Di^t^et Science Ijsfipis de-J&chologie des Sciences PAU ÉLIE DE CYON AVEC DEUX
Di^t^et Science Ijsfipis de-J&chologie des Sciences PAU ÉLIE DE CYON AVEC DEUX PLANCHES HORS TEXTE ET I.E PORTRAIT DE L\\UTEUR PAR J.-C. CHAPLAIN PARIS FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR LIBRAIRIES FÉLIX ALCAN ET GUILLAUMIN RÉUNIES IC/8, nOULEVARD SAINT-GERMAIN, loS w 19 IO Tous droits de traduction et de reproduction réservés WÉFACE « Le plus^sotfVeht, les disciples ou imitateurs des philosophes athées ne suivent pas leur exemple; se croyant déchargés de la crainte d'une Providence sur- veillante et d'un avenir menaçant, ils lâchent la bride à leurs passions brutales et ne cherchent qu'à séduire et corrompre les autres. S'ils ont de l'ambition et pos- sèdent un coeur peu sensible, ils sont capables, pour leur seul plaisir, ou dans l'intérêt de leur seul avarice» ment, de mettre le feu aux quatre coins de la terre... Des opinions et des tendances pareilles s'insinuent peu à peu dans l'esprit des hommes du grand monde et même de ceux qui gouvernent les sociétés et dont dépend la marche des affaires publiques. Exposées dans les ouvrages à la mode, ces opinions préparent systématiquement la révolution générale dont VEurope est menacée et achèvent de détruire ce qui reste encore dans le monde de sentiments généreux, comme l'amour de la patrie et du bien public, le soin de la postérité et le besoin de sacrifier sa vie dans l'intérêt public. Ces public spirHs^ comme les appellent les Anglais, disparaîtront complètement, quand ils ne VI , PRÉFACE. seront plus soutenus par la morale et par la vraie religion... Et si, par ambition ou par caprice, quel- qu'un versait des torrents de sang, s'il renversait tout sens dessus dessous, on compterait cela pour peu de chose; un Érostrate passerait pour un héros... On se moque ouvertement de l'amour de la patrie, on tourne en ridicule ceux qui ont souci du bien public; et, si un homme bien intentionné s'inquiète de l'avenir de nos descendants, on lui répond : advienne que pourra. Mais il pourra arriver à ces personnes d'éprouver elles- mêmes les maux qu'elles croient réservés à d'autres. Si l'on se corrige à temps de cette maladie de l'esprit, dont les mauvais effets commencent à être visibles, ces maux peut-être seront prévenus; mais, si cette maladie va croissant, la Providence corrigera les hommes par la révolution qui en doit naître. » • Ces lignes ne datent pas d'hier, elles ne s'adressent pas a»ix puissants du jour; c'est Leibniz qui les écrivait en 1705. Avec une lucidité vraiment prophétique il prévoyait que la grande fermentation des esprits, con- séquence inévitable du complet bouleversement de nos connaissances traditionnelles qui suivit la renaissance de l'astronomie, de la physique et des sciences mathé- matiques, aux xvie et xvn* siècles, conduirait fatale- ment l'Europe à une révolution générale. Cette renais- sance, oeuvre de Copernic, Kepler, Galilée, Descartes, Newton et Leibniz, devait nécessairement exercer une influence profonde sur les conceptionscosmogoniques de l'époque. La lumière, éclatante, qui se dégageait de leurs grandioses découvertes et créations scienti- fiques, éclairait les esprits supérieurs, capables d'en comprendre la véritable portée ; mais elle ne pouvait PRÉFACE. " viL qu'éblouir les philosophes et lessavantsde second ordre, et aveugler la foule des profanes et des ignorants. La connaissance des lois immuables, qui régissent avec un ordre parfait le monde physique, relevait, chez les premiers, le culte du Créateur de l'univers, raffermissait leur foi en Dieu, et approfondissait leurs croyances religieuses, tandis que, de toutes les consé- quences de cette merveilleuse renaissance, le renver- sement des doctrines cosmogoniques des grands phi- losophes de l'antiquité, approuvées par les scolas- tiques du moyen âge, fit seul impression sur les esprits de seconde catégorie. Incapables de saisir l'im- mense portée de la révolution scientifique qui venait de s'accomplir, ceux-ci ne s'attachèrent qu'à ses résul- tats ne'gatifs ; ils crurent y trouver des prétextes suffi- sants pour renier l'autorité divine et s'affranchir de tout devoir et de toute obligation envers le Créateur. La vanité aidant, ils proclamèrent l'homme l'unique maître du monde. Telle fut l'origine psychologique du scepticisme et de l'athéisme au début du xvnf siècle; leur ascen- dant sur les esprits permit à Leibniz de prédire la révolution qui éclata quatre-vingts ans après. Les philosophes du temps ont largement contribué à la réalisation de sa prédiction. Penseurs trop superficiels pour succéder dignement aux Descartes et aux Leib- niz, et pour pouvoir suivre avec profit la marche triomphale des sciences de leur époque, ils se corn-» plaisaient dans la construction de systèmes matéria- listes. L'athéisme et le scepticisme étaient alors seuls bien portés dans le beau monde, vers lequel ils s,e sen- taient attirés. Aussi