Document généré le 5 mars 2018 10:43 Meta Esquisse d’une histoire de la traduct

Document généré le 5 mars 2018 10:43 Meta Esquisse d’une histoire de la traduction en Afrique Paul F. Bandia Le prisme de l’histoire Volume 50, numéro 3, août 2005 URI : id.erudit.org/iderudit/011607ar DOI : 10.7202/011607ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Presses de l’Université de Montréal ISSN 0026-0452 (imprimé) 1492-1421 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Bandia, P. (2005). Esquisse d’une histoire de la traduction en Afrique. Meta, 50(3), 957–971. doi:10.7202/011607ar Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Les Presses de l'Université de Montréal, 2005 Esquisse d’une histoire de la traduction en Afrique paul f. bandia Université Concordia, Montréal, Canada bandia@alcor.concordia.ca RÉSUMÉ Cet article a pour but de dresser l’esquisse d’une histoire de la traduction en Afrique subsaharienne qui couvre les périodes-clé de son histoire ainsi que les principales ré- gions du continent. De l’époque précoloniale à l’époque néocoloniale actuelle, la traduc- tion et l’interprétation ont toujours aidé à faciliter la communication entre divers groupes, que ce soit pour faire le lien entre les souverains et leurs sujets, entre les colonisateurs et les colonisés ou encore, aujourd’hui, entre les communautés linguisti- ques d’une Afrique hautement multilingue et multiculturelle. La traduction a touché tous les secteurs d’activité en Afrique au cours des siècles, tant sur le plan politique qu’admi- nistratif, culturel et religieux. Dans ce contexte, la traduction s’est faite entre diverses combinaisons de langues: arabe, langues africaines et langues européennes. On peut compter aussi des formes traditionnelles de traduction intersémiotique. Tracer une his- toire de la traduction en Afrique c’est présenter l’histoire riche et complexe de ce conti- nent, de tous les échanges et contacts qui ont forgé son identité et défini son destin. ABSTRACT This paper aims to present an overview of the history of translation in Sub-Saharan Africa, and attempts to cover the major periods of its history and the main regions of the continent. From precolonial times to today’s neocolonial period, translation and interpreting have always played a major role in enabling communication between dispa- rate groups such as between kings and their subjects, colonizers and colonized, or in more contemporary times, between linguistic communities in a highly multicultural and multilingual Africa. Over the centuries, translation has been involved in many key sectors of activity in Africa ranging from politics and administration to culture and religion. Translation in this context has involved a great variety of language combinations between African languages, European languages and Arabic, as well as some traditional forms of intersemiotic translation. The history of translation in Africa reflects the rich and complex history of the continent and the various linguistic and cultural contacts and exchanges that have shaped and defined its destiny. MOTS-CLÉS/KEYWORDS Afrique subsaharienne, traduction postcoloniale, tradition orale, langues vernaculaires, traducteurs-performeurs Les premières tentatives d’élaboration d’une histoire générale de la traduction en Afrique se sont faites dans les années 1990 dans le cadre de projets de grande envergure subventionnés par l’Unesco sous l’égide de la Fédération internationale des traduc- teurs (FIT). Ces efforts ont donné lieu entre autres à l’ouvrage Les traducteurs dans l’histoire (1995), publié aux Presses de l’Université d’Ottawa, sous la direction de Jean Delisle et Judith Woodsworth1. Meta, L, 3, 2005 958 Meta, L, 3, 2005 Quelques travaux ponctuels sur la traduction anthropologique ou ethnographi- que, la transcription de la tradition orale ou l’écriture évangélique en langues africaines avaient été publiés auparavant mais pas dans un cadre formel visant à élaborer une histoire de la traduction en Afrique. L’ouvrage de Delisle et Woodsworth avait pour ambition de couvrir un large éventail de cas de l’histoire de la traduction dans le monde. On y retrouve quelques passages sur l’Afrique, mais ceux-ci ne reflètent pas adéquatement la richesse et la complexité de l’histoire de la traduction sur ce conti- nent. À notre connaissance, il n’existe donc pas encore d’ouvrage portant sur l’his- toire générale de la traduction et de l’interprétation en Afrique, mis à part quelques articles et travaux portant sur des cas particuliers ou sur certaines pratiques spécifiques à certaines régions2. Soulignons finalement que l’histoire de la traduction comme domaine de re- cherche et d’enseignement en traductologie est relativement jeune et tente encore de définir ses objectifs et sa méthodologie. Ceci peut expliquer la difficulté de constituer l’histoire générale de tout un continent. Cet article se veut l’esquisse d’une histoire générale de la traduction et de l’inter- prétation en Afrique. Les époques-clés