Part. 1 : Raconter une histoire Chap. 1 : Un besoin propre aux humains - Pierre

Part. 1 : Raconter une histoire Chap. 1 : Un besoin propre aux humains - Pierre Notte - Bonjour Simon McBurney. - Simon McBurney - Bonjour! - Pierre Notte - Alors, nous sommes à Londres. On vous présente vous comme auteur, comme scénariste, comme acteur, comme metteur en scène britannique, et comme artiste associé au festival d’Avignon 2012. Est-ce que tout est vrai ou est ce qu’il y a des choses totalement fausses ? - Simon McBurney - Ça c’est toujours une question, est ce que tout est vrai ? Ou peut-être, rien n’est pas vrai de ce qu’on dit. Je ne sais pas ce que c’est la vérité. Vraiment j’ai toujours l’impression que d’être au théâtre c’est la profession des charlatans quoi. Et pour moi, c’est une profession très honorable, les menteurs, des charlatans, des gens qui essaient de raconter des histoires aux autres personnes. Alors si vous me faites une liste comme ça, il y a peut-être un infini, des choses qui manquent ; il y a aussi père, frère, fils. C’est-à-dire, moi j’ai toujours des problèmes au point de vue des catégories ; c'est- à-dire, qu’est ce que c’est la différence entre quelqu’un qui écrit et quelqu’un qui joue ? Et, pour moi le jeu d’acteur, ce n’est pas simplement un jeu d’interprète ; bien sûr, on interprète des mots, on rentre sur scène avec peut-être, avec un texte qui est complètement déjà fixe ; mais quelque part, dans chaque moment on est quand même un écrivain, c'est-à-dire on écrit nos propres chemins sur scène. Alors au fur et à mesure qu'on parle cet après-midi, on va retoucher de temps en temps cette question d’écriture. Et, je suis toujours un peu suspicieux de l’idée de catégories. C’est comme si il y a un bord, il y a des bords, des frontières dans laquelle il y a un pays qui dit, ça c’est acteur, ça c’est scénariste, ça c’est écrivain, ça c’est metteur en scène, et la vie n’est pas comme ça, il n’y a pas de frontières. - Pierre Notte - Et vous, vous avez besoin d’explorer tous les différents domaines de la création parce que vous vous sentez créateur dans chacun ? - Simon McBurney - Le besoin je, le besoin c’est-à-dire, je ne sais pas si c’est un besoin, je sais simplement que c’est quelque chose que je fais. Depuis que je suis enfant, la nécessité de jouer, d’imaginer, de raconter des histoires, ça m’a semblé complètement naturel. Et d’ailleurs, j’avais un…, une fois, j’avais un professeur qui m’a dit : si un acteur a oublié comment c’est de jouer comme un enfant, ce n’est pas la peine d’être acteur. Alors même, vous voyez, je n’ai pas la sensation d’être séparé d’une partie de ma vie ou un autre, ça fait une continuité. Et alors pour moi, ça fait aussi une continuité entre l’idée d'être acteur ou l’idée d’être écrivain, scénariste, metteur en scène, et bien sûr, l’artiste associé du festival d’Avignon en 2012. - Pierre Notte - Vous dites que ce métier que vous faites c’est raconteur d’histoire, c’est ça que vous avez dit, qu’est-ce que c’est ? - Simon McBurney - Oui, raconteur d’histoire. - Pierre Notte - Qu’est-ce que c’est comme métier, ça ? - DIDASCALIE - (Silence) - Simon McBurney - Raconter une histoire, c’est ce que je fais maintenant. C’est-à-dire quand j’essaie d’expliquer qu’est ce que c’est raconteur d’histoire, je raconte une histoire pour essayer d’expliquer, alors, c’est dans un sens pour moi, c’est quelque chose qui est…. On est tous des raconteurs d’histoires quelque part ; mais on peut dire où c’est le début de tout ça ? C’est peut-être sous les cieux, en essayant de regarder les étoiles. Et dès qu’on fait une ligne entre les étoiles, déjà on commence à raconter des histoires sur les cieux. Et c’est pour mieux comprendre ce que c’est autour de nous. On essaie de créer des structures qui deviennent très vite des histoires. Il y aura des gens qui disent: Et maintenant, le moment qu’on vit, on n’a plus besoin de l’idée de l’histoire parce qu’on a la science qui explique. Et alors, on a les histoires, on n’a plus besoin d’imagination qui essaie de nous placer dans le monde entier. À ça, je réponds que la science aussi c’est une histoire ; c’est-à-dire, c’est peut-être une histoire très convaincante par rapport avec une explication de ce qui existe dans le monde autour de nous. C’est pour ça d’ailleurs que ça m’intéresse beaucoup la science dans le théâtre que je fais. J’essaie souvent de toucher les histoires scientifiques, disons scientifiques, parce