Guy Debord Pour les articles homonymes, voir Debord. Guy Debord Guy Debord (au

Guy Debord Pour les articles homonymes, voir Debord. Guy Debord Guy Debord (au centre), avec Michèle Bernstein et Asger Jorn en 1957. Œuvres principales • La Société du spectacle (1967) • In girum imus nocte et consumimur igni (1978) • Commentaires sur la société du spectacle (1988) • Panégyrique (1989) Guy Debord (1931-1994) est un écrivain, essayiste, cinéaste et révolutionnaire français. C'est lui qui a conceptualisé[1] la notion sociopolitique de « spectacle », développée dans son œuvre la plus connue, La Socié- té du spectacle (1967). Debord a été l'un des fonda- teurs de l'Internationale lettriste de 1952 à 1957, puis de l'Internationale situationniste de 1957 à 1972, dont il a dirigé la revue française. 1 Biographie 1.1 Jeunesse et contexte historique et culturel Très tôt, Guy Debord perd son père. Le mouvement po- pulaire est amené dans l’impasse de la Seconde Guerre mondiale, et, à ses 17 ans, tous les événements fonda- teurs de ce qu’il appellera La Société du spectacle sont en place : la généralisation de la technologie, l'espionnage généralisé, les camps, Hiroshima/Nagasaki, la collabora- tion de classe du PCF avec la bourgeoisie, l’affrontement « spectaculaire » Est/Ouest, et surtout la reconstruction à crédit de l’Europe. L'échec du « dernier grand assaut du mouvement révolutionnaire prolétarien[2] » est dans son paysage. Jeune, il est déjà un grand connaisseur des surréalistes et prend pour figures tutélaires Lautréamont et Arthur Cravan. En 1951-1952, selon les propres mots de Debord, « ja- mais… le champ de bataille n'avait été aussi vide[3] ». Au milieu de ce « désert », cependant, la vie intellectuelle se poursuit. Du côté des défenseurs de la démocratie libé- rale : Aron, Mauriac, Malraux ; de l'autre, tous ceux qui gravitaient autour du PCF : Aragon, Sartre, Picasso. Au cours de cette période le parti alors stalinien aimantait encore nombre d’artistes, d'écrivains et d'intellectuels. D’autres, cependant, refusaient ce partage. André Breton, Benjamin Péret, Jean Malaquais s’étaient rapprochés des mouvements libertaires ou du communisme de gauche antistalinien après avoir souvent flirté avec les thèses de Trotsky, fidèles toujours aux idéaux de la Révolution d'Octobre plutôt qu'à l'URSS et à ses dirigeants. Des électrons « libres » comme Boris Vian, Jacques Pré- vert, participaient au paysage intellectuel de ces années- là. Georges Bataille achevait son œuvre. Maximilien Ru- bel de son côté arrachait l’œuvre de Marx aux dogma- tismes léninistes, tandis que les membres de Socialisme ou Barbarie (Claude Lefort, Cornelius Castoriadis no- tamment), et quelques autres tentaient une ouverture, dans une période dominée par la pensée stalinienne et bourgeoise. C’est à ce moment que commencent à se développer plus largement les analyses critiques sur l’URSS et les « démocraties populaires », après le cé- lèbre Staline[4] de Boris Souvarine (1935), et les analyses d’Ante Ciliga, Victor Serge, Karl Korsch ou Anton Pan- nekoek contre le capitalisme d'État. C'est à cette période qu'il rencontre Isidore Isou et les lettristes (Maurice Lemaître, Gil J Wolman, Jean-Louis Brau, Marc'O…), rencontres décisives qui marquent le fondement de ses engagements futurs. 1.2 Le mouvement lettriste Le scandale de la projection du film Traité de bave et d'éternité d'Isidore Isou au festival de Cannes (avril 1951) marque le jeune Debord et lui ouvre le champ de création qu’est le cinéma, le poussant à participer aux activités du mouvement lettriste, participation qui prendra fin en no- vembre 1952 à la suite d'un autre scandale, le « scandale Chaplin[5] ». Entre temps, il participe à l'unique numéro de la revue Ion de Marc'O (avril 1952)[6] en y publiant le synopsis de la première version (avec images) de son film Hurlements en faveur de Sade dont le titre lui avait été suggéré par Isou[7]. Le premier film de Debord, désor- mais sans images et visuellement proche de L'Anticoncept de Gil J. Wolman, alterne séquences noires et blanches et se compose d'une bande son où des phrases poétiques détournées de leur contexte d'origine, entrecoupées de longs silences, visent à accélérer le processus de négation- décomposition (ce que les lettristes appelaient le “cise- lant”) dans le cinéma, déjà largement entamé dans les 1 2 1 BIOGRAPHIE autres arts, notamment en peinture avec le Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch ou en littérature avec le Finnegans Wake de James Joyce et passer plus directe- ment au projet du dépassement de l'Art, au cœur des pré- occupations de Debord et des lettristes. L'Internationale situationniste précisera des années plus tard, à propos de ce film, que « l'action réelle de l'avant-garde négative (…) n'a été (…) avant-garde de l'absence pure mais toujours mise en scène du scandale de l'absence pour appeler à une présence désirée[8] ». Debord pose ici la