une profonde scission s'était elle VIII PRÉFACE. peu à peu opérée entre la philosophie et les sciences exactes; scission qui, au xix* siècle, aboutit à une sé- paration complète, quand la merveilleuse croissance de ces sciences eut atteint son apogée. L'introduction générale de ces Essais de psychologie des Sciences traite longuement des funestes consé- quences de cette séparation, aussi bien pour la philo- sophie elle-même que pour le développement de l'esprit public au cours des deux derniers siècles. Les trois premiers chapitres sont consar. .s à l'exposé des plus récentes conquêtes de la physiologie de l'homme, qui pourraient servir de point de départ pour rappro- cher ces deux branches fondamentales de la connais- sance humaine sur le terrain d'une psychologie vrai- ment scientifique. La solution que la physiologie expé- rimentale, après des recherches poursuivies pendant plus de trente-cinq années, est parvenue à donner au problème millénaire de l'origine de nos concepts de l'espace, du temps et du nombre, démontre suffi- samment les avantages, pour la philosophie, d'une entente entre elle et la science moderne. Tout autre est la portée des questions qui forment l'objet des chapitres suivants de cet ouvrage. La séparation entre la philosophie et les sciences a donné naissance à un phénomène paradoxal en apparence, mais nullement fortuit, et qui repose en réalité sur une connexité causale d'une haute valeur psycholo- gique. Par cette séparation, la philosophie s'était éloignée encore davantage de Dieu et de la religion, tandis que la science, reconnaissant la vanité d'une métaphysique sans base, et éclairée par l'immensité des horizons que ses quotidiennes découvertes lui PRÉFACE. IX ouvraient sur l'infini de l'univers et sur la grandeur des lois immuables qui le régissent, se rapprochait de plus en plus de la religion révélée. Un exemple célèbre expliquera aisément la psycho- logie de ce phénomène. L'athée Voltaire, après un long séjour en Angleterre, où lui fut révélée, dans toute son ampleur, la théorie de Newton, ainsi que sa haute portée pour les conceptions du monde physique, devint un adversaire implacable de l'athéisme; bien plus,déiste, il se.montrait partisan convaincu de la morale religieuse, qu'il reconnaissait comme la seule efficace : « Un catéchisme de paroisse dit à des en- fants qu'il y a un Dieu, mais Newtcm le prouve à des sages'... » « Une fausse science fait des athées; une vraie science prosterne l'homme devant la divinité^», proclamait Voltaire en paraphrasant la célèbre thèse de Bacon. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que les grands savants de l'époque soient restés fidèles aux nobles trad; de leurs illustres prédécesseurs des xvi° et xvnc ... vies. Les liens entre la science et la religion s'étaient même fortifiés, et cela en dehors de la phi- losophie et en opposition avec elle. Aussi, quand la prédiction de Leibniz se réalisa et que la révolution éclata au nom de la philosophie athée, la science et la t. Dictionnaire philosophique, article ATHÉE. 2. Dialogues et entretiens philosophiques; dialogue 24, en- tretien 10. Pris, en Angleterre, d'une passion pour la physique, Voltaire, à son retour, s'était retiré àCirey, où, avec Madame du Châtelet, il se livra à des expériences sur la conservation des forces et la propagation de la chaleur. L'Académie des sciences a même récompensé un de ses travaux par une mention hono- rable et par l'insertion dans ses Mémoires. PRÉFACE. religion se trouvèrent-elles être l'objet des mêmes per- sécutions haineuses. Le plus illustre parmi ces savants, le créateur de la chimie moderne, Lavoisier, fut vic- time de cette haine; Monge et bien d'autres n'échap- pèrent qu'avec peine à la guillotine : « la République n'a pas besoin de savants », proclamait le médicastre raté Marat. Un décret de la Convention supprimait l'Académie et en dispersait les membres. « Ces hommes dont le nom remplissait l'Europe, dit Cuvier, furent heureux d'être restés inconnus aux farouches dominateurs de leur patrie. Us coururent chercher, dans les asiles les plus obscurs, quelque abri contre ce glaive épouvantable, continuellement suspendu sur tout ce qui avait eu de l'éclat, et qui n'aurait peut-être épargné aucun d'eux, si les ministres de ses fureurs n'eussent été aussi ignorants qu'ils étaient cruels 1. » La communauté dans la persécution n'a fait que resserrer, au xixe siècle, les liens entre les sciences et la religion. Tandis que les philosophes, égarés dans les broussailles métaphysiques de Kant, persistaient dans le culte d'une raison-déesse ou sombraient dans les ténèbres de Hegel et d'autres, les savants créateurs élargissaient leurs conceptions de l'univers, qu'ils basaient sur uploads/Histoire/ elie-de-cyon-dieu-et-la-science.pdf
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- Publié le Oct 04, 2022
- Catégorie History / Histoire
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