que je trouve quand même de temps en temps qu’il en manque, il y a plein plein de malentendus entre le monde dit non scientifique et le monde dit scientifique ; comme si il y a deux point de vue complètement différents dans le monde entier. Moi je ne le vois pas comme ça. Je le vois plutôt comme, que nous on fait tous partie du monde des raconteurs d’histoires. Et quand je touche sur le monde scientifique, notamment dans la pièce que j’ai appelé Mnemonic qui est une pièce qui est autour du sujet de mémoire, et aussi dans cette pièce Disappearing Number, où j’essaie de comprendre ce que c’est que la mathématique. J’essaie de raconter les histoires des deux choses, par exemple, la biochimie de la mémoire comme c’est, j’essaie de raconter ça comme c’est une histoire que je raconte à quelqu’un, comme c’est quelque chose amusant et inventif, aussi inventif que je ne sais pas, n’importe quelle autre histoire. C’est-à-dire si je suis raconteur d’histoires, c’est que j’essaie de raconter quelque chose dans une façon que vous, vous puissiez le voir dans votre imagination. C’est une question de communication, de se sentir avec des gens autour, qu’on est quelque part le raconteur d’histoires ; c’est essayer de ramasser ensemble la famille humain, et de convaincre les autres gens qu’on n’est pas que des individuels séparés de l’un à l’autre mais qu’on fait partie d’un ensemble. Et même qu’on fait partie du monde, c’est-à-dire le raconteur d’histoires c’est quelqu’un quelque part pour moi, c’est quelqu’un qui essaie de lier des choses comme des gens, les premiers gens, ils ont essayé de lier une étoile à l’autre pour mieux comprendre ce qu’il y a ou de mieux se situer dans le monde, voilà. Chap. 2 : Abolir des frontières - Pierre Notte - C’est aussi l’affaire de frontière que vous abolissez ! Par exemple, vous parliez de la science, vous voulez que ces mondes-là se côtoient comme sur la scène, toutes les peuvent se côtoyer. - Simon McBurney - Oui, je pense que c’est essentiel. - DIDASCALIE - (Silence) - Simon McBurney - Je n’aime pas tellement c’est-à-dire les frontières, toujours j’essaie de les passer sans papiers, sans documents officiels. J’essaie de…, en anglais, il y a un mot, smuggle, c’est-à-dire c’est de contrebande, c’est de « contrebandiser » des choses dans la tête des spectateurs ; à les convaincre qu’il n’y a pas vraiment de frontière entre eux et moi. Et bien sûr, aucune frontière entre un sujet et un autre. Voilà, mais c’est-à-dire que quand on parle de la mathématique, quand j’ai commencé à essayer de travailler dessus, c’était peut-être parce que dans mon enfance, comme plusieurs personnes, je ne voyais pas exactement pourquoi je faisais de la mathématique à l’école. Ça me semblait quelque chose de loin. - Pierre Notte - Abstrait ? - Simon McBurney - Abstrait peut-être mais loin de moi. 1, 2, 3, 4 pommes ça va ; ça c’est compréhensible pour moi. Mais dès qu’on enlève les pommes, à ce moment-là, ça devient plus difficile. Parce qu’il n’y a pas d’objet. Et puis, plus loin que ça, qu’on remplace des numéros avec des lettres et que ça devient de plus en plus abstrait, j’étais, quelque part, j’étais complètement perdu. Et ça c’est bizarre d’être perdu parce que je n’ai pas de problèmes avec l’imagination, c’est-à-dire dans le théâtre tout est faux, rien n’est vrai. Alors, tout est imaginé. Alors, ce n’est pas une question de ne pas pouvoir penser dans l’abstrait parce que je pense dans l’abstrait tout le temps. Je me suis demandé pourquoi j’avais ce problème. Et justement quand j’ai lu cette apologie pour la mathématique de G. H. Hardy, un livre extraordinaire, dans laquelle il explique de façon si claire pour moi pour la première fois de ma vie, il a expliqué si clairement que la mathématique c’est vraiment un travail d’artiste. C’est comme le peintre ou le poète mais sauf qu’il n’y a pas de peinture ni de mot. Mais ils construisent avec des idées. Le mathématicien, artiste construit avec des idées mais la façon dans laquelle il sent qu’une idée est vraie, c’est à travers, comme pour le poète ou le peintre, c’est à travers l’idée de beauté. Et si on sent que l’idée est beau justement, dans la mathématique, à ce moment-là, on sent que c’est uploads/Histoire/ entrevista-simon-mcburney.pdf

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  • Publié le Oct 04, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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