et les événements majeurs qui ont marqué l’histoire de ce continent y seront abordés. Nous tenterons de situer cette histoire au-delà des particularités régionales et de faire le point sur la situation de la traduction et l’interprétation en Afrique en ce début de xxie siècle. Cette histoire, tout comme l’histoire du continent lui-même, est longue et complexe, débutant à l’époque précoloniale et se poursuivant à l’époque coloniale, postcoloniale et néocoloniale, plusieurs décennies après les indépendances. Ces époques-clés qui ont profondément marqué l’histoire du continent africain servent de point de repère permettant de cerner les grandes mutations de l’activité traduisante sur le continent. Traduire c’est commu- niquer avec l’autre, l’étranger, dont la présence est manifeste dans l’épithète « colo- nial» qui semble situer l’histoire africaine toujours par rapport à l’autre-colonisateur ou l’autre-impérialiste. Pourtant, l’histoire de la traduction, du moins dans son aspect de communication interculturelle, ne commence pas nécessairement avec l’impéria- lisme de l’autre, car bien avant l’arrivée des Arabes et ensuite des Européens, il exis- tait plusieurs formes et pratiques de la traduction en Afrique. L’activité traduisante en Afrique subsaharienne remonte aussi loin que l’acte communicatif lui-même. De nombreux travaux ont démontré que le multilinguisme fait partie de l’essence même de l’Afrique subsaharienne (Greenberg 1955; Senghor 1956; Armstrong 1967). Étant donné la multiplicité de communautés ethniques et linguistiques dans la région, la traduction a toujours existé et continue de faire partie du quotidien. Il ne s’agit pas cependant de minimiser l’impact de l’ingérence des Arabes ou de la colonisation européenne sur l’activité traduisante en Afrique car elles ont profondément marqué l’histoire du continent tant sur le plan linguistique que culturel. L’impact de la colo- nisation se fait sentir bien au-delà de son époque puisqu’elle a eu des conséquences sur les pratiques de l’époque postcoloniale. D’autre part, l’époque néocoloniale de l’histoire de la traduction en Afrique est marquée par un désir profond d’internationa- lisation du métier de traducteur qui œuvre maintenant dans un marché mondialisé. Ainsi, la traduction a joué un rôle majeur dans la survie politique, économique et culturelle des peuples de l’Afrique à toutes les époques de son histoire. L’époque précoloniale Les recherches dans le domaine de l’histoire orale, en particulier les travaux de Vansina (1985), Bascom (1964, 1965), Finnegan (1970) et Okpewho (1992), ont fourni des informations précieuses sur l’histoire de la traduction en Afrique précoloniale. Les missionnaires européens et les explorateurs ont aussi décrit certains aspects de la tradition orale africaine dans la période qui a suivi les premiers contacts entre l’Europe et l’Afrique. Étant donné son caractère préhistorique, c’est-à-dire une histoire au départ presque entièrement non écrite, l’histoire ancienne de l’Afrique a surtout été trans- mise par la tradition orale de génération en génération. Dans cette tradition, la per- sonne qu’on a parfois appelée « linguiste professionnel » se rapproche dans une certaine mesure du traducteur/interprète d’aujourd’hui. Il s’agit en quelque sorte d’un porte-parole officiel d’un village ou d’une ethnie. On le croyait doué d’un talent spécial pour la narration de l’histoire et de la culture et il était ainsi chargé de préser- ver en mémoire le patrimoine de son peuple. Dans la plupart des sociétés africaines, le «linguiste professionnel» appartenait à une lignée d’orateurs doués. Plusieurs tra- vaillaient à la cour des grands rois des royaumes du Mali, du Zimbabwe ou du Ghana, parmi d’autres. Ces linguistes jouissaient d’une position privilégiée dans la société et d’un certain pouvoir politique, étant porte-parole des chefs et des rois. Danquah (1928: 42) indique que non seulement le «linguiste» ashanti était-il chargé de répéter clairement les mots de son chef pour que l’audience comprenne le mes- sage en lui conférant l’autorité voulue, mais on s’attendait aussi à ce qu’il améliore le discours d’un chef manquant d’éloquence. Cependant, en aucun cas il ne devait en modifier le contenu. Il pouvait simplement rallonger ou restructurer les phrases tout en y insérant quelque commentaire ou réflexion humoristique ou philosophique, des touches qui valaient au linguiste et à son chef d’être célébrés pour leur ingéniosité. Chez les ethnies qui se trouvent de nos jours dans la sphère francophone, ces «lin- guistes» étaient appelés griots. Les griots étaient reconnus pour leur habileté à parler plusieurs langues et grâce à leur rôle d’interprète, la poésie d’une culture pouvait être diffusée uploads/Histoire/ esquisse-d-x27-une-histoire-de-la-traduction-en-afrique 1 .pdf

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  • Publié le Sep 03, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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