limite, le point de départ, dans la suite qui l’amènera à la création de l’IS. Ainsi, en novembre 1952 naît l'Internationale lettriste (IL), qui marque ses distances avec le lettrisme d'Isou en revendiquant une attitude plus proche des anarchistes et des marxistes révolutionnaires que de l'idéal de “créativi- té généralisée” voulue par Isou. En 1953, Debord trace à la craie sur un mur de la Rue de Seine l'inscription “Ne tra- vaillez jamais”, marquant ainsi son rejet du salariat qu'il maintiendra tout au long de sa vie. Ce slogan repris par les émeutiers réapparaîtra au moment des événements de Mai 68. Les “internationaux” lettristes incarnent une sorte de Saint-Germain des Prés souterrain, loin des projecteurs braqués sur le Tabou et Les Deux Magots, vivant de façon clandestine leur refus de la norme sociale dans un Paris de l'après-guerre pas encore rénové par les urbanistes pour lequel ces lettristes se passionnent, y voyant le décor possible, à condition de l'étendre et de l'aménager, pour une future civilisation du jeu qui semble à même de se réaliser dans l'avenir. Le bar Chez Moi- neau, rue du Four à Paris, devient leur quartier géné- ral. Plusieurs livres témoignent de cette période, notam- ment écrits, comme ceux de Jean-Michel Mension dans Le Temps-gage ou de Patrick Straram dans Les bouteilles se couchent, ou de photos, comme celui du Hollandais Ed van der Elsken Love on the left bank. Debord, par la suite, se remémorera souvent cette brève période de sa vie, notamment dans l'ouvrage énigmatique Mémoires ai- dé des structures portantes d'Asger Jorn, toujours avec une grande nostalgie. Dans ces années-là, sont élabo- rés les concepts de psychogéographie et dérive et les membres de l'Internationale lettriste (Ivan Chtcheglov, alias Gilles Ivain, Mohamed Dahou, Guy-Ernest Debord, Gaëtan M. Langlais, Michèle Bernstein, Patrick Straram et Gil J Wolman) s’emploient à explorer la ville de Paris, pour y découvrir les différentes ambiances propices au dépaysement psychogéographique. À la même époque, paraissent plusieurs ouvrages sur ce Paris millénaire et secret voué à disparaître quelques années plus tard sous les pelleteuses, dont certains inspireront Debord : Pa- ris insolite de Jean-Paul Clébert, Rue des maléfices de Jacques Yonnet ou encore Le Vin des rues de Robert Gi- raud. Il rendra hommage également dans Panégyrique à l'historien Louis Chevalier qui dénoncera cette destruc- tion dans L'Assassinat de Paris. Après la création de la revue L'Internationale lettriste en 1952, l'IL fonde la revue Potlach qui commence à paraître en 1954. Le programme de Potlach annonce : « nous tra- vaillons à l’établissement conscient et collectif d’une nou- velle civilisation[9] ». Dans la revue belge Les Lèvres Nues (1954-1957), Debord déclare : « Entre les divers procédés “situation- nistes”, la dérive se présente comme une tech- nique du passage hâtif à travers des ambiances variées. Le concept de dérive est indissolu- blement lié à la reconnaissance d’effets de nature psychogéographique, et à l’affirmation d’un comportement ludique-constructif, ce qui l’oppose en tous points aux notions classiques de voyage et de promenade[10]. » C'est dans cette même revue fondée par les surréalistes Marcel Mariën et Paul Nougé que Debord et Wolman pu- blient en 1956 un texte fondamental : Mode d'emploi du détournement. L'Internationale lettriste se démarque dé- sormais radicalement du lettrisme isouïen, développant un travail théorique qui débouchera bientôt sur la créa- tion de l'Internationale situationniste. Une bonne partie de l'ancienne avant-garde lettriste, res- tée auprès d'Isou et Lemaître, décide de ne pas suivre Debord dans ce qu'elle considère comme une déviation politique[11] et continuera à se développer indépendam- ment de l'Internationale lettriste. 1.3 Les débuts de l'Internationale situa- tionniste 1957 est pour Debord année décisive où, à Cosio d'Arroscia[12] en Italie, sont jetées les bases d’une nouvelle avant-garde qu'il définit dans une de ses correspondances[13] comme le mouvement qui a dominé le passé et qui, à tout moment dans sa pratique comme dans sa théorie pratique, domine le présent. La dérive, la création de situations ludiques, etc., sont proposées par Debord dans le premier texte fondateur de cette nouvelle avant-garde : Rapport sur la construction de situations et sur les conditions de l'organisation et de l'action de la ten- dance situationniste internationale[14]. Les premières années sont marquées par une recrue im- portante d'artistes qui tentent d'expérimenter différents procédés, pouvant s’intégrer à une nouvelle architecture des villes appelée de leurs vœux par les situationnistes, notamment ce que le hollandais Constant nomme urba- uploads/Histoire/ debord.pdf

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  • Publié le Mar 25, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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