtenu. La rectification permet ainsi par des distillations succes- sives d’augmenter la pureté du distillat. On sait que cette technique trouve une application, notamment, dans la production de l’alcool, mais pas exclusivement. Ainsi, la Summa perfectionis recommande de répéter l’opération dans le cas de la distillation de l’eau afin d’obtenir de l’eau pure : Causa vero inventionis eius specialis que fit per ascensum in alembic est scilicet inquisitio aque pure sine terra, cuius experientia est quod vides aquam bis distillatam nullam fecem habere3. La distillation pouvait concerner de nombreux produits. Si l’on prend la définition la plus large de l’alchimie que l’on trouve chez Roger Bacon (XIIIe siècle), alors l’alchimie est la fois une science concernant tout le monde inanimé et une pratique consistant à la repro- duction des produits naturels : Alkimia speculativa, quae speculatur de omni- bus inanimatis et tota generatione rerum ab elementis. Est autem alkimia operativa et prac- tica, quae docet facere metalla nobilia et colores, et alia multa melius et copiosius quam per naturam fiant 4. Dans ce sens, l’alchimiste s’intéresse à la composition des corps, à leur séparation en différents éléments et bien sûr à leur purification. La distillation est donc une technique qui satisfait pleinement ces objectifs, à la fois dans la pensée et la représentation que l’on s’en fait, mais aussi d’un point de vue pratique5. Au moyen de la distil- lation, on fabrique des acides, utilisés en métallurgie, des compositions incendiaires et toutes sortes d’eaux utilisées notamment en médecine6. 3. «La vraie raison de l’invention de cette sorte de distillation per ascensum au moyen d’un alambic est la recherche d’une eau pure sans terre, l’expérience montre que l’eau distillée deux fois ne possède pas du tout de terre.», texte dans NEWMAN 1991, p. 409. 4. «Il y a l’alchimie spéculative, qui observe tout ce qui est inanimé et l’ensemble des choses provenant des quatre éléments. Tandis qu’il y a une alchimie opérative ou pratique qui enseigne comment faire du métal précieux et des couleurs, et beaucoup d’autres choses, au moyen de l’art, meilleures et en plus grande quantité que par la nature.» Roger Bacon, Opus Tertium, xii, dans BREWER 1859, p. 40. 5. Ces idées viennent de l’alchimie arabe, elles sont clairement exprimées par Jâbir ibn Hayyân : «Les quatre principes qui agissent sur les corps appartenant aux trois règnes et qui influent [sur eux] et en déterminent la teinture sont : le Feu, l’Eau, l’Air et la Terre. En effet, il n’y a aucune action dans les trois règnes qui ne soit l’effet de ces Éléments. C’est pour cela que dans cet Art [l’alchimie] nous nous fondons sur les opérations appliquées [aux quatre Éléments], en renforçant celui d’entre eux qui est trop faible et en affaiblissant celui qui est trop fort, bref, en corrigeant ce qui est déficient. Qui donc parvient à manipuler les Éléments dans les trois règnes, parvient par là même à la connaissance de toute chose et comprend la science de la création et l’art de la nature.» KRAUS 1986, p. 7. 6. Pour les compositions incendiaires voir le Liber Ignium, de Marcus Graecus (texte dans BERTHELOT 1893, I, p. 100-120 ou HOEFER 1866-1869, I, p. 517-524), en ce qui concerne les traités spécifiquement métallurgiques, les recettes d’eau forte se trouvent dans les premiers traités imprimés du XVIe siècle, comme le chapiteau bec de décharge réceptacle à distillat cucurbite lut liquide à distiller vapeurs distillat foyer { { bain Fig. 1 : Principe de la distillation per ascensum. L’ALAMBIC DANS LA CUISINE ? 37 Publications du CRAHM, 2009 Malgré la diversité des produits fabriqués par distil- lation, dans la deuxième moitié du XIVe siècle, l’alambic semble surtout utilisé pour la fabrication de l’eau de rose et de l’alcool : Alembicum, id est vas distillatorium, ut in quo fit aqua rosata et aqua ardens et cœtera 7. 2. Fabrica atio on n et t u uti il lisation de e l l’ ’eau u d de e rose Durant le bas Moyen Âge, l’eau de rose devient un produit de consommation assez courant. Elle peut être obtenue par distillation des pétales de la fleur avec de l’eau. Son origine est incontestablement arabe et c’est probablement avec l’alambic qu’elle est introduite en Occident8. Ainsi, sa fabrication est particulièrement bien décrite dans le Liber servitoris d’Abulcassis9. La traduction de ce traité arabe, à l’intention des praticiens pour la fabri- cation des médicaments, connut un certain succès dans les officines occidentales10. L’eau de rose est ainsi souvent utilisée dans les préparations médicinales, parfois comme excipient. Toutefois, on ne trouve pas de mention explicite de la distillation dans les réceptaires qui sont exclusivement galéniques. Les techniques présentes dans ces traités consistent surtout à réaliser des décoctions afin de fabriquer des clystères ou des onguents. Pourtant, on trouve de nombreuses mentions de l’utilisation de l’eau de rose dans les préparations, par exemple dans l’Antido- tarium Nicolai ou dans le Livre des simples médecines de Platearius11. Dans un manuscrit daté du XIIIe siècle de ce dernier ouvrage, l’auteur ne décrit pas la technique de fabrication et limite son propos à cette phrase : Nos ne vos uploads/Histoire/ cuisine-thomas.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 20, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.8529MB